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Une jeunesse en quête de devenir
Making off, de Nouri Bouzid (Tunisie)
critique
rédigé par Ludovic O. Kibora
publié le 15/03/2007

Making of cinéma !
Le Tunisien Nouri Bouzid interrompt son fim à trois reprises : l'acteur Lotfi se révolte contre son personnage Bahta qu'il sent devenir un monstre. Le film se fait making of et provoque par cette innovation de cinéma la réflexion du specteur. Critiques, analyse et entretien avec l'acteur Lotfi Abdelli pour éclairer ce choix.

La caméra recule sur le mouvement d'un joyeux groupe de jeune gens. Le décor signale une ville portuaire, où l'appel du large plane dans les rêves des adolescents. Le rythme saccadé d'une musique Rap, démonstration de danse, provocation et jeux de mots ; une jeunesse s'exprime dans son quotidien, qui est un permanent désir de liberté. La promiscuité d'un environnement social renforce en elle cette envie de voler vers des horizons jugés meilleurs. Tel est d'entrée le décor de Making off, le long métrage du Tunisien Nouri Bouzid qui a pour personnage principal Bahta. Ce jeune homme déscolarisé, qui a la danse comme passion, est aussi animé par le désir ardent de s'exiler en Europe ou, à défaut, être flic. Prendre la place de cette autorité qui ne se signale à eux que pour les empêcher de danser en paix. Chokri est issue d'une famille plutôt moyenne, mais les revenus d'un père taximan, qui n'est présent que pour donner la férule à son fils et une mère ménagère qui n'a que son amour maternel à offrir, l'éducation est difficile, surtout lorsque les enfant ont des rêves qui ne cadrent pas avec les attentes familiales. Pourtant, Bahta ne demande qu'à être un homme. Quand le quotidien est sombre et les horizons bouchés, la tentation est grande de se laisser emporter par les sirènes de la manipulation des consciences que savent si bien sonner ceux qui ont une autre expression sociale des préceptes du saint Coran. Mais est-il facile de transformer un homme lorsque ses penchants personnels sont plus forts ? Le film est entrecoupé de séquences style making of (documentaire sur le film de fiction), qui interrompt le déroulement de la fiction. Le dosage de lumière sépia rehausse la révolte de l'acteur Lotfi Abdelli qui ne veut plus interpréter son personnage Bahta, car il en a peur. Making off déroule ainsi des interruptions comme un prétexte permettant au réalisateur Bouzid de faire étalage de sa compréhension des rapports entre religion et société. C'est éclairant, efficace et convaincant.
Entre l'amour de la mère, la dureté du père et la violence de l'État, le héros est désorienté dans un monde pris dans un tourbillon d'ambiguïtés tant sur le plan social que celui de sa propre personnalité. Avec subtilité, le réalisateur touche ainsi à des sujets sensibles que sont l'islamisme, la répression du pouvoir, le chômage des jeunes, dans une parfaite maîtrise technique. Les choses sont plutôt suggérées que montrées avec violence et vulgarité. On est presque gêné d'être séduit par l'image de la femme qui roule sous des coups, mais vêtue d'un manteau de dignité que magnifient les couleurs ambiantes. Tanit d'or aux Journées Cinématographiques de Carthage en octobre 2006, cette 7ème réalisation de ce cinéaste tunisien aussi prolixe qu'engagé, a pour titre dans sa version arabe "Le dernier film". Tout un symbole ! Si ce film avait bâti un monstre comme le craint l'acteur Lotfi Abdelli, cela pourrait être le dernier Bouzid. Mais la réussite de ce film ne peut qu'encourager le réalisateur à poursuivre son travail.

Ludovic Kibora (Burkina Faso)

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