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Du sang pour le printemps
Before the sunrise, de Fred Amata.
critique
rédigé par Alain Roland Biozy
publié le 26/09/2006

Before the sunrise de Fred Amata chante l'hymne de l'amour.

Une colombe qui se confond avec le lever de soleil au firmament, puis laisse résolument la place à une gigantesque boule rouge à l'horizon. C'est un magnifique soleil. Fred Amata, réalisateur nigérian, chante le printemps de son Cameroun voisin avec grand art. Ce plan large qui embrasse toute l'étendue de notre champ de vision est d'une très forte symbolique, et traduit l'immensité du monde auquel il s'adresse. Ne s'agit-il pas, à défaut du monde entier, de tout le Cameroun ?
Subitement, tout tourne, et à l'harmonie des couleurs, la beauté de la musique aussi, succèdent des plans aux personnages grotesques, violents, barbares et effarouchés qui se déchirent verbalement autour d'une bizarre histoire de terrain usurpé, rythmé par une musique bruyante et rébarbative. S'installe alors une regrettable bataille foncière qui sème la haine à tout vent et introduit les démons de la discorde dans les deux familles Fongang et Chief Enoh. La déchirure est totale lorsque Fongang, au plus fort de son courroux, tire à bout portant sur Chief Enoh.
À travers une scène qui se déplace tant à l'hôpital où Dr Gorreti, fille Fongang, sauve la vie à Enoh, aux domiciles des deux familles, que dans le bureau de Gilbert, le fils Enoh, qui est au faîte de sa colère, Fred Amata tente de recoller les morceaux, en vain, quand subitement s'installe l'amour.
Même si on peut regretter que les acteurs en fassent souvent un peu trop dans une dramatisation beaucoup plus théâtrale, et aidés à cela par une musique parfois hystérique, l'amour fait tout de même son chemin. Cette musique tonitruante qui rythme à contre-courant parfois les rares espaces de relation passionnelle, ne traduit-elle pas en réalité le vrai visage d'un amour qui va-t-en guerre en quête de l'unité des peuples déchirés ?
Gilbert et Gorreti sont épris l'un de l'autre. Leurs mères, même si elles n'ont rien à dire vraiment, les soutiennent sous cape, contre le gré de leurs maris. Entre les enfants et les mâles de l'autre génération s'installe un décalage et du coup, on débouche sur un amour à la Roméo et Juliette, à la Shakespeare entre Gilbert et Gorreti dont les parents se déchirent.
C'est dans un décor rouge que Chief Enoh débarque chez son fils, pour le sommer d'abandonner son projet de mariage ; on est résolument englué dans la violence.
Dans ce chassé-croisé de haine et d'amour où se révèle en filigrane la place mineure de la femme, et que les hommes veulent se faire de plus en plus forts malgré les interpellations des enfants, arrive l'heure du sacrifice.
Rabroué puis chassé par son père et pourchassé comme un brigand après avoir été mis à la porte de chez les Fongang, Papi, le frère cadet de Gilbert est mortellement fauché par un véhicule. Dans son agonie, il réussit à rapprocher les pères ennemis et allume le calumet de la paix. Du coup, on se ramène à la culture du pacte de sang cher aux Africains et aux chrétiens. Fred Amata aurait pu nous gratifier d'un gros plan sur ce visage mourant. Cette parabole de Fred Amata place les gens devant une responsabilité capitale, la réconciliation des peuples, là où leurs parents ont échoué.
L'histoire de Fred Amata, qui dure 120 minutes, aurait pu être bien plus courte s'il avait pris en compte la notion d'ellipse, qui aurait imprimé à son film un rythme un peu plus rapide.
Il reste dans la logique cinématographique nigériane actuelle, qui s'éloigne de plus en plus de la campagne, pour des images urbaines, magnifiant ainsi un certain confort. Mais il ne sombre pas entièrement dans la thématique magico-chrétienne chère aux Nigérians.
Il est aussi vrai que la musique de ce film ne colle pas toujours aux émotions et à l'atmosphère qu'elle aurait voulu créer, autant qu'il n'a pas toujours su gérer avec succès l'harmonie de ses cadrages en situation en situation de champ–contrechamp. Finalement, on n'est pas suffisamment informé sur l'ensemble de l'espace dans lequel il nous plonge. Mais le plus grand mérite de ce film reste d'avoir réussi à embellir le spectateur à travers une histoire actuelle, parfois avec des retentissements plus douloureux ici et là, au Rwanda par exemple.

Alain Roland Biozy

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