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Les voisines d'Abou Moussa, de Mohamed Abderrahman Tazi
La rhétorique de l'histoire et la poétique de l'imaginaire
critique
rédigé par Noureddine Mhakkak
publié le 24/12/2006

Le cinéma joue, en tant qu'art qui se base sur la construction de l'image et du son, sur l'inscription de la mémoire humaine et ses moments fuyants d'elle, ou au moins sur les ombres qui restent pour qu'il puisse les reconstruire parmi un imaginaire collectif où le rêve imaginé se relie avec le réel registré et la réalité se rencontre avec l'illusion.Ainsi pour penser le cinéma, selon Claudine Eizykman, pour saisir son fonctionnement, il faut excaver la circulation spécifique qui règle les conditions d'échange entre les appareils cinématographique, psychique et social. Et d'après cela, le cinéma a été considéré comme l'art des rêves réalisés dans les espaces de l'écran avec excellence.
Certes, ce qui fait la grandeur du cinéma, c'est qu'il est une somme, une synthèse aussi de beaucoup d'autres arts tels l'art plastique, la danse, la musique et la photographie pour ne citer qu'eux. Mais aussi ce qui fait cette grandeur, d'autre part, c'est le sujet principal de l'histoire traité. Ce sont les thèmes abordés et représentés dans le film. Car exprimer la société, c'est d'abord la représenter avec un souci d'exactitude matérielle et d'authenticité morale.Et cela ne peut pas être réaliser si ce cinéma ne présente pas le parcours social ou historique de la société qui veut la présenter au spectateur désigné. L'impression de réalité suggère que le cinéma produit un affect si fort qu'il est pensé comme relevant de la réalité, mais qu'il est d'autre non réel, non tangible. Ainsi on trouve que le cinéma lorsqu'il veut présenter l'âme d'un peuple, il se dirige directement vers son histoire pour la diffuser d'une façon narrative bien structurée pour que le spectateur puisse l'admirer. Ainsi on trouve de grands cinéastes qui veulent représenter le fait historique dans sa réalité mais selon les particularités du cinéma et ses besoins thématiques et esthétiques. On peut citer quelques films qui ont été réalisés suivant cette vision tels Autant en emporte le vent, Les dix commandements de Cecil B. DeMille, Le destin de Youssef Chahine, L'ombre de Feraoun de Souheil Ben Barka, Les voisines d'Abou Moussa de Mohamed Abderrahman Tazi, et bien d'autres. Des films qui ont marqué, soit la scène cinématographique internationale, soit arabe ou marocaine. Chaque film dépend de ses qualités artistiques et même distributives. Mais ce qui nous intéresse en tant que critique du cinéma, dans ces films, c'est leur compétence à recréer le passé et à le représenter au spectateur comme s'il était TOUJOURS vivant dans son imaginaire. C'est pour cette raison là que nous avons choisi un film marocain inspiré d'un roman historique qui aborde des moments remarquables de la vie marocaine dans le temps du passé, pour les étudier et montrer à partir de son histoire représentée comment le cinéma peut donner une vision magique à l'univers romanesque, qu'il le présente aux spectateurs, en mélangeant le réel avec l'imaginaire. Parmi ces films cinématographiques historiques qui ont marqué le parcours du cinéma marocain, le film de Mohamed Abderrahman Tazi : Les voisines d'Abou Moussa. Ce film, adapté d'un grand roman marocain du célèbre écrivain marocain Dr Ahmed Taoufik, s'ouvre dès la première scène sur les paysages de Salé où les notables de cette ville reçoivent le messager du Sultan ; messager qui était l'un de ses conseillers préférés. Ce grand conseiller y est venu pour compléter une mission officielle. Ainsi le récit du film commence par les manifestations de la joie comme un symbole du respect envers le représentant du Sultan d'une part et le conflit qui va éclater entre les supérieurs de la ville de Salé et surtout entre le cadi Ibn Hafiz et le gouverneur Jarmoun. Car chacun d'eux veut que cet hôte de marque soit logé chez lui. Et quand le conseiller du Sultan choisit la maison du cadi, le gouverneur Jarmoun devient très jaloux du cadi, prenant cette décision comme une insulte. Mais il reste calme