AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 364 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
"Il faut une vraie politique culturelle"
entretien avec Gahité Fofana, réalisateur guinéen
critique
rédigé par Fatoumata Sagnane
publié le 13/05/2007

La Guinée vit le cinéma à un rythme particulier, surtout comparé à l'émulation qui règne au FESPACO de Ouaga s'offrant comme une rencontre, un lieu du donner et du recevoir. Gahité Fofana s'est prêté à nos questions pour nous faire vivre ses instants magiques et le dur labeur sur les plateaux de tournage.

Africiné : Un petit briefing sur votre parcours cinématographique ?

Gahité Fofana : J'ai fait des longs et courts métrages en Afrique d'une manière générale, dont Mathias le procès des Gangs, c'est d'ailleurs mon film le mieux connu en Guinée, IT (Immatriculation Temporaire), et le dernier long métrage Un matin bonheur.

Africiné : Y a-t-il un parallèle entre IT et Un matin bonheur ?

Pas vraiment car IT est imagée, c'est une fiction. Il y a pourtant des gens qui pensent que c'est une autobiographie alors que ce n'est pas le cas. Par contre l'histoire de Yaguine et Fodé (Un matin bonheur), vient d'un fait divers. Deux enfants qu'on a retrouvés morts dans le train d'atterrissage d'un avion de la Sabena en 1999. Le parallèle n'est pas très mathématique, symétrique. Dans IT c'est un jeune métis qui vient en Guinée à la recherche de ses origines alors que Yaguine et Fodé voulaient partir à tout prix en Europe.

Africiné : Parlez-nous de vos autres films !

Mon premier film tourné en Guinée en 94 était Tanun qui signifie "grand père" en langue soussoue, ensuite Tèmèdy une fiction de 10 minutes, puis Une parole, un visage documentaire de 26 minutes, Le soleil se maquille également un documentaire de 26 minutes réalisé il y a 14-15 ans.

Africiné : Quel était le principe de Tanun ?

C'est à travers la camera, que je rentre en contact avec mon grand père qui avait à l'époque 94 ans et qui explique à son petit-fils qui vivait en Europe comment on vit au pays des Noirs.


Africiné : Que représente la réalisation pour vous ?

J'ai fait une école de cinéma à Paris. À la base je suis monteur de formation pour plusieurs années d'études et de pratique. C'est par hasard que je me suis retrouvé dans la réalisation en faisant le film sur mon grand père qui était nécessaire et pour des raisons personnelles aussi. Depuis lors j'ai enchaîné des films, donc j'ai beaucoup de chance.

Africiné : Des prix à énumérer ?

Tanun a été primé plusieurs fois mais les principaux prix c'est surtout au festival de Venise avec Tèmèdy ; ensuite j'ai eu le prix documentaire avec Mathias le procès des Gangs, le prix de la francophonie avec IT au festival de Namur et dernièrement Un matin bonheur qui a reçu le prix spécial des Nations Unis pour les droits de l'enfance et un deuxième prix donné par l'association "One Day" association de jury d'enfants composés de Burkinabés et de Français.

Africiné : Vous êtes souvent très particulier sur le choix de vos acteurs qui ressemblent trop à leurs personnages !

J'écris mes scénarios en fonction des personnes que je connais et qui ressemblent aux personnages ; c'est assez facile pour eux d'incarner le rôle avec plus de naturel et d'imaginaire. Généralement je n'ai pas besoin d'avoir recours à la direction d'acteurs, autrement dit prendre un comédien professionnel qui peut en faire de trop alors que moi même j'essaie de faire moins les choses, pour être plus près de la réalité . Ce qui est sûr, ce sont des films d'auteur, soit on n'aime où on n'aime pas. Et d'ailleurs je viens du documentaire donc je suis moins imaginatif.

Africiné : Comment vous réagissez face aux caprices de votre équipe de tournage ?

Ça dépend des caprices de qui. Si c'est le producteur il faut s'arranger, mais généralement il ne se permet pas trop, sachant que je suis coproducteur des mes films. Coté acteurs, il faut être plus caressant. Par contre avec la technique, soit ça va ou ça casse car c'est comme dans l'armée, le réalisateur sur son plateau de tournage est le seul commandant.

Africiné : Un cas particulier où vous avez viré quelqu'un de votre plateau ?

Le plus difficile c'était sur le plateau de IT où l'acteur principal, un métis, s'est fait virer. Étant métis, j'étais obligé de le remplacer pour gagner en temps. C'est une expérience que je ne revivrai plus jamais, car je ne suis pas fait pour la comédie. D'ailleurs ça ne m'intéresse point.

Africiné : À partir de quel critère Un matin bonheur a été primé au FESPACO ?

C'est surtout à cause du thème traité. C'est un problème qui se passe avec l'immigration, un peu partout dans le monde.

Africiné : D'où viennent vos sources de financement ?

Ça varie en fonction du film : documentaire, fiction, long ou court métrage. Mes derniers longs métrages ont été financés par ARTE, la chaîne franco-allemande basée à Strasbourg, d'autres par Planète, CFI à l'époque et TV5.

Africiné : Quelle est votre vision du cinéma africain ?

C'est compliqué parce qu'il n'y a pas d'industrie de cinéma en Afrique. On peut parler plus de films réalisés en Afrique. En outre le cinéma africain n'existe vraiment pas. Au moins le Maroc a redémarré il n'y a pas longtemps à fonctionner avec ses films grâce à certains labos, mais ça c'est à part.

Africiné : Et le cas particulier de la Guinée ?

C'est délicat car les gens ne bougent pratiquement pas et c'est impensable que le Mali, Ouaga, le Sénégal, etc… produisent chaque année des tonnes de films et pas nous. Pourtant la Guinée a énormément de sujets à traiter, un patrimoine culturel à développer et à valoriser mais, pour le moment cela ne s'inscrit pas dans la politique des dirigeants guinéens. Et c'est dommage car ils oublient que la culture est tout en soi. Dans mon cas précis, l'État guinéen n'a jamais participé financièrement à un de mes films. Mais ma chance est que, si on ne m'aide pas, on ne m'empêche pas non plus de faire mes films. C'est tant mieux quoi.

Africiné : Il y a un bon rapport entre vous et d'autres réalisateurs Guinéens ?

Pas vraiment, c'est chacun dans son chacun.

Africiné : Que dire de l'ONACIG (Office National du Cinéma de Guinée) ?

C'est compliqué, il délivre juste des autorisations de tournage quand on leur présente des projets et c'est tout.

Africiné : Ça vous dirait d'enseigner à l'Institut des beaux Arts de Dubréka à quelques 72 Kms de Conakry ?

J'ai bien voulu un moment et quand j'ai déposé ma candidature, j'ai été négligé. Pourtant les cours que les jeunes reçoivent là-bas ne répondent pas à leur attente. Les têtes de l'Institut veulent rester entre eux, donc je ne forcerai plus rien.

Africiné : Vos propres solutions à proposer pour ressusciter le cinéma guinéen et la réouverture des salles de cinéma !

Il faut une vraie politique culturelle de la part des dirigeants, chose qui n'existe pas chez nous ; s'ouvrir sur l'extérieur ; et surtout assister financièrement les réalisateurs, car c'est comme ça que ça se passe chez les autres.

Propos recueillis par
Fatoumata "Fatou" SAGNANE

Films liés
Artistes liés
Structures liées