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L'intégrisme musulman, mauvaise lecture du Coran
Making of, de Nouri Bouzid
critique
rédigé par Fortuné Bationo
publié le 18/11/2006

Les Journées cinématographiques de Carthage, qui fermeront leur 21ème session demain samedi, ont accueilli un nom illustre du cinéma africain, responsable d'une série d'émeutes à chaque sortie de film à Tunis : le réalisateur tunisien Nouri Bouzid. Mais cette fois, après la projection de son film Making of, les acclamations n'ont pas fait trembler la salle comme d'habitude. Le sujet était délicat et le pari audacieux.

Un corps marié aux explosifs ne courtise pas les cendres de martyr sans venir d'un quelque part incertain, d'un train train aux abois. Et même quand la tendresse dévorante d'une mère est au rendez-vous, il y a malheureusement un père qui fait parler le fouet à outrance pour redresser le fils égaré sur le droit chemin. Voilà à peu près la vie de Bahta, dans le long métrage Making of du réalisateur tunisien Nouri Bouzid. Le personnage principal du drame est un jeune homme de 24 ans qui a échoué au bac. C'est aussi un danseur amoureux des défis, mais aimant surtout la belle Souad. Elle veut chanter, il la presse de renoncer à cette passion, et va jusqu'à la gratifier d'un scandale devant la porte de sa dulcinée après s'être convaincu qu'elle le trahissait avec un autre. Les coups de théâtre du genre, Bahta en est friand et ce n'est pas son bref passage à la police qui va lui en ôter le plaisir. Le second numéro de provocation se fait dans les habits volés de son cousin policier, une audace qui va déclencher l'appétit chez deux chasseurs de martyr. Mais deux faits vont leur livrer le garçon sur un plateau d'or. Le jeune danseur a finalement réussi à voler l'argent de son grand-père au prix d'une grande ingéniosité, mais cette somme, qui a servi à soudoyer des passeurs pour rejoindre l'Italie, n'a pas produit le résultat escompté. La police est aussi à ses trousses pour une autre raison. Les recruteurs entrent alors en scène pour caser l'infortuné Bahta chez Abdou, un sculpteur de pierres tombales. Là, le deuil de ses repères sociaux attend son heure, dans un lent et redoutable lavage de cerveau démolissant pierre par pierre sa vision du monde et ses croyances les plus ancrées. La danse, l'art, la démocratie sont tour à tour écrasées dans une rhétorique coranique sectaire et dogmatique. "Le sang des martyrs parfume le paradis" lui fait savoir son faux guide. Mais pas si niais que cela, le jeune homme, qui se révolte et refuse de continuer le film dans les habits d'un futur kamikaze. Le réalisateur Nouri Bouzid intervient alors pour le prier de continuer, en lui expliquant qu'il s'agit là que d'un simple message à faire passer, et profite de ce temps d'arrêt de la fiction pour assener ses vérités sur un islam qui ne doit pas avoir de liens avec la politique, et en prêchant notamment le meilleur versant du coran qui enseigne en excellent guide la tolérance et la paix. Le personnage retourne à son rôle, se rebiffe une seconde fois, accepte de continuer, mais se laisse traverser par des sentiments contraires qui le traînent jusqu'aux portes de la démence. Film délicat sur une brûlante question d'actualité, Making of ouvre de l'intérieur une nouvelle interrogation sur les ressorts de l'intégrisme en mettant les jeunes kamikazes dans la peau de pauvres victimes. Original et un brin provocateur dans un contexte ambiant favorable au combat arabe, ce long métrage met en garde la jeunesse contre le mensonge de la guerre sainte.


Un autre long métrage projeté AHLAM (RÊVES) du réalisateur irakien Mohamed al-Daradji lui, a choisi de s'attaquer aux ravages de la guerre en Irak en jetant dans le chaos annoncé les morceaux hébètes de vies déchirées. Dans un asile psychiatrique au cœur de Bagdad sérieusement bombardé, le film met en exergue trois personnages prisonniers à la fois du présent et du passé. Mais les retours convulsifs et répétés en arrière des séquences finissent par hacher le film et affaiblir sa magie.

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