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Un rapport d'anthropophagie
Cinémas africains et télévision
critique
rédigé par Justin Ouoro
publié le 19/03/2007

L'influence de la télévision sur les productions cinématographiques africaines a atteint une proportion de plus en plus inquiétante. Cinéma et télévision sont deux modes d'expression et de représentation qui ne sont pas à confondre, même s'ils sont issus d'un même procédé.
On le sait, le cinéma africain des premières heures s'est beaucoup nourri de la littérature africaine à l'instar de ce que l'on peut constater du rapport cinéma littérature dans le reste du monde. Ce constat n'a pas pour autant empêché littérature et cinéma de se confirmer chacun dans son genre. Le cinéma a su se frayer son chemin entre littérature et théâtre de telle sorte qu'il a pu se construire un langage et une esthétique dont la remise en cause ne fait plus l'objet d'aucun débat sérieux.
Le rapport cinéma télévision pose, a contrario, d'énormes difficultés qui méritent d'être l'objet de sérieuses réflexions. Au-delà des enjeux économiques que soulève cette cohabitation difficile, il se pose un problème d'anthropophagie artistique subie par le cinéma africain contemporain. Cette influence que la télévision a sur le cinéma, ou la métamorphose de l'art cinématographique, touche essentiellement le traitement de l'espace, le dialogue et la place qu'occupe le spectateur dans le film.
L'espace cinématographique dans les cinémas africains se métamorphose de plus en plus en un espace télévisuel. L'enfermement de l'espace par le biais d'un choix de cadres réduits est davantage caractéristique d'un nouveau cinéma africain. Que ce soit Il va pleuvoir sur Conakry de Fantamady Camara, ou Djanta de Tasséré Ouédraogo, ou encore Code phoenix de Boubakar Diallo, la technique de prises de vue est celle empruntée à la télévision. La fréquence des images de proximité, où la distance entre la caméra et l'objet filmé est très réduite, relève plus de la télévision que du cinéma. Elle a pour objectif de supprimer toute distance entre l'écran et le spectateur. Le recul qui permet au spectateur de se faire un point de vue sur les images qu'il voit se trouve ici annulée. On se rapproche de la fonction d'information qui ne laisse pas de place à la réflexion. Le cinéma ne suggère plus, il dit.
Dès lors, le dialogue se fait plus présent, donnant ainsi l'impression de télénovelas où le rapport image parole est un rapport de redondance. La part importante de la symbolique, du silence et du non dit si chère à l'esthétique cinématographique s'en trouve pervertie.
Le cinéma africain court le risque d'être phagocyté par la télévision. Un échappatoire aux problèmes économiques que rencontre le cinéma qui ne sera pas sans assassiner son âme.

Justin OUORO (Burkina Faso)

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