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Le cinéma tunisien, un cinéma en renouvellement de génération
En marge de la 21eme session des Journées Cinématographiques de Carthage (11-18 novembre 2006)
critique
rédigé par Abdelfattah Fakhfakh
publié le 01/06/2007

Le cinéma tunisien est en renouvellement de génération. Les cinéastes de la Tunisie des années soixante et soixante dix, ceux de la "vieille génération", sont toujours présents. Certains d'entre eux sont prolifiques et font preuve d'innovation et de créativité et ce, malgré le temps qui passe. Nouri Bouzid en est l'exemple type. Il a su garder un esprit rebelle et novateur. Il le prouve avec Making Of (2006) vingt ans après L'Homme de Cendres (1986).
Quant aux jeunes cinéastes, ceux-ci sont impatients, mais ils n'ont pas encore acquis la maturité et le savoir faire pour prendre réellement le relais, ils n'ont pas encore réussi à apporter réellement du nouveau ni sur le plan du fond ni sur le plan de la forme. Toutefois, tout le monde s'accorde pour dire que quelque chose bouge du côté court métrage et du côté documentaire…

Au lendemain de la proclamation du Palmarès des JCC 2004, Olivier Barlet écrivait, sous le titre : "Carthage 2004 : les voies du renouveau" (NOTE 1) : "…Mais en dehors de cet excellent et drôlissime …["Visa" de Brahim Letaïef], la Tunisie était absente du palmarès, si ce n'est un prix du second rôle masculin…... le film Noce d'été (Bab El Aarch) de Mokhtar Ladjimi, [son premier film] a été hué lors de la remise des prix, signe du malaise qui traverse le cinéma tunisien…Alors que l'autre film tunisien en compétition, Parole d'hommes de Moez Kamoun,… n'éveillait pas des commentaires plus élogieux, Le Prince de Mohamed Zran…dans la section "panorama", retenait davantage l'attention".
Et Olivier Barlet d'ajouter : "Avec des premiers films encore fragiles en compétition, le cinéma tunisien semble en renouvellement de génération. Plombés par la volonté de dire et encore balbutiants dans l'art de manier la métaphore, ces produits très parlés, à l'image souvent bien plate, s'apparentent davantage au téléfilm engagé qu'au cinéma, malgré leur hommage appuyé aux illustres prédécesseurs. On y sent le désir de témoigner de la sclérose de la société mais aussi de l'envie d'expression de ses forces vives. Toute la difficulté est de trouver le langage fictionnel pouvant faire de cette tension une émotion mobilisatrice. La simple dénonciation reste inopérante et ces films ont du mal à s'élever vers de nouvelles formes métaphoriques qui renouvellent le langage du corps qu'avait magnifié notamment Bouzid…".

