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Afrique, lève-toi et avance
Congo River, de Thierry MICHEL
critique
rédigé par Yvette Mbogo
publié le 24/08/2006

10ème FENCAF (Festival Ecrans Noirs).

Contrairement à l'Asie du Sud-est, l'Afrique 40 ans après n'est toujours pas sortie de l'auberge. Tant les guerres tribales, la dictature, les conflits de pouvoir et la corruption font le quotidien des États du continent. Il y a eu certes la traite négrière, la colonisation, puis l'avènement des indépendances, et avec le pouvoir absolu du chef en Afrique ancrée dans les traditions. Mais est-ce pour cela que les chefs d'Etat africains s'accaparent de tout ? Peut-on être pourvu de tant de richesses comme le Congo Démocratique et avoir un peuple aussi souffreteux ? Malgré l'alternance des gouvernements, le peuple africain demeure dans la misère, alors que le continent est pourvu de richesses.
Remontant de l'embouchure à la source du fleuve Congo, Congo River fait découvrir les lieux de l'histoire tumultueuse d'un pays. Le film raconte la folie des grandeurs des hommes d'État, les décombres de l'Afrique mais aussi ses tragédies. Et pour corroborer la citation de Frantz Fanon, "si l'Afrique a la forme d'un revolver, le Congo Zaïre en a la gâchette". Thierry Michel choisit ce pays comme pour dire que les faits du Congo Zaïre, de par sa population et sa géographie, ont des répercussions sur l'ensemble du continent. À travers ce pays, l'on vit toutes les contradictions et les tourments de l'Afrique. Les images d'archives de Stanley et de Léopold II, colonisateurs du Congo ainsi que leurs oeuvres et celles de l'Université abandonnée ou du chemin de fer désaffecté, montrent combien l'Africain n'a pas su capitaliser l'héritage colonial, voire le bien-fondé de la présence occidentale sur le continent. Des palais de Mobutu tombant en ruines et érigés en zones enclavées, les problèmes de transport, le naufrage de cette barge qui coule et noie 250 personnes ou encore ce radeau qui s'enlise en plein fleuve et y dure quatre mois, indiquent comment les dirigeants Africains utilisent les fonds destinés à la gestion du gouvernement ou de la communauté.
Mais il n'y a pas que des drames! Il y a aussi le Bonheur. Et les images de fête sur une barge, la vie quotidienne sur un radeau à chaque étape du voyage, l'expriment. Plus loin, l'œil de la caméra de Thierry Michel va chercher l'homélie d'un pasteur à l'intérieur des églises révélées qui ont envahi le Congo pour attirer l'attention des Africains. Comment un pays qui prie tant ne réussit pas à se délivrer du joug des conflits et de la misère ? La religion en Afrique ruine les populations. Face à un peuple désemparé qui cherche une force spirituelle, des bandits de grands chemins ont créé de nouvelles églises pour extorquer des sommes énormes à leurs adeptes. "La puissance financière suit la puissance divine, alors donnez à partir de 500 dollars et votre puissance sera multipliée par ce taux". La rencontre avec le chef des miliciens Maï-Maï s'appuyant sur la bible amène le spectateur à comprendre l'échec de la religion. Le gris du ciel ou de l'espace, ainsi que le vert de la forêt luxuriante qui enserre les rives du fleuve indiquent à la fois la tristesse et l'espoir des jours à venir. Toutes ces images sont agrémentées des chansons mélancoliques de Lokua Kanza. Accompagnées des sons de guitare, elles questionnent sur le nombre d'âmes, le sang des êtres humains qui ont péri au Congo.
Mais au-delà de cette souffrance exprimée à travers les chants de lamentations, ce peuple réussit à conserver sa force intérieure, sa joie de vivre et c'est pourquoi il résiste à toutes les turbulences. Et les titres "Tokoleka" traduction en français "Nous passons", "Chimama" ou "Lève-toi" sont les messages d'optimisme sur lesquels se termine le film.

Yvette Mbogo

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