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L'aveugle orphelin qui rêva de succès…
Ray, de Taylor Hackford
critique
rédigé par Sitou Ayité
publié le 18/11/2006

Il aurait pu être Noir !

Même si le film retrace la vie de Ray Charles, avec des flash back sur son enfance, il est important de rappeler certaines choses. Sa vie d'avant le départ pour Seattle. C'est depuis là que l'histoire de Ray est émouvant. Issu d'une famille très pauvre en Géorgie, Ray Charles Robinson est né en 1930, période où la peau noire cherchait encore une place dans la société. Mais voici ce qu'il dit lui-même : "Je suis aveugle, mais on trouve toujours plus malheureux que soi. J'aurais pu être Noir !" Il perd la vue à l'âge de 7 ans après la noyade de son jeune frère sous ses yeux. Il est donc placé dans une école spécialisée en Floride. C'est là qu'il a appris ce qui changera toute sa vie : le piano.
Ray Charles appris tout seul à jouer au piano et au saxophone grâce à la méthode braille.
Après la mort de sa mère à 15 ans, il quitte son école et commence à travailler comme musicien. Ray eut un début très difficile dans les orchestres de danse où il jouait. Il traverse tout le pays sans succès. En 1947, il tenta sa chance à Seattle. C'est ici que commence le film …

Une bio musicale

La charité bien ordonnée commence par soi. Qui dit ray dit musique, et c'est bien ce de quoi on parle dans ce film : de ray et de sa musique. C'est sur un grand piano maîtrisé par les doigts d'un Jamie Foxx qui a donné le meilleur de lui-même que s'ouvre le film Ray. Une époustouflante "biographie musicale" de Ray nous émeut et nous fait vibrer pendant 2h30 à travers ce film de Taylor Hackford. La 1ère scène avec ses très gros plans sur le piano, les lunettes noires, le cigare, le verre et le beau costume nous situe déjà sur l'importance que ces éléments auront dans le film. Avant de nous faire tomber dans cet univers, le réalisateur nous fait voyager permanemment dans l'enfance de l'acteur avec ses flash back pour nous faire comprendre certaines actions de l'acteur. C'est dans un mélange de 2 décors différents qu'évolue le film ; celui d'un village très ensoleillé et pauvre de la Floride constitué uniquement de peau noire et des grandes villes des Etats d'Amérique. On remarque ce contraste entre un bus traversant un grand champs de blé et des voitures qui pilulent sur les boulevards. "Quand on voit petit, on est petit, quand on voit grand, on est grand", et bien notre Ray a vu grand , aussi grand qu'il fut comparé à Franck Sinatra dans le film. Mais que d'obstacles sur le chemin de ce petit musicien du sud avant de parvenir à ses fins…
La ségrégation pointait déjà son nez quand Ray quitte sa communauté pour Seattle. Il se place au fond du bus qui est réservé aux hommes de couleur. Il en faut beaucoup plus pour décourager un Ray. Même si l'accent n'est mis que partiellement sur ce thème, on voit bien que l'acteur refuse de chanter dans un Etat raciste par la suite. Je voudrais soulever la contre attaque que notre acteur utilise dans ses premiers défis en ville : c'est cette constante référence à sa mère Aretha Robinson. Une belle force de caractère durant toutes ses scènes. C'est cette même force de caractère que Ray utilise devant ses escrocs. Vous remarquerez cette analogie entre le flash back sur sa mère énervée qui dit "derrière chaque menteur, il y a un voleur" et Ray devant Marlene et Gossie Mc Guee qui essayent de saboter son contrat avec Jack Lauderdale de Sweet time Records.
Cette constante solitude intérieure et cette peur de l'eau sont imbattables dans une bonne partie du film. C'est à la drogue qu'il s'essaie ; ne serait-ce que pour oublier un instant ses douleurs. La drogue l'a aidée à sa manière. Quelle impressionnante bataille intérieure contre la drogue qui l'a quasiment vaincu lorsqu'il voulait s'en débarrasser !
Jusque là on entendait que du Ray interprétant d'autres musiques, mais l'entrée en scène de Della Bea Atwin de Cécil Shaw Singers change le cours des choses. Sa manière de voir les choses ouvre les "yeux" au "magicien aveugle", le rythme " gospel – rnb" est né. Le succès est là, la solitude est apparemment partie. Le réalisateur donne un grand souffle au lecteur par un assez long fondu au noir et on replonge dans cet univers avec un Ray et ses problèmes de star : la drogue et les femmes.
Les femmes viennent et s'en vont. On se demande si c'est au fait un problème et si ça l'était était-ce un problème pour Ray ou pour Bea sa femme puisque étant au courant de tout, elle a tout accepté avec une incroyable passivité.
Quant à la drogue, on croirait que le film ne finirait jamais au stade qu'il était dans la vie de Ray mais il a su en venir à bout tout seul. C'était son dernier et son plus dur handicap.
Ce qui me marque encore, c'est ce refus de chanter dans un Etat raciste. On montre déjà que cette voix noire américaine a su s'imposer. Remarque
C'est avec un Ray plus vrai que nature que le film est bouclé. Pour ceux qui en doutaient, c'est seulement ici que vous remarquerez que c'était un Jamie foxx dans la peau de Ray, ce n'est pas pour rien qu'il a été oscarisé meilleur acteur.
Pour les fans de Ray, ou simplement les amoureux de la musique blues, et gospel-rnb vous êtes servi. Le fond sonore ne vous laissera pas indifférent. Vous reconnaîtrez sans doute "Georgia in my mind" devenu l'hymne de l'Etat de Georgie.
Que dire, le pari est gagné pour Hackford, bravo. Il le fallait, vu qu'il a obtenu le droit d'adaptation à l'écran depuis 1987…
Ce film est tout simplement à voir et à revoir.

