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Drum, histoire d'un homme … histoire d'un pays
Drum, de Zola MASEKO
critique
rédigé par Soumaya Beltifa
publié le 10/07/2006

Drum, est à l'origine le titre d'un magazine à la mode pendant les années cinquante à Sophiatown. C'est aussi le titre qu'a choisi Zola Maseko pour ce long métrage qui porte sur écran la vie d'Henry Nxumalo ; journaliste investigateur du Tabloïde.
Dans ce quartier symbole de la résistance culturelle à Johannesburg, Henry menait une vie oisive. Il passait sa journée entre le ring de boxe et son bistrot favoris. Une atmosphère qui nous rappelle celle du Bronx avec des chansons nostalgiques, rythmées et vivantes…de belles femmes, la chanteuse et petite amie du journaliste, des bouteilles de whisky, la fumé des cigarettes, les bandits… On assiste même au baptême du nouveau venu à la bande. Un jeune écrivain qui a mal supporté l'alcool et a vite sombré. Il venait de faire partie de cette bande qui n'avaient pour seule devise : vivre à 100 à l'heure "live fast….".
Les changements que le personnage d'Henry a connus ne se sont pas survenus à l'improviste. Ils étaient le fruit d'une succession d'évènements marquants, à commencer par une nouvelle orientation de son travail de journaliste. Ainsi du simple rapporteur de boxe, il commence à s'intéresser aux faits d'une marche organisée par Nelson Mandela. Suite au harcèlement de son patron, il essaye de se mettre en contact avec des bandits pour connaître de plus près leurs vies. Un quotidien loin d'être paisible comme cela pourrait paraître à travers les apparences : la belle voiture, des beaux costumes, des belles femmes,… une vie qui ressemble étrangement à celle des parrains de la mafia aux USA.
Trop beau pour être vrai ! Lors d'une visite guidée, accompagné de son photographe, Henry assiste à un meurtre commis par son "ami" gangster. Une scène qui a commencé par des provocations pour finir par un bain de sang sous les regards effrayés du journaliste et son photographe, qui au feu de l'action, n'a pas oublié d'immortaliser la scène. Et voilà, que dans la foulée des évènements, une discussion avec sa femme pousse Henry à remettre en question son rôle de journaliste. Il se décide enfin à s'émanciper davantage dans la société sud-africaine.
Il commence à s'intéresser aux problèmes réels de sa société. A l'aide de son complice, le jeune photographe, il entame une série d'investigations sur les conditions de travail et de détention des noirs sud-africains. Pour y arriver, il se faisait passer pour un simple travailleur dans un champs ou en se soûlant devant un poste de police et importuner une femme "blanche" pour garantir une place en prison ! Tous les risques qu'il avait couru étaient soutenus, encouragés et suivis de très près par ses confrères et le propriétaire du journal. Une adhésion qui s'est faite dans la douleur à l'égard du fait que le propriétaire "blanc" refusait de s'attaquer à la politique. Il n'arrêtait pas de dire à Henry "nous sommes un magazine culturels et non pas politique". Qu'est-ce qui l'a fait décidé ? Probablement une prise de conscience mêlée à une envie de gagner sur tous les fronts et garantir vie et succès à "Drum". Mais même si Henry a été manipulé et pousser à écrire sur certains thèmes par son rédacteur en chef, il a pu convaincre son patron et, même par moments, imposer son point de vue.
D'un simple rapporteur d'informations, Henry devient journaliste/investigateur animé par un fort sentiment de patriotisme.
Ceci lui a permis de découvrir les projets d'expansion urbaine des blancs sur le compte des habitants "noirs"" en les expulsant de leurs maisons. Poussé par une force intérieure, et encore une foie avec l'aide de son photographe, il parvient à voler la carte du nouveau projet. Mais pour son rédacteur en chef les preuves n'étaient pas suffisantes. Ainsi, Henry a commencé à orchestrer une manifestation contre cette décision avec Mandela et les habitants concernés. Il implique même les gangsters qui en les convainquant à agir sans violence pour la paix.
Comme toute fin tragique d'un militant, Henry a trouvé la mort sur les mains de son "ami" gangster parce qu'on l'avait bien payé. Mais, même avec sa mort, il a réussi ce qu'il n'a pas pu accomplir de son vivant : organiser la marche de protestation contre le projet d'expansion. Ainsi le film fini sur ce lent plan, cadencé par le rythme de la charrette qui transporte le cercueil orné de fleurs blanches. Une dernière marche silencieuse et symbolique derrière la dépouille d'Henry Nxumalo.

Soumaya BELTIFA (Tunisie)

Article publié dans la Revue Le cinéphile (Tunis), éditée par l'A.T.P.C.C., Mars 2006.

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