AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 994 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Si vraie, la vie
Ninety degrees, de Mak Kusare
critique
rédigé par
publié le 13/09/2006

Pour son premier film, le jeune réalisateur Nigérian Mak Kusare raconte Lagos et ses illusions.

Based on a not so true story. Basé sur une histoire pas si vraie que ça. Ces premiers mots de Ninety degrees racontent tout le long métrage. L'œuvre ne se focalise pas sur la vie d'un Nigérian en particulier, mais sur les travers de la société nigériane en général. Par le biais de quatre amis qui sont autant de façons de s'adapter à une chienne de vie minée par l'usage de faux, la corruption, les magouilles, une chienne de vie présente sous les traits d'Agbede, l'incarnation de l'anti-héros, la somme de tous les vices, l'anéantissement des rêves d'un pays en construction. Agbede est la fondation même de la société nigériane actuelle.
En face, on a quatre positions à adopter. S'adapter au système de manière à se confondre à lui comme le plus jeune des amis, Iyke qui se fond dans le cynisme de son environnement. Tede est taximan et essaie de ne pas être broyé dans le rouleau compresseur de Lagos, grand centre d'affaires illicites. Il est partisan de l'adage "aide-toi et le ciel t'aidera", la solution des jeunes africains ne se trouve pas en Occident. Bulus, interprété par Mak Kusare, a quant à lui dépassé les frontières de la réalité, rendu quasiment fou par les grosses disputes de ses parents dans la maison familiale. Ses envolées révolutionnaires à la Marcus Garvey n'intéressent pas grand monde. Son visage lisse et sans expression symbolise une jeunesse sans repères.

Rêve et illusions

Le héros, c'est Agba. Représentant d'une génération entière de doux penseurs qui croient que tout est beau au-delà des océans, même les difficultés ne sont pas les mêmes, "vaut mieux souffrir là-bas qu'ici". Sur les airs mélancoliques de Tracy Chapman qui évoquent la douceur et la paix de l'Amérique, le pays de ses amours, "où tous les rêves se réalisent", Agba médite. Afin de sortir de la crasse des rues de Lagos accentuée par la caméra de Mak Kusare, par les gros plans qu'il fait sur la vieille porte au contreplaqué déchiqueté par endroits de la chambre d'Agba, que sa caméra regarde d'en haut, dans un quartier populeux. Il va donc s'engager dans le négoce de faux passeports.
Les femmes occupent une place à donner la chair de poule aux féministes les plus modérées. Objets de tromperie, sbires du anti-héros Agbede, elles prétendent offrir le rêve à travers des faux passeports, "c'est notre façon à nous de lutter contre le système."
Mak Kusare est un jeune, et qui mieux que lui pour raconter de tristes réalités qui dépassent les frontières de son Nigéria natal pour étendre leurs tentacules à l'Afrique tout entière. Ce film peut tout aussi bien raconter les misères de la jeunesse camerounaise. Une jeunesse peuplée de sans emplois, une jeunesse soumise à la loi du parrainage, où l'on ne gravit pas les échelons de la société si l'on n'a pas quelqu'un derrière soi. Où le politique a abandonné le social. Face à cette situation, l'on assiste à tous genres de dérives.
Même si Kusare dénonce les vices de la société, il a un parti pris visible contre les jeunes qui veulent s'exiler par tous les moyens. L'éclairage lumineux montre que tout n'est pas que tristesse en Afrique. Il le prouve d'ailleurs à la fin avec Agba qui perd son frère qui meurt accidentellement à sa place, à cause des magouilles qu'il a faites afin de regagner son rêve américain. Comme quoi, il faut se contenter de ce que l'on a.

Rita Diba

Films liés
Artistes liés
Structures liées