Qui a dit qu'il n'y avait pas de contes de fées en Afrique ? Kirikou et la sorcière en est la preuve tangible. Dessin animé très original d'ailleurs : un enfant qui parle dans le ventre de sa mère, "se naît" tout seul, prend tout seul son 1er bain et devient adulte par un baiser sur la bouche. Un véritable "blanche neige africain"
Michel Ocelot qui est le scénariste et en même temps le réalisateur de ce chef d'œuvre s'est basé sur des thèmes traditionnels de l'Afrique de l'ouest.
J'ai pu souligner deux de ces thèmes :
- "l'écharde". Kirikou posait déjà le nœud du problème en voulant savoir pourquoi Karaba est méchante. C'est sur cette question que tout le film reposait. Mais en quoi une écharde est un thème et plus encore un thème en rapport avec l'Afrique ? Le réalisateur a symbolisé la douleur de la femme africaine par cette écharde.
Le village de Kirikou est maîtrisé par Karamba la sorcière qui a transformé les hommes qui ont essayé de la combattre en objets obéissants. N'est ce pas cette écharde plantée par les hommes du village dans le dos qui lui a fait devenir ce qu'elle est ? On peut ressentir cette douleur de Karaba dans le flash back qui la montre par ses cris amères devant des hommes cruels et indifférents. L'analogie avec la réalité est que la femme africaine est reléguée au "second plan", elle n'a aucune voix dans sa société et n'est bonne qu'à obéir. Sauf que cette fois Ocelot transcendante le réel et ce sont les hommes qui obéissent à Karaba.
- la superstition : l'autre mal qui ruine l'Afrique. Les villageois attribuent à une main surnaturelle tout phénomène anormal. Le réalisateur montre que la source maudite et le chapeau magique n'avaient rien de surnaturel.
Il a fallu un petit enfant courageux ; Kirikou, (avec la voix de Doudou Guéye Thiaw) qui ne posait que des "pourquoi" pour briser les mythes étendus sur plus de la moitié de la durée du film. Long périple parsemé d'embûches mais puisque l'audace paie, les pélicans soldats ont réservé à ce garçon haut comme 3 pommes tous les honneurs mérités. Le sage de la montagne est la solution à tous ces "pourquoi".
On aurait pu déjà deviner le sort de Karaba mais avec la phrase "ta force est l'absence de gris-gris", on se demande ce que l'avenir de ce film nous réserve si on ne peut briser les sortilèges de Karaba par les mêmes moyens qu'elle.
Une Afrique sans chants et danses n'est pas une Afrique complète. Ocelot non plus ne l'a pas oublié. L'image et le son s'accordent parfaitement ; balafon, tam-tam, flûte étaient au rendez vous. Toutes les occasions du film ont leur rythme. Un rythme particulier dans la tristesse, quand le village a cru Kirikou mort lorsqu'il voulait déboucher la source, un autre dans la joie lorsqu'il sauve plusieurs fois les enfants du village. Les rimes dans les chansons rendaient les chansons plus intéressantes :
Kirikou est petit, mais c'est mon ami
Kirikou n'est pas grand mais il est vaillant
Kirikou nous libère, malgré la sorcière
La BO du film a été confié au Sénégalais Youssou Ndour.
Malgré le village triste au début du film, ce dessin animé se termine merveilleusement bien comme dans les contes de fées. Il passionnera les petits et les grands.
Sitou Ayité
