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Interview de Bassek BA KOBHIO
" Le cinéaste a une obligation d'engagement"
critique
rédigé par Jean-Marie Mollo Olinga
publié le 14/07/2006

La 19è édition du Fespaco a coïncidé avec les 50 ans de l'histoire du cinéma au sud du Sahara. Pour marquer l'événement, le cinéaste camerounais Bassek BA KOBHIO a été sollicité pour y apporter sa contribution.

Quels souvenirs gardez-vous de vos premiers pas dans le métier de cinéaste ?

Je garde de mes premiers pas le souvenir d'un jeune qui a eu de la chance, qui a rêvé de faire du cinéma et qui l'a effectivement fait. N'ayant pas bénéficié de bourse universitaire pour me former en cinéma, venant de la sociologie et de la littérature, j'ai été veinard et j'avais peut-être plus d'atouts que d'autres pour réussir dans ce métier où beaucoup arrivaient en Afrique avec une formation de base modeste.

Quels films ou quels cinéastes vous ont influencé dans le choix de votre métier ?

En matière de films, Le Mandat de Sembène Ousmane, Le pont sur la rivière Kwaï, Le train sifflera trois fois, et L'Éternel retour sont parmi les premiers films que j'ai vus, et qui m'ont décidé à chercher ce métier. Mais plus que tout, l'écrivain et cinéaste Sembène Ousmane, à qui j'avais toujours rêvé de ressembler, est celui qui m'a emmené véritablement dans le cinéma.

Quel rôle vous attribuez-vous, en tant que cinéaste, dans la société ?

Je m'attribue un rôle éminemment social, fortement politique, mais aussi distractif. Si ailleurs le rôle premier du cinéaste est de distraire, rôle qui est tout de même aussi le nôtre, la situation de l'Afrique est telle que le cinéaste a une obligation d'engagement, au sens où l'entendait Jean-Paul Sartre, c'est-à-dire une obligation de s'interroger et d'éclairer les autres.

Quelle analyse faites-vous de l'évolution du cinéma d'Afrique noire au cours de ce quart de siècle ?

L'évolution du cinéma d'Afrique depuis deux décennies a été importante en productions. Mais je crois qu'en termes de création de nouvelles écritures cinématographiques, nous n'avons pas beaucoup avancé, du fait que nous étions consciemment ou non, amenés à faire des films bâtards du fait de financements extérieurs qui mettaient parfois en second plan l'intérêt de notre public au profit de celui des bailleurs de fonds.

Qu'est-ce qui vous semble prioritaire aujourd'hui pour une véritable relance du cinéma (la formation, le financement, la création de laboratoires, la distribution, l'exploitation, etc) ?

A mon avis, la relance du cinéma passe par un investissement important dans la distribution et l'exploitation. Pour voir nos œuvres. Mais aussi par la formation, sans oublier la production, donc le financement. Vous constatez que nous sommes dans une situation où tout est prioritaire.

Avez-vous le sentiment que le Fespaco depuis sa création a contribué à l'évolution du cinéma d'Afrique noire ? Si oui, de quelle manière ?

Le Fespaco a incontestablement participé au développement du cinéma en Afrique noire. Le rendez-vous biennal de Ouagadougou est comme une ligne d'horizon vers laquelle tendent tous les efforts. Le nombre de films produits sur le continent serait réduit au moins de moitié si le Fespaco n'existait pas.

D'une manière générale, qu'attendez-vous des manifestations cinématographiques organisées sur le continent et ailleurs dédiées au cinéma africain ?

Les festivals de cinéma doivent, pour remplir leur rôle, être des lieux de promotion du cinéma africain, d'évaluation de notre art à un moment donné, de sensibilisation par rapport à l'existence de cet art souvent méconnu de notre public.

Quels rôles pensez-vous que doivent jouer l'État et les critiques pour l'émergence d'un cinéma de type nouveau en Afrique ?

L'État doit jouer un rôle de financier du cinéma, puis d'organisateur du secteur cinématographique. Pendant que les critiques africains doivent apprécier nos œuvres de l'intérieur, pour contrebalancer une influence pas toujours positive de l'analyse de nos œuvres vues par des regards et des sensibilités extérieurs. Non pas qu'il faille éliminer la critique de nos films par des critiques étrangers, mais les critiques japonais et français ne voient pas de la même manière un film français.

Propos recueillis par Jean-Marie MOLLO OLINGA (Cameroun)

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