en attendant une bonne occasion dans l'avenir pour se venger de cette défaite là. On dire ici que le grand réalisateur Mohamed Abderrahmane Tazi a bien fait en choisissant les deux grands acteurs marocains Mohamed Miftah et Ahmed Taib El Alj.Le premier pour l'interprétation du rôle du gouverneur Jarmoun, l'autoritaire, et le deuxième l'interprétation du rôle du grand cadi Ibn Hafiz, le bienfaiteur. C'est de cette belle façon que commence l'histoire du film : par un grand conflit entre ces grands notables de la ville de Salé. Mais malgré cette première réussite artistique au niveau du jeu des acteurs et de l'enchaînement des effets du film, ce dernier n'a pas pu représenter toute la richesse du roman du grand romancier Ahmed Taouik. Le réalisateur, en construisant son film, ne voulait pas bien sûr, recréer le roman comme il est, mais réaliser un film cinématographique en s'appuyant sur lui, ni plus ni moins. Pour autant il a pu, et cela est très important, créer un grand film dont l'univers est plein de symboles historique, mythique et artistique.Car le film a pu recréer toute une période historique avec tous les signes signifiants, tels les habits, les coutumes, les traditions et même le langage. Les décors sont présents d'une manière notable. Cette mise en scène remarquable est inscrite dès le début du film et demeure jusqu'à la fin servi par un jeu spectaculaire de tous les acteurs et par la représentation formidable d'un parcours historique qui se double d'une mise en scène familiale : les entrées et les sorties des personnages rythment la marche du film. L'histoire et le désir sont mis en scène et rabattus sur le pouvoir des grandes familles. Ainsi on trouve qu'après la représentation des personnages masculins, l'œil de la caméra va être tourné vers la maison du grand cadi où les effets du film vont prendre un autre chemin, celui de l'amour et la souffrance d'une jeune femme qui s'appelle Shama. Cette jeune femme va être épousé par le conseiller du Sultan. Une deuxième fois, le réalisateur Mohamed Abderrahmane Tazi a bien choisi l'actrice qui va interpréter le rôle de Shama. C'était bien la talentueuse Bouchra Charaf, avec son visage si calme et ses yeux si doux, d'une part, et ses gestes parfaitement maîtrisés, d'une autre part. De sorte que cette actrice a laissé l'oeil de la caméra la représenter comme a souhaité le réalisateur du film. On peut démontrer cela à partir de quelques scènes du film telle la scène qui la relie avec son premier époux, joué par l'excellent acteur marocain Abdelatif Hilal, dans la nuit de la noce, ou avec le gouverneur de la ville interprété par le grand acteur Mohamed Miftah.Dans ces deux scènes Bouchra Charaf a pu montrer au spectateur qu'elle est une meilleure actrice cinématographique plus qu'une meilleure animatrice (ce dernier métier qui l'a fait connaître).
Le jeu des acteurs et des actrices a été souvent bon ou au moins acceptable. On peut citer à ce propos le rôle remarquable du cheikh d'Abou moussa qui a été fort interprété par le grand acteur marocain Omar Chanbout. Ce rôle qui a été joué avec une grande simplicité qui montre la force spirituelle du personnage mystique de l'histoire du film. En plus de cela les changements de relation de la réalité au réel surdéterminent les significations de l'image : comme émanation, l'image est liée au donné, acceptation et valorisation de la réalité, tandis que le réel utopique en est la destruction. Dans ce film la seule relation de la réalité au réel est l'impossible, l'amour sensuel et l'amour soufi.
Ainsi on peut dire que le grand cinéaste marocain Mohamed Aberrahmane Tazi a pu nous présenter une image très profonde de l'histoire marocaine à partir d'une adaptation du roman célèbre Les voisines d'Abou moussa du grand écrivain romancier historique Ahmed Taoufik. Ce film là qui a représenté un stade remarquable dans le parcours de ce cinéma, celui de la rencontre de l'art cinématographique marocain avec son jumeau qui n'est que l'art romanesque marocain bien sûr, d'une part et d'autre part avec l'histoire marocaine elle-même.

Noureddine Mhakkak

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