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Le salaire de l'infidélité
Qui est l'ennemi ?, de Maxwell A. CADEVALL (France)
critique
rédigé par Jean-Marie Mollo Olinga
publié le 16/04/2007

Qu'est-ce qui peut bien pousser un homme à tromper son épouse, alors que tout semble aller pour le mieux dans le couple ? Pour répondre à cette interrogation, Maxwell Cadevall et Nolda Massamba s'inspirent d'une histoire vécue (le film est dédié à Mama Leki Katho) qu'ils restituent dans un court métrage de 12,5 min. Une histoire aux conséquences dramatiques, et qui, dans sa foulée, tire la sonnette d'alarme sur les dangers du sida. En même temps, elle vient battre en brèche l'idée largement et faussement répandue de la prétendue fidélité des Occidentaux.

Igor (Patrick Puydebat) et Nicole (Nolda Massamba) forment un couple mixte visiblement heureux. Ils ont deux charmants petits garçons. Leur vie se déroule comme un fleuve tranquille, du moins jusqu'au jour où Igor, Blanc, rencontre Diane (Nathalie Victoire), une jeune mulâtresse qui va bouleverser sa vie. Entre eux s'installe une idylle passionnante née d'un coup de foudre dans un magasin de lingerie féminine. Diane est belle comme une rose et attirante comme un aimant. Mais, les roses ont des épines, et il est difficile d'échapper au pouvoir d'attraction d'un aimant dès lors qu'on s'en est approché.

Ce que Igor considère comme un passe-temps - "ça fait du bien de se détendre, un tout petit peu, de temps en temps" - va développer chez sa petite amie des envies d'une relation durable. L'appétit ne vient-il pas en mangeant ? "Tout le plaisir est pour moi… Si t'as besoin de décompresser, je suis là pour te servir… Tu ne peux pas me quitter…" ne sont-ils pas des propos de Diane dits progressivement, pour montrer graduellement son enfermement dans la passion qui la dévore désormais ? Igor lui a tendu la main. Elle veut lui prendre le bras.

Dans une certaine imagerie populaire (africaine), le Blanc est considéré comme un être sérieux, ne trompant jamais sa femme. Et lorsque le réalisateur choisit de glisser subrepticement dans son film ce côté d'un Blanc sentimentalement dévoyé, n'est-ce pas pour démontrer que la faiblesse - physique, psychologique, de caractère - est un problème humain, qui ne dépend nullement de la couleur de la peau ? Tout être humain est donc susceptible de faillir. Mais tel n'est pas le propos principal de Qui est l'ennemi ?.

Ce film se veut davantage un outil d'information sur la pandémie du sida. Cette absence d'information pouvant entraîner des négligences à même de faire courir des risques aux conséquences extrêmement douloureuses aux victimes directes et à leurs proches. Qui est l'ennemi ? décrit donc le parcours alarmant d'un irresponsable dont l'acte (sexuel) apparemment banal et sans danger, va plonger la vie des siens dans le pire des cauchemars.

Tourné en trois jours avec une caméra numérique DV Cam, le film de Cadevall et Massamba en a les qualités et les défauts. S'il évite intelligemment de jouer avec les profondeurs de champ et les plans larges, c'est tout simplement parce qu'il a pour souci de plonger le spectateur dans les réactions intimistes des acteurs. D'où l'usage quantitatif de plans serrés, notamment de gros plans ou de très gros plans. Et pour montrer l'irresponsabilité et/ou la faiblesse d'Igor, le réalisateur nous fait voyager entre son bonheur familial et sa traîtrise. Pour ce faire, il fait appel à de nombreuses ellipses convoyant de multiples flash-back.

Sur le plan des couleurs, certaines scènes ou séquences paraissent très significatives. Notamment lors de la rencontre d'Igor et de Diane dans le magasin où travaille celle-ci. Igor est vêtu d'une chemise de couleur bordeaux. Ce rouge terne ne rappelle-t-il pas celui des anciennes croyances égyptiennes qui symbolisaient par cette tonalité le feu qui a créé le monde et le détruira ? Symbole de l'égoïsme d'Igor, il diffère du rouge vif arboré par Diane lorsqu'elle est assise dans son canapé, à côté de son amoureux. Ce rouge-là témoigne de son désir, de son besoin de conquête et de l'amour infernal qu'elle lui porte.

Lorsque les choses se gâtent entre eux, Diane est vêtue de noir, comme pour mieux présenter l'erreur, le néant, le mal. Ce qui n'augure rien de bon, ce d'autant que Cadevall fait de temps à autre intervenir la tonalité grise au niveau des décors et même des vêtements. Et le gris, emblème chrétien de la mort… terrestre, est aussi celui de la tristesse, de l'innocence calomniée, celle de la famille d'Igor.

Quant au comportement des acteurs, Nolda Massamba porte avec bonheur son personnage. Dans le rôle de Nicole, elle montre la pleine mesure de son talent, jouant sans forcer et avec beaucoup d'à-propos. Cette jeune Congolaise (de la RDC) qui a écrit le scénario du film, et qu'on a vue dans Les oiseaux du ciel d'Eliane de Latour, ou encore Juju Factory de Balufu Bakupa-Kanyinda est à coup sûr l'un des talents montants du cinéma africain.

Jean-Marie MOLLO OLINGA,
Cameroun.

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