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La quête de l'idéal
Heremakono, en attendant le bonheur, de Abderrahmane Sissako
critique
rédigé par Sitou Ayité
publié le 24/12/2006

Ce film très énigmatique d'Abderrahmane Sissako montre sous un angle paradoxal la relativité de l'idéal. Abdallah vient passer un peu de temps à Nouadhidou, une petite ville de la Mauritanie, en attendant son départ pour l'Europe. Khatra (Ould Abder Kader) a un ardent désir d'avoir son costume bleu d'électricien. Pour chacun, l'idéal de l'autre est absurde. Comment peut on vouloir aller en Europe quand on sait qu'on a peu de chance de survivre en mer et d'échapper aux policiers ? C'est pourtant le rêve d'Abdallah. Il ne comprend pas comment son entourage se plaît dans ce coin perdu de la Mauritanie. Son monde à lui, c'est l'univers des "chiffres et des lettres". Il a pourtant essayé de s'habituer en parlant la langue hassanya et de s'habiller comme ses frères. Il n'y arrive pas ; l'hassanya est trop difficile et la première fois qu'il voulait s'habiller comme les autres, il a (sans le savoir) confectionné un habit avec un tissu pour rideau. Ce n'est plus la peine d'essayer, vaut mieux vivre comme là-bas ici, c'est-à-dire fumer ; ce que sa mère n'aime pas ; regarder la télé et lire . C'est dans cette scène de lecture qu'on remarque la maîtrise des jeux de lumière chez le réalisateur. Abdallah se referme ainsi sur lui-même en attendant le bonheur : le grand départ pour l'Europe. Ce film n'a pas volé son titre. Mais est ce seulement là que se trouve le bonheur ? Qu'y a-t-il dans la bouteille ramassée à la mer par le petit Khatra ? Une bouteille jetée à la mer, ne veut elle pas lancer un SOS ? Faut il encore tenter d'aller là où ceux qui ont tenté de le faire lancent un appel au secours ?
Le réalisateur répond en même temps à ces questions d'un côté dans ce petit bout d'homme, Khatra. Il parle parfaitement sa langue et le français. Il n'est pas déraciné comme Abdallah. Son bonheur à lui est de devenir électricien et il y est parvenu. Pourquoi Abderrahmane Sissako a attribué ce métier d'électricien à Khatra? Sans doute parce que la vraie lumière se trouve chez soi.
D'un autre côté, le réalisateur démystifie le fait que l'épanouissement de la femme est en Europe. La preuve, il a montré des femmes dans leur voile qui fument sans être cachées.
Cette fiction sans contredit a la principale caractéristique d'un film africain malgré la peau des acteurs parce qu'il exploite intensément le rythme lent. Très astucieux de la part du réalisateur. Abdallah, malgré qu'il soit l'un des acteurs principaux ne parle presque pas et prend tout son temps pour dire ce qu'il a dire quand il ouvre la bouche.
Une grande perspicacité que j'ai personnellement appréciée chez le réalisateur est qu'il n'a pas masqué le vent mais il a exploité artistiquement dans tout le film et ça donne cet air sahélien au film. En plus, on a l'habitude de voir les images et d'avoir un fond sonore ; cette fois les images sont couplées "d'images sonores". On voit que la petite fille qui apprend des chansons est celle qui chante en fond sonore avec la dame à ses côtés. J'apprécie cette finesse du réalisateur.
Ce film a eu l'étalon en 2003 au FESPACO

Sitou Ayité

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