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Il va pleuvoir sur Conakry, un film qui séduit les publics
Interview avec Cheick Fantamady Camara
critique
rédigé par Charles Ayetan
publié le 23/05/2007

Le Prix Radio France internationale (RFI) Cinéma du Public au FESPACO 2007 a été remporté par le film Il va pleuvoir sur Conakry du réalisateur guinéen Cheick Fantamady Camara. Ce réalisateur talentueux, était à Ouagadougou pour la 20ème édition du FESPACO 2007 pendant lequel son film qui allait faire vibrer d'émotion le public était en compétition. D'une salle de cinéma à une autre, simple et discret, on pouvait le rencontrer avec à ses côtés Tella Kpomahou (Béninoise) et Fatoumata Diawara (Malienne) qui ont joué respectivement les premier et deuxième rôle féminins dans le film qui allait séduire le jury du Prix RFI Cinéma du Public. Quelques jours avant le verdict du jury, nous les avons rencontrés au sortir d'une salle, et ils ont accepté de nous livrer leurs sentiments, leurs intentions et émotions face à l'accueil de leur chef-d'œuvre cinématographique par le public.

Africiné : Vous venez de suivre, vous-mêmes, votre tout dernier film intitulé Il va pleuvoir sur Conakry en compétition au FESPACO 2007. Quel est votre sentiment ?

Cheik Fantamady Camara :
C'est de l'émotion, rien que de l'émotion face à la réaction du public venu en grand nombre apprécier ce film...
Fatoumata Diawara : Je suis très heureuse. Parce que cette projection a commencé à 8 heures du matin. Ce ne fut pas facile pour moi de venir et je suis très surprise que la salle (Ndlr, le Ciné Burkina à Ouagadougou) soit si pleine à cette heure-ci. Le matin, les gens gardent le sourire et je sens un bonheur à voir le public heureux pendant et après la projection.
Tella Kpomahou : Je trouve que c'est un beau film. Quant à mon jeu d'acteur, je laisse l'opportunité au public de l'apprécier. Je puis simplement dire que ce n'est pas directement Tella dans le film, mais plutôt toute la jeunesse africaine contemporaine, dynamique…

Africiné : Et pourquoi ce thème ?
Cheik Fantamady Camara :
Ce thème juste pour résumer un peu les choses sur lesquelles on se focalise et qui n'ont vraiment pas de consistance dans la société. Quand on dit à quelqu'un "il faut aller prier pour qu'il pleuve". C'est faux. Toutes les histoires traitées dans le film ont un rapport avec le titre retenu : Il va pleuvoir sur Conakry.
Fatoumata Diawara : Le sujet n'est pas nouveau, mais l'originalité réside en ce qu'il est traité de façon légère, simple, sans tabou. Je trouve ça formidable. Plus je regarde ce film, plus je me rends compte que je n'y suis plus seulement comédienne, mais simplement en tant que jeune africaine, femme africaine. Je sens l'amour, le respect, l'espoir… tout ce qu'on peut trouver en Afrique.

Africiné : Si vous nous parliez un peu du titre ?
Cheik Fantamady Camara :
Ce titre, c'est la métaphore de ce qui se passe dans nos pays. Il va pleuvoir ! Mais qui est-ce qui va faire pleuvoir ? C'est aussi un titre qui parle d'une pluie salvatrice, un titre qui dit ça va chauffer, ça va péter ; mais il y aura une pluie qui va balayer tout ça.
Fatoumata Diawara : Le rapport entre la pluie, l'eau et l'amour en relation avec le titre, c'est que l'eau est un élément essentiel dans notre vie. Il faut boire pour vivre, pour être bien. L'eau, c'est le début de tout. Il va pleuvoir sur Conakry, ce n'est pas que de l'amour. C'est qu'il va y avoir une renaissance, une nouvelle génération qui va penser différemment, qui va agir différemment pour que notre société évolue de sorte qu'il n'y ait pas de combat, qu'il n'y ait pas de guerre mais plutôt beaucoup d'amour, beaucoup de communication.

Africiné : Quel est le message du film ?
Cheik Fantamady Camara :
Le message, c'est d'être réaliste et laisser surtout cette jeunesse assez libre, assez démocratique.
Tella Kpomahou : Le thème de ce film est un message fort lancé à toutes les jeunes femmes africaines qui ont reçu une formation et s'assument pleinement autant dans leur vie privée que sociale, qui décident d'avoir un enfant quand elles le veulent, qui associent très bien la vie sociale à la vie sentimentale. Dans cette optique, je puis dire que Cheik m'a fait le grand cadeau de me faire tourner en Afrique. Je profite pour lancer un appel à tous les réalisateurs et metteurs en scène africains. Je suis là et ne demande qu'à travailler en Afrique.

Africiné : La sempiternelle question des valeurs ne fait pas défaut dans votre film ?
Cheik Fantamady Camara :
Oui. À plusieurs égards. Par exemple on se bat pour gagner. Si on ne gagne pas, on arrête. D'un autre côté, les traditions c'est bien. Ce sont des repères pour toute société. Mais quand la tradition n'est plus en compatibilité avec le vécu actuel, je crois qu'il faut évoluer autrement…

Africiné : Et pourquoi ce conflit entre religion et tradition ?
Cheik Fantamady Camara :
Parce que les traditions et les religions n'évoluent pas, ne bougent pas. On ne peut pas faire fonctionner une société sur une loi qui existe il y a 2000 ans, 3000 ans. Ce n'est pas possible. Nous sommes en 2007 aujourd'hui et on ne peut fonctionner sur des règles qui ont été établies il y a 2000 ans.
Fatoumata Diawara : L'accueil favorable du public est surprenant, parce que c'est quand même un sujet tabou. Ce film aborde les religions, les traditions, le conflit entre la génération actuelle et celle d'avant….
Tella Kpomahou : La modernité n'est pas synonyme de rejet de la tradition. Moi je suis une fille de mon époque. Mais, j'ai mes origines, je suis béninoise. Je respecte mes traditions. Dans notre tradition, il y a des choses bien à conserver. Et c'est là notre force par rapport à l'occident, par rapport aux autres cultures. Je pense donc qu'il faut prendre ce qu'il y a de sûr, de bien. À cela s'ajoute ce qui vient de l'extérieur. Rien ne sert de vivre en autarcie, cloisonner.

Africiné : Vous sentez venir l'Etalon à cette 20ème édition du FESPACO ?
Cheik Fantamady Camara :
Ah non ! Je ne fais jamais un film pour un prix. S'il y a prix, c'est une reconnaissance du travail. Mais je ne fais jamais un film en pensant à un prix. Je préfère une surprise.

Africiné : Il va pleuvoir sur Conakry entre un peu dans l'actualité brûlante en Guinée. Peut-on établir un lien avec ce film et la situation de crise politique et sociale qui secoue le pays ?
Cheik Fantamady Camara :
Le film est chronologiquement plus vieux que le cas qui se présente actuellement en Guinée. Mais c'était prévisible.

Propos recueillis par Charles Ayetan (Togo)

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