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Pas si méchant que ça
Confidences, de Cyrille Masso
critique
rédigé par Jacques Bessala Manga
publié le 28/11/2006
J. Bessala Manga
J. Bessala Manga
Confidences, 2006
Confidences, 2006

Le premier long métrage de Cyrille Masso est une incursion dans le monde de la drogue chez les jeunes en Afrique

Pour sa sortie mondiale et en projection commerciale le 27 octobre 2006 au Centre culturel Français de Yaoundé, le film Confidences du jeune réalisateur camerounais, Cyrille Masso, n'a pas été ridicule. Aidé en cela par une subtile campagne promotionnelle, la presse ayant reçu longtemps à l'avance des trousses (dossier de presse et Cdroms) pour annoncer l'événement, laquelle campagne est venue rencontrer l'impatience dont semblait déjà faire montre le public qui attendait le film depuis la fin du tournage en 2004.

Le Ccf de Yaoundé a fait salle comble, pour laisser voir à l'écran, la belle fourchette de comédiens, têtes couronnées et passablement connues d'une part, Daniel Ndo alias Oncle Otsama, Essomba Eloundou, Clémentine Essono, Massan A Biroko, et jeunes loups aux dents longues d'autre part, Thierry Ntamack dans le rôle d'Anani, Patrice Minko alias Koppo dans le rôle de Motto, Tatiana Matip, interprétant pour la première fois le rôle de Rita au cinéma, tenter d'émerveiller un public chauffé à blanc par les spots qui ont défilé en boucle plusieurs semaines durant sur les synthés et autres bandes annonces des chaînes de télé locales.

Confidences n'est donc que l'histoire atypique de Motto, un adolescent comme il s'en trouve des millions dans cette Afrique qui a cessé d'être le village d'antan, pour se transformer, plus vite qu'on ne l'a espéré, en mégapole sujette à toutes les hantises des autres villes du monde. C'est l'histoire d'un jeune homme face à ses tourments, face à la précarité de sa famille, face au chômage de son père notamment, face à la maladie de sa sœur, face aux incertitudes qui pèsent sur son avenir, face à sa volonté (vaine ?) de se réaliser, face à son désir de se rendre utile, à tout prix, à tous les prix, et malheureusement au prix fort. Une histoire qui commence dans le préau d'un lycée, où des destins d'adolescents s'entremêlent, s'entrechoquent, se rapprochent pour mieux s'éloigner, se croisent pour enfin se retrouver dans une église, chez un prêtre, symbole furtif mais non moins saisissant de cette société qui a tourné le dos à la morale et à la vertu, symbole troublant de cette Église qui se rend si souvent coupable, malgré elle, de complicité aux actes criminels de certains de ses adeptes.

À travers des chroniques édifiantes de la jungle urbaine que semble devenue la ville africaine, en abordant un sujet lui-même nouveau dans les thématiques de films africains, la drogue en milieu jeune, le réalisateur a bâti la trame de Confidences sur une histoire sympathique d'amours scolaires rebelles, mais possibles, de camaraderies espiègles et candides, de rêves impossibles et rageusement sincères, où la violence n'est jamais bien éloignée.

Moraliste, Cyrille Masso l'est forcément, lui qui semble épingler la responsabilité parentale à l'épreuve de la pauvreté, la délinquance juvénile, les plaisirs faciles et factices, la prostitution, la drogue…, les tentations mirobolantes, la vie de château des dealers, auxquelles font face les jeunes, toutes choses qui symbolisent la haine que le réalisateur voue à cet univers qu'il met en scène. Même s'il s'en défend, il est assez tentant de penser à une œuvre autobiographique, tout au moins passablement tirée de faits réels que le réalisateur semble avoir vécus. Des faits racontés dans un style qui est en train de s'imposer dans le projet cinématographique de la jeune génération de cinéastes camerounais, inspirés qu'ils le sont certainement par la première tentative de Jude Ntsimenkou dans Urban Jungle, et reprise avec quelque imperfection par Cyrille Masso dans Confidences. La relève est plutôt prometteuse.

Résolument séduit par la formidable opportunité qu'offre le numérique, Cyrille Masso ne s'est pas embarrassé de fioritures, pour tourner en haute définition, et se soustraire de facto aux contraintes, au demeurant nombreuses, financières et matérielles, qui pèsent si souvent sur les jeunes réalisateurs en manque de notoriété. Au finish, à s'y méprendre, le spectateur a la réelle sensation de regarder des images en 16, voire 35 mm, tant les désagréments causés par l'humidité et les tournages de nuit sont corrigés et réduits à leur expression la plus infime. Dès lors, le kinescopage qui a été fait du film tourné en vidéo n'est plus qu'une formalité, tant les déperditions sont mineures.

La jeunesse du réalisateur se ressent néanmoins dans cette œuvre pionnière, desservie par une caméra timide, qui n'ose pas entrer dans l'intimité de son sujet, avec des valeurs de plans assez figés, malgré leur variété, une musique originale qu'on aurait souhaité plus enlevée pour s'identifier à la jeunesse, une voix off du héros principal, Motto, monocorde, qui se refuse de traduire la variation des émotions, elles aussi très nombreuses dans le film qui dure au total 90 minutes. De même, le rôle de Tatiana semble minoré par le réalisateur qui lui donne une épaisseur insuffisante, malgré sa tenue à peu près correcte devant la caméra, pour un premier rôle à l'écran. Et pourtant, son apport dans la rédemption de son amour n'est pas des moindres. Quant à Anani, le mentor de l'autre, ses emprunts malhabiles au caïd des banlieues lui confèrent une personnalité déformée, presque excentrique. À la décharge du jeune réalisateur, il faut retenir l'intention perfectionniste, faite d'un mélange subtil de la blaxploitation et du cinéma de Spike Lee, d'une part, et du drame psychologique, dont Raoul Peck a su faire très bon usage dans Lumumba avec la voix off de Eriq Ebouaney.

Jacques Bessala Manga
Cinepress Cameroun

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