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Une fable très actuelle
Menged, de Daniel Taye Workou (Éthiopie)
critique
rédigé par Ludovic O. Kibora
publié le 23/04/2007

L'histoire est simple. Dans une campagne éthiopienne, un père et son fils se rendent au marché du village, avec leur âne. Le petit garçon est d'abord juché sur le baudet et le père marche à côté. Chemin faisant, ils croisent un prêtre qui conseille au père de monter sur l'âne et de laisser marcher le fils. Puis, ce sont des coopérantes italiennes qui conseillent au père de porter l'âne sur ses épaules. À chaque fois, ce dernier s'exécute. Conseil par ci, contre avis par là, le couple père fils évoluent dans une ambiance cordiale vers le marché. Ce conte éthiopien traditionnel remis au goût du jour, arrache le rire et pose discrètement un problème de fond : celui du développement tout court. Nous sommes en Éthiopie, un pays qui a subi les ravages de la famine et a vu débarquer des milliers d'ONG et de coopérants étrangers. Dans une telle ambiance, chacun propose sa solution miracle pour sortir de la crise, son modèle de développement. Le père – qui symbolise dans ce récit les cadres de l'État néocolonial – expérimente tous les conseils qui lui viennent d'ailleurs, de façon mécanique. Il donne ainsi l'image d'une Afrique qui reste coincée dans les starting blocs du développement pour avoir trop longtemps ingurgité des potions miracles qui l'ont malheureusement maintenues loin du marché. Ce marché symbole d'échange interplanétaire, de développement socio-économique.
Menged du réalisateur éthiopien Daniel Taye Workou, au-delà du rire qu'il provoque chez petits et grands pendant 21 minutes, est une peinture juste d'une certaine élite africaine qui a manqué de vision personnelle. Si les pères ont échoué, les fils sont là, porteurs d'espoir. "Papa, pourquoi ces gens nous embrouillent", lance le jeune homme incrédule à son père. Alors, père et fils décident de revenir à leur propre façon de concevoir les choses. Ce fils qui aborde les derniers sentiers vers le marché, représente l'Afrique de l'Avenir et de l'espoir. Celle de la jeune génération qui sait refuser en disant non à tout ce qui ne lui permet pas d'avancer. Comme pour signifier qu'il est bon d'écouter les conseils des autres, mais sans pour autant oublier sa propre personnalité, son propre bon sens, ce film est une véritable leçon de morale.
De belles images claires de jour, une histoire simple, un problème réel. Voici la recette qui a permis à Daniel Taye Workou de réaliser cette belle œuvre qui a séduit le public de Ouagadougou et convaincu le jury du court métrage du 20ème FESPACO. C'est donc logiquement qu'il est reparti du Pays des Hommes intègres avec le Poulain d'or de Yennenga.

Ludovic O. KIBORA

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