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La coexistence tradition-modernité est possible
Faro, la Reine des eaux, de Salif Traoré (Mali)
critique
rédigé par Cyr Payim Ouédraogo
publié le 12/03/2007

4e œuvre du réalisateur malien Salif Traoré, Faro, la Reine des eaux, film inaugural de la 20e édition du FESPACO, nous emporte dans un univers où le problème d'une coexistence entre croyances ancestrales et modernité se pose avec acuité.
L'intrigue du film est construite autour de Zanga, enfant adultérin, qui retourne dans son village plusieurs années après en avoir été chassé, pour découvrir qui est son père. Son arrivée coïncide avec les mouvements brusques de Faro, l'esprit du fleuve, qui dissuade pêcheurs et femmes de s'y aventurer pour se baigner ou pour en prélever du poisson.
C'est dans ce contexte que ces manifestations sont interprétées par les villageois, vénérant un fleuve qui procure leur pitance quotidienne, comme un signe de colère liée à l'arrivée du bâtard.
Ce bâtard, devenu ingénieur après de multiples mésaventures, est toujours gênant pour ses géniteurs qui redoutent la colère de la société. Il est craint par le chef du village qui a peur que celui-ci soit vénéré par ses sujets, en leur construisant un barrage et en réalisant des aménagements pour développer la localité.
Et que dire de ces géniteurs de bâtards, après avoir fui leurs responsabilités de paternité, lient la colère de Faro, l'esprit du fleuve, à la présence de bâtards dans le village ?
Comment comprendre que des dignitaires suscitent des bâtards pour ensuite les traquer ?
Comment comprendre que le saoulard très hostile aux enfants adultérins ait, contre toute attente, un bâtard à lui aussi ?
Faro, la Reine des eaux est comme un recueil de mensonges savamment orchestrés par des personnes indignes, préférant, au nom d'une certaine tradition, sacrifier des rejetons adultérins pour protéger leur propre peau.
Le réalisateur, Salif Traoré n'hésite donc pas à pointer du doigt les travers d'une tradition animée quelquefois par des garants qui ne pensent, de prime à bord, qu'à leurs intérêts. La preuve : dès que Zanga propose de réaliser un barrage et des plaines aménagées pour rendre le village prospère, le chef demanda si un tel projet ne sera pas une menace pour son trône.
Ces images de détresse, d'injustices, de révolte et de frustrations rappellent comment l'Afrique est parfois prise à son propre piège par certaines pratiques dites ancestrales ; des coutumes qui enchaînent plus qu'elles ne libèrent.
Cette œuvre ne nous invite-t-elle pas à donner une place aux personnes marginalisées, aux victimes de la tradition ? Celles-ci ont une partition à jouer dans le développement de nos cités et surtout de nos villages où les us et coutumes ont droit de cité.
Une coexistence dynamique et contradictoire entre tradition et modernité est possible et doit être recherchée. Salif Traoré le met bien en exergue.

Cyr Payim Ouédraogo (Burkina Faso)

Faro, la Reine des eaux, de Salif TRAORÉ, Mali, 130'. Scénario/Screenplay: Salif Traoré et Olivier Lorelle. Musique : Bass Ekou Kouyaté. Images/Caméra: Jean-Pierre G. ; Son/Sound: Jean Sébastien ; Montage/Editing: Laure Budin ; Musique/Music: Bass Ekou Kouyaté ; Interprètes/Cast: Sotigui Kouyaté ; Décor/Set
design: Bakary Wattara ; Durée/Length: 130' - Format: 35
mm - Couleur ; Contacts: Salif Traoré (Sarama films)

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