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Un procès à sens unique
Bamako, d'Abderrahmane Sissako (Mauritanie)
critique
rédigé par Dieudonné Motchosso Kodolakina
publié le 20/03/2007

Le nouveau long métrage du Mauritanien Abderrahmane Sissako porte tout simplement le titre Bamako. Ce film ne porte pas sur les clichés ethnographiques du pays Dogons. Le réalisateur de Heremakono plonge dans un Mali considéré comme l'un des baromètres de la démocratie à l'Africaine. Le choix relève de tout sauf d'un hasard. Abderrahmane Sissako porte un regard critique et tient un discours franc, audacieux et sans détour ni complaisance.

Le drame vécu par les pays africains, exclus de tous les marchés internationaux et écartés des débats entre les grandes puissances commerciales et industrielles. Il met en scène les populations affamées réduites à de petits commerces comme le montrent les scènes de petites vendeuses de bananes. Aux bancs des accusés : la Banque Mondiale, le Fond Monétaire International, l'Organisation Mondiale du Commerce. Le film est organisé comme une assise au tribunal et la Cour est sur un décor éculé d'habitations où vivent même des malades dont les familles n'ont pas le moindre radis pour leur payer des soins.

Véritable réquisitoire contre les institutions financières internationales, Bamako est très marqué par la confrontation où l'on s'assène de longues paroles au visage du tac au tac. Sorte de logorrhées, ces longues tirades permettent aux personnages de vider leur sac du poids insupportable des problèmes sous lesquels ils ploient.

Opprimés, Noirs comme Blancs, les deux races défendent d'une même virulence de ton, la justice et l'égalité pour le genre humain. La couleur de leur blouson, noire, ne contraste pas avec le visage et destin funeste de cette assistance pour qui le seul rêve est la redistribution juste et humaine des biens.

Comme dans une transe, la parole prend une valeur thérapeutique et est en référence à la tradition de l'oralité. Témoin, la prestation spontanée de ce vieil homme qui prendra la parole sans aucune forme de protocole pour chanter avec force une intériorité émotive que personne ne comprend. La parole se donne et se retire au gré des péripéties de la trame, tout comme dans une soirée de conte. Tout cela porte avec force et charme le message de ce film.

Mais l'on peut reprocher à ce long métrage d'être excessivement virulent à l'endroit de ces institutions garantes de l'économie du monde et qui décident du sort des plus faibles sans écouter leurs aspirations profondes. Même si certains dialogues dénoncent les pouvoirs africains, il faut remarquer que ces passages restent trop suggestifs sans critiquer ces pouvoirs d'une manière explicite. Par contre, le film remet sur la sellette le problème de la trahison des intellectuels africains.

Dieudonné Motchosso KODOLAKINA (Togo)

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