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Malheur aux dictateurs !
La colère des dieux, de Idrissa OUÉDRAOGO
critique
rédigé par Jean-Marie Mollo Olinga
publié le 15/05/2006

"Le pouvoir tient à deux choses. La première : ne jamais s'inquiéter de la pensée des autres. La deuxième : les persuader de s'inquiéter de la sienne". Ces propos qui servent de conclusion au dernier long métrage de Idrissa OUÉDRAOGO, tissent le nœud autour duquel le film est bâti.

A travers une histoire d'amour – les belles digressions dont sont caractéristiques la plupart des films africains – "Wonder Boy" – tel est le surnom du célèbre réalisateur burkinabè - croque les despotes africains. La colère des dieux apparaît donc comme un film à connotation politique. Un film sur l'exercice du pouvoir. Un film sur la dictature.

Tanga, fils d'un roi mourant, prend le pouvoir par la force. La femme qu'il fait sienne est enlevée à son fiancé. De force. De cette union naîtra un fils, Salam. Mais en réalité, ce fils est celui d'un autre. Le règne de Tanga est on ne peut plus sanguinaire. Oncle, femme, rival, beau-père, belle-mère et même les inconnus qui osent se mettre en travers de son chemin ou de ses opinions sont tout simplement exécutés. Et cela déchaîne forcément la colère des dieux.

Sur l'échelle d'un petit village, Idrissa OUÉDRAOGO ne transpose-t-il pas sa perception de la réalité de l'exercice du pouvoir dans les dictatures tropicales ? Servi par un casting de choix, il brode sa tragédie autour d'une classique histoire d'amour. Par sa trame, le film s'élève dès lors au rang de tragédie… classique. La musique aux intonations mélodramatiques, l'aridité du paysage, et le vol plané insoutenablement filmé d'un aigle aux pouvoirs mystiques, participent de la montée en puissance de ladite tragédie. Conséquemment, l'affrontement entre le roi et son fils d'hier est inéluctable. Pour l'un, il s'agit d'éliminer un farouche opposant de retour… d'exil. Et pour l'autre, il faut venger une mère et réhabiliter la mémoire d'un père. Avant de conquérir le pouvoir. On n'est pas très loin ici de L'Iliade, ce fameux poème épique d'Homère relatant un épisode de la guerre de Troie, et dans lequel Achille qui s'était retiré sous sa tente, revient au combat pour venger son ami Patrocle, tué par Hector.

Des effets spéciaux à l'africaine

Si on retrouve à ce niveau tous les ingrédients de la tragédie classique, Idrissa OUÉDRAOGO ne nous rapproche-t-il pas de la situation que vit encore, malheureusement, une bonne frange d'Etats africains ? Comment dans ce cycle infernal ne pas susciter la colère des dieux, ce d'autant que "deux forces égales ne peuvent pas cohabiter" ? Pis, elles ne peuvent pas s'asseoir sur un seul trône.

Pour dénouer cet écheveau, le réalisateur s'inspire de la mentalité mystico-religieuse du milieu dans lequel se déroule l'action. Capacité de métamorphose (du roi en lapin, de l'aigle en cavalier) ; maîtrise des éléments (le feu pour le roi et l'eau pour son ennemi), etc., sont autant d'effets… spéciaux à l'africaine que les réalisateurs du continent ne doivent pas se priver d'utiliser. Pour faire rêver leurs spectateurs.



En faisant intervenir les soldats occidentaux dans ce conflit interne, le réalisateur semble attirer l'attention des dictateurs non seulement sur les dangers de la violence et de l'intolérance en politique, mais davantage sur l'éventualité de leur récupération par des forces extérieures.

par Jean-Marie MOLLO OLINGA (Cameroun)

La colère des dieux - réalisé par / directed by Idrissa OUÉDRAOGO - Burkina Faso / France - 2003 - 1h30 - couleur - Fiction - Drame -

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