Dans l'attente de la nouvelle génération de cinéastes

Propos prophétiques ? Nullement. Ceci dit, Olivier Barlet voit juste. Son analyse est fine et pertinente. Son point de vue sur les difficultés relatives à la relève dans le cinéma tunisien est, sur le fond, largement partagé par plus d'un observateur du cinéma tunisien. Le constat est clair : bien qu'impatiente et active, la nouvelle génération des cinéastes tunisiens n'est pas encore tout à fait prête pour assurer la relève.
Ce qui ne veut nullement dire qu'il faille désespérer d'elle. De jeunes cinéastes pointent à l'horizon, volet "vidéo", cinéma documentaire et même cinéma de fiction (pour les "courts métrages" en particulier).
Quelques uns parmi les jeunes cinéastes tunisiens se sont distingués précisément du côté courts métrages. On peut citer dans cet ordre d'idées : Walid Taya, avec Mme Bahja, Lassad Dkhil avec Nesma wa rih, Lotfi Achour avec Ordure, Sarra Abidi avec Le rendez-vous.
Tous ces films ont retenu l'attention. Mais il serait toutefois difficile d'émettre un jugement sûr et fiable quant à la capacité de ces réalisateurs à faire des longs métrages documentaires ou de fiction de qualité ?
Certains cinéastes tunisiens de la Nouvelle Génération n'en sont pas à leur premier essai et il est permis, au vu de ce qu'ils ont présenté, d'affirmer qu'ils pourraient assurer la relève même si ils ont besoin d'un tout petit peu plus de temps pour s'affirmer.
Ouvrons une parenthèse pour évoquer précisément le cas particulier de l'un de des cinéastes, Hichem Ben Ammar, en l'occurrence, l'un des aînés des cinéastes de la Nouvelle Génération.
Ce cinéaste a du talent. Il l'a déjà montré avec ses deux films précédents : Cafi Chanta et Raïs Labhar. Aujourd'hui il "récidive". J'en ai vu des étoiles son dernier film est un très beau film. Ce qui nous a entre autres frappé est précisément la rigueur et la maîtrise du propos par le cinéaste. Pour preuve, le luxe - tout à fait assumé - de "digressions" que n'aurait osé aucun cinéaste aussi chevronné soit-il.
Qu'en est il ? On nous annonce un film dont le propos essentiel est l'histoire de la boxe et des boxeurs en Tunisie. Hichem Ben Ammar nous fait un pied de nez. Certes il y est question de boxe et de boxeurs. Mais à l'écran, point de sang, ni coups de gong ou de coups de poing. Presque pas de scènes de rings et encore moins de sempiternelles salles enfumées et surchauffées et surtout pas de bruits, de brouhaha, de cris ni de fureur. Il faut le faire et Hichem l'a fait.
L'histoire des boxeurs et de la boxe recoupe ici avec l'histoire du pays et des gens simples - généralement des "anti-héros" - qui y sont ou qui y ont été mêlés. Le cinéaste nous donne à voir et à écouter. Il brosse des portraits de gens - pour qui la boxe a compté dans la vie mais qu'on a, au-delà, un énorme plaisir à écouter, à voir, à connaître et à reconnaître : le vécu qu'ils relatent, la langue qu'ils utilisent, et l'humanité qui se dégage de leur personne dépassent le cadre étriqué de la boxe pour évoquer des tranches de vie tantôt d'un peuple, tantôt d'individus et de rejoindre des thèmes universels de la vie, de la mort, de l'amour, de l'amitié…
Mais la nouvelle génération de cinéastes n'est pas dans son écrasante majorité à l'image de Hichem Ben Ammar lequel émerge de manière tranchante du lot. Sommes nous en train d'encenser gratuitement ce cinéaste? Non, nous sommes juste en train de rendre à l'homme ce qui lui est dû : la reconnaissance d'un talent, sûr, une reconnaissance qui a fait hélas défaut dans le Palmarès des JCC 2006).
Reprenons notre analyse de la situation actuelle du cinéma tunisien. Voici ce qu'en dit par ailleurs un des cinéastes tunisiens d'âge mûr : "…La situation est assez bouillonnante. Il y a une multitude de jeunes, des cinéastes en projet. Mais les six ou sept premiers films des années 2000 n'ont pas la même valeur des premiers films des années'60,'70 et'80….Ceux-ci étaient des "monuments" (Halfaouine, Les Silences du Palais, Traversées…).
Il y a un décalage entre les deux catégories de films. Ce décalage est dû à deux problèmes. Le premier se traduit par une absence de préoccupation au niveau thématique. Je ne trouve pas les films du début des années 2000 habités par quelque chose. Il n'y a pas une maîtrise du récit importante et forte. Par contre, il y a beaucoup de courts métrages bien maîtrisés. Hélas, on ne peut pas juger sur un court métrage… [Le second, c'est l'absence de rigueur]".
Et le cinéaste de préciser : "…c'est dommage que le jeune cinéma tunisien est en train de fonctionner comme le cinéma marginal…Alors que quand tu vois le cinéma rigoureux français, il est différent. Cette rigueur est nécessaire…il faut [entre autres] un scénario bien ficelé. Sans scénario bien ficelé qu'est ce que tu vas communiquer aux acteurs?...Ce n'est pas normal que les cinéastes de la vieille génération fassent des films meilleurs. Les jeunes doivent nous dépasser et assurer la relève…"(Interview - Questionnaire avec Nouri Bouzid) (NOTE 2).

