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Une histoire d'eau
Kabala, par Assane Kouyaté
critique
rédigé par Jean-Marie Mollo Olinga
publié le 14/07/2006

Au sortir de la projection de Kabala, un acteur du film Les pygmées de Carlo à qui je demande ses impressions me répond : "Sur le plan technique, les Blancs n'ont plus rien à nous apprendre. Il faut seulement qu'ils nous donnent de l'argent pour faire nos films". Quant à une consoeur, elle me dit, encore émue : "Je me suis surprise en train de pleurer. Tellement j'ai vécu la souffrance de la fiancée de Hamalla…". Maîtrise technique et chronique délicieusement accrochante : voilà les compagnons des 112 mn que dure le premier long métrage du Malien Assane Kouyaté.

Comme la plupart de ses congénères, Kouyaté déroule une histoire sentimentale pour se pencher sur une question qui préoccupe non seulement son propre pays, mais aussi toute la sous-région ouest-africaine. D'ailleurs, c'est un problème mondial ; une personne sur six vivant sur la planète Terre n'ayant pas accès à l'eau potable. Problème actuel donc. Et dans le film de Kouyaté, la sécheresse frappe Kabala, un petit village du Mandé. Le puits sacré des ancêtres est sur le point de tarir. La vie des habitants, contraints de boire une eau insalubre, est en danger. Hamalla, un jeune homme qui connaît la technique pour le revitaliser, se heurte à l'opposition de tous les villageois. Ce serait une profanation, car ce puits est le symbole de toute la spiritualité du village. Les difficultés de Hamalla deviennent encore plus grandes lorsque la femme qu'il aime est promise à un autre en mariage.

Ce film présenté à la Semaine internationale de la critique à Cannes, est passionnant à plus d'un titre. Si la question essentielle qui sous-tend sa dramaturgie est celle de l'eau, l'histoire d'amour qui y fait avancer la trame ne l'est pas moins. Dans la salle, cette belle fleur que leur sert le réalisateur malien prend à la gorge les spectateurs à l'âme sensible. Assane Kouyaté en profite pour égratigner, afin de les dénoncer, ces coutumes rétrogrades qui ont encore la vie dure en Afrique de l'Ouest : les mariages forcés. Et mieux que cette histoire, c'est davantage le côté technique qui captive le spectateur. L'aube, la nuit noire, la nuit éclairée aux chandelles (lors de la séance de magie de la mère de Hamalla), le rendu des vents, etc., le sont avec un tel à-propos que le spectateur s'y sent presque transporté.

Malheureusement, certains acteurs de ce premier long métrage ne sont pas toujours au niveau du talent d'Assane Kouyaté. Leur jeu quelque peu théâtral tranche nettement d'avec la maestria de la maman de Hamalla (la sorcière), et de son alter ego masculin, les meilleures interprétations du film. De plus, bien que ce soit le choix délibéré du réalisateur, la perception qu'on peut avoir de son film qui s'est déroulé en un lieu, certainement pas en un jour, mais qui y a tenu rassemblés tous les personnages, peut prêter à équivoque. Parce que obéissant à une définition du théâtre classique.

Jean-Marie MOLLO OLINGA,
Cameroun

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