L'incarnation

Le film a minimisé les " cut" et s'est centralisé beaucoup sur les effets spéciaux. On a des indications permanentes sur les années et les villes. Le fond sonore et les indications de tous ces différents lieux de concerts sous une couche d'effets spéciaux nous épargnent la monotonie et nous révèlent l'innombrable nombre de concerts que ce "génie" a pu donner.
Ray a fêté son 10 000 ième concert en 2003 et il a eu 12 Grammy awards.
Les noms comme ABC Paramount et Atlantic Records nous rapprochent de la réalité. Je n'oublierai pas non plus ces images réelles de certains concerts comme Le Newport jazz festival en 1961. Il y a une différence dans la qualité de l'image mais ça donne cet effet biographie et ça rend le film vivant.
Ces barrières rouges qui séparent les flash back et les autres séquences me donnent personnellement une idée de parenthèses dramatiques que le réalisateur veut montrer. Chacun de ces flash back était émouvant. Ils ont tous retenu mon attention.
Je dirai aussi que Jamie Foxx n'a pas joué le rôle de Ray mais il l'a incarné tout simplement. Ses gestes, ses démarches, quand il se gratte et se balance sur sa chaise …C'était impressionnant. Un petit coup de chapeau aussi à "Ray enfant", il a très bien simulé les pleurs et son visage exprimait parfaitement les émotions.
Depuis le début jusqu'à la fin, Ray a une coupe de cheveux de "garçon de bonne famille" alors que presque tout son entourage homme les ont fait défriser ; gossie mac guee par exemple.
Il a fallu donc reconstituer l'habillement des années 50 pour faire vrai. De Della Bea à Margie, la mode est claire, habit qui descend jusqu'au dessous des genoux. Les fantaisies ne sont pas surtout permises. Chapeau au costumier !

Ami de la sagesse

Je veux insister sur cet aspect philosophique de la drogue évoqué dans le film. Remarquez que Ray n'y touche jamais à la maison mais c'est seulement au dehors. Et encore dehors, il interdit aux personnes qui lui sont chères d'en prendre ; "quand je suis au dehors, je suis dans le noir, je ne veux pas être tout seul Bea" dit il ! Contrairement aux autres, il est arrivé à la drogue malgré lui ; c'était pour combattre ses couchemards et la peur du noir, mais comme la nature ne pardonne pas, il devait s'en débarrasser.
Il m'est venu de m'interroger sur un autre point. Pourquoi le réalisateur a choisit un nain blanc Oberon pour lui offrir quelque chose à fumer avant de monter sur scène pour la première fois à Seattle ?

Foireux quelque part ?

2h30, c'est un peu "titanic" pour le spectateur mais lorsque l'image, le son et les mots s'accordent, on ne voit pas passer le temps.
Je ne sais pas si vous remarquerez comme moi le petit faux raccord au tout début. Ray présente son ticket de bus au policier blanc, sa main étant levée mais la caméra qui l'a pris de derrière montre une main baissée.
Pourquoi le film n'a eu aucun prix ? Qu'est ce qui manquait ? Dites moi.

Sitou Ayite

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