AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 939 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Un conte de fée
Le Pari de l'amour, du Franco-Ivoirien Didier AUFORT
critique
rédigé par Jean-Marie Mollo Olinga
publié le 17/07/2006

De mémoire de cinéphile, jamais film auparavant n'aura été vécu avec autant d'intensité au cinéma Abbia de Yaoundé! Discussions et prises de position contrastées ont vigoureusement marqué la projection du Pari de l'amour du Franco-Ivoirien Didier Aufort. "C'est bien fait pour les hommes", entendait-on ici. "Elle est quand même méchante", répliquait-on par-là.
Pourtant, c'est d'un thème éculé que traite le film. Une histoire à la Shakespeare, comme la littérature et le cinéma en fourmillent. Mais, quelle maestria dans la manière de présenter des personnages aussi attachants et dans d'aussi majestueux décors ! Le tout sur fond d'intrigues en relation avec la vie moderne. Car c'est de l'Afrique moderne qu'il s'agit dans le film de Didier Aufort. On est alors loin, très loin des films de clichés dits "calebasse" qui semblaient définitivement avoir fait corps avec la pellicule du septième art africain. Et que cela vienne d'un Français devenu - par amour - Ivoirien n'a que plus de mérite.
Propulsée du jour au lendemain dans la pétillante vie parisienne après avoir gagné 200 millions de francs Cfa aux courses de chevaux, Caroline, magistralement interprétée par le top-modèle Isabelle Beke, croit y vivre un grand amour avec Armand (Virgile M'Fioulou), un incorrigible séducteur du show-biz. Pour se libérer, elle rompt presque au couteau ses fiançailles avec Jean-Philippe (Djedje Apali), resté au pays.
Avec seulement 250 millions de francs Cfa, Didier Aufort a réussi l'exploit de tourner ce conte de fée qui éloigne le spectateur de l'image misérabiliste dont est affublé le continent noir. Avec des acteurs au jeu impressionnant (Lucie interprétée par Virginie Racosta n'est-elle pas si vraie et si naturelle…), Le pari de l'amour peut surprendre par son éclairage très actuel sur les rêves d'une certaine jeunesse africaine aussi à l'aise à Paris qu'à Dakar ou Abidjan, lieux où a été tourné le film.
Il faut saluer ici le réalisateur qui a su démontrer qu'avec un stylisme recherché, des musiques que l'on fredonne, de la romance et des acteurs à la plastique de rêve, on peut, si on le veut bien, faire un film d'amour sans forcément étaler de façon ostentatoire, des scènes de nu et d'embrassades interminables.
Bien entendu, quelques scènes pèchent par leur côté invraisemblable. Exemples : à Paris, on ne roule pas en moto sans casque (ce que font Armand et Caroline quand ils essayent leur Harley). Les avions en provenance d'Afrique noire atterrissent actuellement à Roissy et non pas à Orly-Sud. Le film est de tournage récent.
Par ailleurs, tous les biologistes le savent, la relation sexuelle entre un mulâtre et une Blanche donne naissance à un Blanc, non pas à un mulâtre ayant les traits d'un… Asiatique (le bébé de Lucie). De plus, on peut regretter le fait que dans un continent où leurs noms les appellent à quelque chose (pour parler comme Aimé Césaire), Didier Aufort ait choisi d'"impersonnaliser" ses acteurs auxquels pourraient s'identifier certains spectateurs, en ne les nommant que par leurs prénoms. Mais, ces choix du réalisateur ne sont-ils pas la manifestation de sa liberté ?
Avec ce film, Didier Aufort ne prouve-t-il pas que l'avenir du cinéma africain qui évolue dans un environnement financièrement précaire se situe dans la maîtrise du numérique ? Les belles images de son chef-d'œuvre et la manière de les restituer donnent fatalement envie de les revoir.

par Jean-Marie MOLLO OLINGA (Cameroun)

Le pari de l'amour - réalisé par / directed by Didier Aufort - Côte d'Ivoire - 2003 - 1h30 - couleur - Fiction - Drame -

Films liés
Artistes liés
Structures liées