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Chronique d'un village
La Télé arrive, de Moncef Dhouib (Tunisie)
critique
rédigé par Kamel Ben Ouanès
publié le 31/03/2007

Le cinéma tunisien est très sérieux, trop sérieux même, pour céder à la tentation de la comédie. C'est pourquoi, quand un cinéaste s'autorise un jour à franchir le pas et à appréhender le réel avec une bonne dose de caricature, de burlesque et de dérision, il bouscule les habitudes et diffuse autour de lui une insolite hilarité critique. C'est ce que vient de commettre Moncef Dhouib avec son nouveau film La Télé arrive. Puisant sa démarche dans la même inspiration qui a présidé à sa collaboration avec le comédien tunisien Lamine Nahdi dans la célèbre pièce Mekki et Zakia, M. Dhouib compose un film ponctué de gags sur fond d'une satire sociale. Le rire est l'étoffe de l'œuvre. Son objectif est de dresser un tableau critique.
La Télé arrive se présente comme une chronique de la vie d'un village du Sud tunisien à la faveur de la visite imminente d'une équipe de télévision d'une chaîne allemande. Le comité culturel local s'évertue à donner une image positive du village, et par conséquent du pays. Il fallait donc procéder à une véritable mise en scène à l'échelle de la localité, quitte à fausser la réalité, à la travestir et à défigurer les visages derrière des masques de marionnette ou de pantin. Et voilà que se déploient les rituels réflexes des cadres locaux dans la Tunisie des années soixante : campagne bouffonne de propreté, grotesques arcs de triomphe érigés, vantardise affichée à chaque bout de champ, cérémonies factices d'inauguration, et le tout est saupoudré de l'insipide grandiloquence du reporter de la radio. C'est le triomphe de la culture de vernis et de trompe-l'œil.
L'ambition du cinéaste est grande d'embrasser de larges pans du réel tunisien, si bien qu'il s'est permis quelques anachronismes afin de pouvoir aborder (sur le mode de la parodie) le rôle des médias, l'invasion de l'art du clip ou les miroitements des lumières cairotes et leurs clichés pesants. Mais, peut-être que l'articulation centrale du film de M. Dhouib se situe au niveau d'un malentendu tragi-comique entre nous et les autres, ou encore entre le Nord et le Sud.
Il y a quelque chose de revigorant dans la verve de ce cinéaste qui parvient à bricoler la chronique désinvolte d'un village, à partir d'une inspiration éclectique et éclatée : la comédie italienne, le théâtre de Pagnol, le jeu burlesque d'un Louis de Funès et le terroir de notre théâtre national.
La Télé arrive, qui tourne en dérision ou en sarcasme une matière sérieuse, est à la fois un hommage à la Tunisie profonde et un pamphlet contre ce qui menace de la défigurer.

Kamel Ben Ouanès

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