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On a tout essayé
Ultime résolution, de Bertrand Nohotio et Eloi BELA NDZANA
critique
rédigé par Rita Diba
publié le 20/09/2006

L'œuvre de Bertrand Nohotio, sortie cette année, parle de famille.

Ne pas poursuivre ses études. Parce que les moyens financiers ne le permettent pas, c'est une chose. Mais, ne pas poursuivre ses études parce que Papa – notre géniteur, qui a gentiment dispensé sa semence pour nous donner la vie, qui est censé suer pour nous nourrir, nous élever, parce que Papa – refuse de financer notre apprentissage. Là, la pilule est dure à avaler.

Le réalisateur camerounais Bertrand Nohotio, à travers son long métrage Ultime Résolution, a choisi de mettre en scène la toile complexe des relations familiales. La famille, cette entité dont on n'a le plus souvent en commun que le sang qui coule dans nos veines. Amandine, l'héroïne du film, apprend cette règle à ses dépens. Son père, d'une avarice à tomber par terre, sort tout droit de "L'Avare" de Molière. C'est un Harpagon version africaine. Un homme tellement radin qu'il l'est même envers sa propre personne.
Monsieur est un riche usurier qui garde toutes ses espèces sonnantes et trébuchantes sous son matelas. Il a refusé catégoriquement de débourser un seul de ses précieux sous afin que ses enfants aient accès à l'instruction. Son fils, frère d'Amandine, est éboueur. Mais, elle a eu plus de chance que son frangin, grâce à sa mère, elle a pu décrocher son diplôme de styliste. Elle veut poursuivre ses études à l'étranger. Seulement, elle n'a pas les deux millions qui lui ouvriraient les portes du paradis, son père si. Le hic, il refuse de les lui donner.
La situation d'Amandine, qui ira jusqu'à la dernière extrémité pour obtenir son argent, en braquant une arme à feu sur son géniteur, traduit le malaise de la jeunesse camerounaise en particulier et africaine en général. Une jeunesse sacrifiée à tous les vices des aînés, à leurs petits caprices. Dans le film, les bases du schéma social s'imbriquent les unes aux autres, mais elles sont mauvaises. La famille, fondement de la société, symbole, dans son sens étendu, de l'entraide entre les individus, est foulée aux pieds. Le respect de l'individu, facteur de son épanouissement communautaire, est ignoré, et le geste désespéré d'Amandine n'est que la résultante du comportement d'une jeunesse livrée à elle-même. Qui doit user de magouilles, de coups bas, pour parvenir à ses fins. Quitte à encourir la malédiction.
Certains détails dans la mise en scène de l'histoire passés outre, un point est accordé au réalisateur pour le nombre réduit de ses comédiens. Il a fait dans le nécessaire, chaque personnage présent dans l'intrigue y a une incidence certaine et représente un sentiment bien précis. Le père est bien sûr l'incarnation vivante de la pingrerie. La détermination prend les traits de l'héroïne. L'ami de papa est un pur concentré d'hypocrisie. Le petit ami porte le masque de l'ambiguïté face auquel le spectateur a deux réactions. Pour le plus sensible, il aime vraiment Amandine et serait presque prêt à tout pour elle. Mais le plus cynique, plus au contact des réalités africaines, y verrait un investisseur à long terme, partisan de l'adage "donner pour recevoir". Peut-être, en forçant sur le cynisme, on dira que beaucoup de jeunes gagneraient à réfléchir sur une longue échéance. Tant que ça sert les intérêts de la société, il n'y a pas de mal.

Rita Diba

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