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L'Afrique à Cannes
Festival du Film de Cannes 2006 (France)
critique
rédigé par Hassouna Mansouri
publié le 01/09/2006

La relation entre le festival de Cannes et le cinéma venant des pays africains prête à interrogation. Si l'on se limitait aux trois dernières sessions on ne manquerait pas de constater que la présence de films de provenance africaine dans ce festival est presque stable. Il semblerait qu'il y ait un quota réservé au continent noir. Il faut remonter à très loin dans le passé pour trouver une sélection africaine en compétition.

Cependant, chaque année, il y a un film de l'Afrique du nord et un autre de l'Afrique subsaharienne en sélection officielle. Il y a trois ans, place fut faite à l'Egypte avec la projection de La Porte du soleil de Yousry Nasrallah en Hors compétition.
L'année suivante, on a vu passer Marock de la jeune Marocaine Leila Marrakchi. Pour cette année c'était le tour de l'Algérie avec Bled Number one de Rabah Ameur-Zaïmech dans Un Certain Regard.



Presque en parallèle, on a vu se succéder trois réalisateurs du Sud du Sahara. Après le doyen Ousmane Sembène avec son Moolaadè en 2004, est venu le tour du Burkinabé Pierre Yaméogo qui a présenté Delwendé, lève-toi et marche en 2005 dans Un Certain Regard et a remporté le prix de l'Espoir.

Cette année c'est le Mauritanien Abderrahmane Sissako qui vient faire honneur à tout un continent avec son nouveau film Bamako projeté hors compétition. Lors de sa projection officielle il y avait foule, devant la salle Debussy.



Chacun de ces titres, à l'exception de El banate Dol de l'Égyptienne Tahani Rached passé presque inaperçu, a laissé derrière lui un grand point d'interrogation : pourquoi aucun d'eux n'a été en compétition officielle ? Pourtant, presque tous ont été bien accueillis par le public cannois, et donc par les professionnels du cinéma.



Pour trouver la seule Palme d'or africaine il faut remonter à la session de 1975 où l'Algérien Mohamed Lakhdar Hamina remportait alors la grande consécration [avec Chronique des années de braise].
Il y a lieu de se demander si cette présence timide des Africains est liée au nombre limité de films produits chaque année, ce qui par conséquent réduit les chances d'entrer en lice pour la Palme. Sinon, l'autre hypothèse (mais qui n'est pas moins liée aux conditions de production) est que l'esprit et les mécanismes de production ne sont pas propices à développer un cinéma compétitif, capable de s'imposer sur la scène cinématographique.

Du reste, il est toujours peu évident de trouver des films venant de pays africains, sinon quelques titres discrets enfuis, de temps à autre, dans les sections parallèles ou quelques courts métrages. C'est dans ce sens qu'on a remarqué cette année la présence d'un Sud-africain dans la compétition officielle des courts métrages : Robin Kleinsmidt avec son film Ongeriewe. On trouvera aussi un autre court métrage, Menged de l'Éthiopien Daniel Taye Workou, seul porte drapeau du continent noir dans la Quinzaine des Réalisateurs.

Par ailleurs, les programmes parallèles ne manquent pas d'ouverture aux expressions cinématographiques africaines. Après l'Afrique du Sud et le Maroc, la section Tous les cinémas du monde a accueilli cette année la Tunisie qui a été l'un des sept pays à remplir le programme du Ponteiro.
Par contre, là où on pourra voir beaucoup de films africains c'est dans le programme du Pavillon du Cinéma du Sud. En marge des activités officielles, cet espace a vu passer pas moins d'une douzaine de longs métrages venant de Tunisie, Nigeria, Sénégal, Guinée, Afrique du Sud, Mozambique, Kenya, … Pour ne citer que quelques pays. Toujours est-il que ce lieu est plutôt un espace de promotion et de visibilité pour des cinématographies qui en manquent tellement.

De ce qui précède, il y a lieu de faire part de deux craintes. La première est qu'il existe un certain quota pour le cinéma africain en fonction des possibilités de production. La seconde est qu'il soit condamné à une existence en ghetto, à n'être visible que dans une seconde zone. Il y aura donc un cinéma pour les pauvres et un cinéma pour les autres. Pour le premier, il y a les petite ruelles, voire même les pistes difficilement praticables, pour l'autre les autoroutes.

Le fait est que, au-delà de toutes sortes de considérations, chaque année, le Festival de Cannes donne la preuve que, malgré le joug de ce qui est appelé "sous-développement", des auteurs sont toujours capables de relever le défi contre l'indigence. Et bien que leurs œuvres ne soient que rarement en compétition et des fois en sélection officielle ou dans les sélection parallèles, ils ne manquent pas d'imposer une reconnaissance artistique dont personne ne peut contester le mérite.
Après Moolaadé par "l'Aîné des anciens" que Cannes a propulsé vers une carrière très honorable (son succès continue même jusqu'à ce jour), voici que Bamako, film d'un cinéaste de la deuxième génération, vient prendre la relève. Et d'autres suivront certainement les prochaines sessions.

Hassouna Mansouri

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