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Le dilemme d'après-guerre
Daratt (Saison sèche), de Mahamat-Saleh Haroun (Tchad)
critique
rédigé par Cyr Payim Ouédraogo
publié le 16/03/2007

Comment continuer à vivre ensemble après tant de violence et de haine, lorsque les victimes d'un passé douloureux sont condamnées à croiser leurs anciens bourreaux ? Tel est le dilemme que pose Daratt ou Saison sèche, dernier long métrage du réalisateur tchadien, Mahamat-Saleh Haroun.

De quoi s'agit-il ?
Un jeune orphelin Atim (prénom qui signifie "celui qui n'a vu son père", en arabe) se rend chez l'homme qui a tué son père, revolver dans la poche, bien décidé de se rendre une juste justice, pour se venger.
Œil pour œil, dent pour dent ; le réalisateur campe dès le début du film le contexte dans lequel son personnage principal doit évoluer : guerre civile dans un pays où on tente "d'exorciser" le mal, en militant pour une immunité des bourreaux d'hier.
Mais Atim et son grand-père en ont toujours gros sur le cœur. En effet, le grand-père meurtri par l'assassinat de son fils envoie son petit fils avec un revolver pour tuer Nassara, le criminel.
Et préparant psychologiquement Atim à ne pas faillir à sa mission, le vieux aveugle le prévient que son père fut courageux. Il prend soin également de qualifier Nassara d'homme dangereux, comme pour dire qu'ôter la vie de ce dernier ce serait se débarrasser du mal dans une société.

La tension suscitée donc par les premières images le sera davantage lorsque l'envoyé retrouve le bourreau de son père : le silence, les filatures dans les nombreuses rues de la ville de Nassara par Atim, le regard rageur du jeune en quête de justice sont joliment mis en exergue par la présence de la camera sur les visages des deux protagonistes.

Atim n'arrive toujours pas à accomplir son acte ; cette difficulté majeure est reflétée par sa main tremblante contenant un pistolet péniblement pointé sur l'assassin de son père.
Malgré le fait qu'il intègre la boulangerie de Nassara pour être plus proche de sa "proie", le jeune justicier éprouve de la peine à venger un père qu'il n'a pas connu. À l'opposé, Nassara, lui, ne tardera pas à afficher son amour pour Atim d'où sa ferme volonté de l'adopter. La sympathie d'Aïcha, la femme de l'assassin pour Atim parvient à le "désarmer" en lui arrachant quelques rares sourires. Le personnage semble avoir retrouvé des "parents" : un père, fût-il assassin, qui lui apprend le métier de sa vie et une femme avec laquelle il semble avoir retrouvé l'amour maternel. Le réalisateur laisse percevoir l'humanisme des hommes, occultant momentanément les haines.
Et c'est un Atim compatissant qui ira à la recherche de Nassara qui déserte le domicile, suite au décès du bébé d'Aïcha. Avec une situation aussi confuse pour le jeune envoyé, peut-il être à nouveau fort mentalement pour accomplir son acte ?
Daratt de Mahamat-Saleh Haroun, c'est le triomphe de la paix, du pardon. Le film incarne l'espérance à militer pour une paix des braves entre les bourreaux d'hier et leurs victimes. Si dans La nuit de la vérité de Fanta Régina Nacro, autre hymne à la paix, les images sont insoutenables, le réalisateur tchadien a plutôt privilégié une démarche plus souple dans la relation de certaines scènes de combat.
Voici une réalisation qui fait l'apologie de la paix et Daratt pourrait aider à plus d'un titre les populations des pays sortant de conflits à bâtir une paix durable.

Cyr Payim Ouédraogo (Burkina Faso)

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