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Un fléau, trois thérapies
Violence et cinémas africains
critique
rédigé par Moussa Bolly
publié le 16/03/2007

La violence est de plus en plus représentée dans les cinémas africains. Elle prend plusieurs formes allant de la violence urbaine à la violence conjugale en passant par les conflits armés et fratricides.

Cette question est traitée de trois façons qui se dégagent des récentes productions africaines. Elle se retrouve particulièrement dans Daratt ("Saison sèche") de Mahamat-Saleh Haroun (Tchad), Ezra du Nigérian Newton Aduaka, de Teranga blues de Moussa Sène Absa (Sénégal), Making off de Nouri Bouzid (Tunisie). Toutes ces œuvres sont en compétition dans la catégorie des longs métrages de cette 20e édition du FESPACO.
Mais, ce qui est intéressant à souligner, c'est qu'aucun de ces réalisateurs n'a cédé à la tentation du mimétisme. Ils ont su contourner l'effet de mode consistant à mettre en avant le sexe et le sang pour attirer les cinéphiles ou avoir les faveurs de certains producteurs européens. Et dans toutes ces œuvres, on essaye de briser le cycle de la violence, de ne pas en faire un devoir générationnel et de proposer d'autres alternatives pour la contourner, l'exorciser. Nous excepterons Moussa Sène Absa qui cède un tout petit peu à la fascination dans la représentation de la violence urbaine dans Teranga blues.
Dans les autres œuvres ci-dessus citées, on retrouve surtout la violence sous la forme de rejet. C'est une violence contenue. C'est comme une prise de conscience soudaine qui empêche Atim (Daratt) ou Bahta (Making off) de passer à l'acte final devant marquer l'accomplissement de leur mission qui est imposée par des générations dans lesquelles ils ne se reconnaissent pas. C'est d'ailleurs cette même prise de conscience qui amène Ezra à prendre son destin en main et à abandonner la rébellion, donc le front de la violence. Il a pris conscience que lui comme les autres enfants soldats et leurs parents ne sont que des marionnettes entre les forces "régulières" et les différentes milices.
Au niveau de ces personnages, la violence est dans les regards comme l'affrontement visuel entre Atim et Nassara dans Daratt ou entre Bahta dans Making off et ceux qui tentent de l'endoctriner à l'idéologie intégriste. On voit le même affrontement du regard entre Ezra et les différents chefs rebelles. Certes, cette violence peut éclater de façon brutale, comme ce massage qui tourne au pugilat entre Atim et Nassara, entre Ezra et Moïse ou entre Dick et son mentor (joué par Zeka Laplaine, dans Teranga blues). Mais cette rage d'en découdre ne va jusqu'au bout. Il y a une forme de sagesse qui amène les personnages à se ressaisir pour ne pas commettre l'irréparable.
Il est clair que la façon de Mahamat-Saleh Haroun (Tchad) d'aborder le fléau dans Daratt ("Saison sèche") est différente de celle du Nigérian Newton Aduaka dans Ezra. Elle est aussi distincte de la manifestation de la violence dans Teranga blues de Moussa Sène Absa (Sénégal) ou Making off de Nouri Bouzid de la Tunisie. Ce qui aboutit à des diagnostics différents, donc des thérapies distinctes. Dans le dernier film cité, Bahta opte pour l'euthanasie. Comme une manière de dire qu'il a droit de se donner la mort, mais pas le droit de choisir à la place des autres ce qu'ils veulent faire de leur vie. Dans Daratt, on retrouve l'amnésie avec Nassara qui ne veut pas retrouver sa mémoire pour se rappeler de son passé de tortionnaire et le pardon avec Atim qui renonce à tuer le bourreau de son père pour ne pas retrouver un jour avec le lourd fardeau porté par Nassara. Ezra est lui aussi plongé dans une mémoire qui fuit. Le massacre de ses parents est une charge trop lourde pour sa conscience. Il ne veut donc pas s'en souvenir.
Entre les "Commissions Vérité et réconciliation", l'impunité ou le pardon individuel, les réalisateurs africains explorent les voies pouvant mener à briser le cycle de la violence dans lequel l'Afrique est plongée. Une violence qui, selon eux, ne saurait jamais être la solution aux problèmes des Africains.

Moussa Bolly (Mali)

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