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L'Afrique, les coups d'État et beaucoup d'incertitudes
Code Phoenix, de Boubakar Diallo (Burkina Faso)
critique
rédigé par Yacouba Sangaré
publié le 19/03/2007

Il y a vraiment quelque chose de tortueux dans ce film. Entre intrigues politico-militaires et dénonciation manichéenne du totalitarisme, Code Phoenix ballade le spectateur au cœur d'une histoire complètement hallucinante dont il sort complètement désarçonné. Avec la tête pleine d'interrogations, car, bon sang, quel message le scénario veut-il donc véhiculer ?

Le réalisateur semble dès l'entame de son film donner un aperçu de ce dont il voudrait parler. Code Phoenix s'ouvre sur des scènes qui rappellent nettement le destin tragique de Norbert Zongo, célèbre journaliste burkinabé assassiné le 13 décembre 1998. Toutefois, à la différence de ce dernier, Félix O', l'un des personnages principaux du film, n'est pas journaliste, mais plutôt le volubile président de l'Observatoire pour la liberté. Comme Norbert Zongo, Félix O'est adulé par les jeunes (surtout les étudiants) qui s'enthousiasment devant son combat pour l'égalité et les droits des plus faibles. Comme Norbert Zongo encore, il devient la cible du pouvoir qu'il dérange par ses prises de positions. Comme Norbert Zongo enfin, il sera tué alors qu'il se rendait dans son village. À l'instar de celui de Zongo, le véhicule de Félix O'est retrouvé calciné et les corps méconnaissables. On voit ainsi le réalisateur ficeler la trame de son film à partir de ce drame qui a secoué le Burkina Faso et qui n'est toujours pas réglé.
Mais la suite est une étonnante pirouette dont on a du mal à cerner les contours durant le reste du film.

La "mort" de Félix O'suscite une vague de contestations. L'armée profite du chaos pour déposer le président et assigner le Premier ministre en résidence surveillée. Et le général Katanga Mobutu (l'allusion à l'ex dictateur zaïrois n'est assurément pas fortuite) s'empare du pouvoir. Dès lors, le reste de l'histoire est traité comme une comédie d'inspiration douteuse, avec une bonne dose de manichéisme entre bons et méchants. Félix O'réapparaît et, pire, lui qui était le défendeur des droits de l'homme, se révèle être l'instigateur du putsch, avec la complicité d'officiers véreux. Mais, le deal tourne court : il sera tué à nouveau par l'appétit de pouvoir du général et ses "frères d'armes".

Quelle est donc la démarche de Boubakar Diallo ? Que veut-il dire en semant ainsi le doute sur les défenseurs des libertés ? Dénonce-t-il la perfidie des militaires ? L'incertitude enfle davantage encore quand le général Katanga est à son tour renversé par d'autres soldats qui réinstallent un président déchu réputé alcoolique incapable et son premier ministre. On le suit mieux quand il caricature le goût prononcé des épouses des présidents africains pour le luxe, très enclines à utiliser l'avion présidentiel pour faire des courses à Paris.

Code Phoenix ne pêche pas seulement par les malheureuses ambiguïtés de son scénario. Son film souffre d'une faible direction d'acteurs, certaines scènes étant carrément théâtralisées, tandis que d'autres manquent cruellement de crédibilité, notamment celles qui ont trait aux émeutes. Aucune scène de foule en furie ; encore moins les impacts des pillages évoqués. Reste donc un film énigmatique et frustrant.

Yacouba Sangaré (Côte d'Ivoire)

Code Phoenix de Boubakar Diallo, Burkina Faso, 2005. Avec Amidou Savadogo, Dieudonné Yoda, Saturnin Milla,…
Scénario : Boubakar Diallo. Production : Films du Dromadaire.

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