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La manipulation des consciences
Il va pleuvoir sur Conakry, de Cheick Fantamady Camara (Guinée)
critique
rédigé par Ludovic O. Kibora
publié le 12/03/2007

Bangali est un jeune caricaturiste plutôt dans l'air du temps. Au journal Horizon où il travaille, il s'est épris de la fille du patron. Les amourettes entre Bangali (Bibi pour les intimes) et Kesso évolueront en véritable passion, à travers les péripéties d'une vie qui tangue entre joie et peine.
À travers une histoire simple, presque banale, de la vie des habitants d'une cité africaine (Conakry dans le film), le Guinéen Cheick Fantamady Camara balade sa caméra sur des thèmes qui caractérisent une société où la frontière est mince entre le traditionnel et le moderne, entre le religieux et le politique. Il va pleuvoir sur Conakry, le titre de son premier long métrage, est l'histoire d'une pluie attendue par tout un peuple.

Il va pleuvoir sur Conakry.



Et qui viendra finalement après la prière des religieux. Titre prémonitoire des réactions qui ne manqueront pas de fuser à la vue des images de nu qui émaillent l'intrigue ? Malgré, ses airs de déjà vu, la fiction est assaisonnée à merveille par des scènes intimes qui provoqueront à coup sûr des murmures dans les salles obscures africaines, mais ne sont pas sans provoquer une interrogation voire une prise de conscience pour dépasser l'hypocrisie ambiante.

Au-delà du destin individuel d'une jeunesse qui cherche sa voie sous l'emprise de la culture des pères et celle venue d'ailleurs, ce film est la peinture de la manipulation permanente qui anime le jeu social. Le politique manipule le religieux, le pouvoir manipule la presse, le père sa lignée… Ce cycle du jeu du chat et de la souris n'empêche pourtant pas la vie d'être un long fleuve tranquille, sauf quand la pluie vient à tomber. Hypocrisie quand tu les tiens !
Bibi est un personnage très respectueux des valeurs culturelles locales mais résolument tourné vers son propre avenir. Si bien qu'il décline avec méthode l'offre faite par son père Karamo, d'être imam à la place de l'imam. Le temps facteur important dans la tromperie sociale est mis à profit par l'ensemble des personnages de ce film pour jouer leurs tours, dans une ambiance qui prend par moment des allures de feuilleton télé.

De belles images claires, rehaussées par une lumière qu'embellissent les couleurs chaleureuses d'un milieu africain...
... Une caméra taquine qui montre les détails d'un environnement social où la rouille des toits en tôles ondulées qui couvrent la misère n'empêche pas le peuple d'avoir d'autres modes de vie entre concours de beauté et soirée Rap.
Amine, le frère de Bangali, rêve de La Mecque, leur jeune sœur vit en Rap, le père, tout imam qu'il est, ne peut s'empêcher d'adorer l'autel des ancêtres. Vanité des vanités…! Le drame qui trouble la vie paisible de ces gens de bien est souvent évacué avec facilité pour finir par prendre la forme d'un bébé sacrifié pour l'honneur du lignage.

Univers réaliste d'une société africaine actuelle, Il va pleuvoir sur Conakry, à travers cet imbroglio de manipulations, se fait satire du politique, du religieux, des faits sociaux rétrogrades. Avec en plus une bonne dose de sentiment au rythme d'une musique bougeante, le réalisateur fait des clins d'œil à la liberté de la presse, à la tolérance, au laisser-vivre-sa-vie. Tout cela fait de cette réalisation qui ne joue pas forcément sur le suspens un condensé de complexité tant au niveau de la thématique que des personnages que sont le père et le fils, au point qu'on hésite à attribuer le fanion de personnage principal à l'un ou l'autre. Camara pousse cette heureuse complexité jusqu'à l'impossible mise à mort du géniteur.
Au moment où sonne le générique de fin, l'impression d'avoir été soi-même manipulé, par l'utilisation de tableaux qui séduisent forcement, reste présente à l'esprit.

Ludovic Kibora (Burkina Faso)

Il va pleuvoir sur Conakry, de Cheik Fantamady Camara, Guinée, 150'. Images : Robert Millié. Musique : Ismaël Sy Savané. Avec Bakary Keïta, Alex Oguou, Tella Pkomahou.

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