Un renouveau potentiel du cinéma tunisien, stimulé par l'ancienne génération

Alors que les jeunes cinéastes versent dans une sorte de facilité et de conformisme, les "vieux routiers" du cinéma tunisien sont toujours là et mieux encore, certains d'entre eux, sont constamment entreprenants, créatifs et novateurs.
C'est un peu ce que viennent de confirmer par ailleurs les dernières JCC où Nouri Bouzid, et d'autres cinéastes de la "génération des aînés", à l'instar de Naceur Khmir, Fadhel Jaïbi, Moncef Dhouib, Selma Baccar ont été les meilleurs représentants d'un cinéma tunisien à la recherche d'un nouveau souffle (Cf. Annexe reprenant l'ensemble détaillé des films tunisiens présents aux JCC)
Pour la commodité de notre propos nous allons nous référer dans notre présente contribution essentiellement au cinéma de Bouzid, un des représentants les plus significatifs de la vieille génération et un des auteurs qui a su démontrer sa capacité à se renouveler, à se remettre en question et à contribuer ainsi à rapprocher le cinéma tunisien du public tunisien.
Nouri Bouzid est, en tant que créateur, un des porteurs essentiels du renouveau potentiel du cinéma tunisien, mais il ne peut être considéré pour autant l'unique alternative ou la seule voie possible de salut pour une nouvelle ère pour le cinéma dans notre pays.
Pour conforter notre propos nous allons passer en revue ceux qui se sont distingués récemment parmi les cinéastes de l'ancienne génération et sur qui la génération de la relève pourrait compter et en qui elle pourrait se reconnaître pour continuer de manière créative dans la même veine, dans la même direction, sans tomber dans le plagiat ni le mimétisme (à l'instar de ce qui a été fait entre autres par M. Laajimi dans Bab El Arch lequel nous a servi du "Bouzid" réchauffé, pas nécessairement le meilleur, à tous les coups : personnages, tics, situations…).

Naceur Khmir dont le cinéma demeure spécifique continue à creuser et à avancer dans la voie qu'il s'est tracée depuis le départ et à bénéficier d'une crédibilité et d'une adhésion grandissantes à son cinéma et ce, que ce soit en Tunisie ou à l'étranger. Mais est-il susceptible de créer des émules, d'inspirer des jeunes cinéastes, de favoriser des disciples, des "héritiers" ? Nous en doutons tout en soulignant que cela n'enlève rien au mérite de Naceur Khmir.
Jilani Saadi - auteur de La Tendresse du Loup - qui en est à son deuxième long métrage de fiction propose quant à lui un cinéma vif, alerte, et prenant. Il est adepte d'une narration "ramassée", "sobre" et résolument moderne.
Nous sommes convaincus que son cinéma épouse l'air du temps et qu'il exercera une attraction certaine sur les cinéastes en herbe si pas dans leur totalité du moins pour une grande partie d'entre eux. La mention spéciale du Jury qu'il a obtenue pour "la Tendresse du loup" ne peut être considérée à notre avis comme un geste relevant de la complaisance.
Moncef Dhouib trace - avec La télé arrive - de manière convaincante la voie susceptible de faire émerger un cinéma tunisien capable de rire et de faire rire intelligemment. Jaïbi continue son aventure toute particulière entre le théâtre et le cinéma, hors des sentiers battus. Selma Baccar dont le film Kochkhach est diversement apprécié n'en a pas moins réalisé un film audacieux et courageux tant du point de vue contenu que du point de vue formel. Fitouri Belhiba a obtenu quant à lui le Prix Spécial du Jury (courts métrages - vidéo).
Les cinéastes que nous venons de passer en revue sont dans leur écrasante majorité des chevronnés mais qui sont toutefois au vu de leur parcours porteurs d'innovation et de créativité.

Bouzid, un éclaireur

Pour en revenir à Bouzid, celui-ci démontre, vingt ans après Le Tanit d'Or décroché aux JCC avec L'Homme de Cendres (1986), que son parti pris en faveur d'un cinéma libre et rebelle demeure tout aussi vivace.
Sur le plan formel, Bouzid nous livre une oeuvre touchante, émouvante et poétique. S'il y défend ouvertement et parfois "agressivement" ses idées, il n'oublie pas pour autant que le cinéma en général et le cinéma d'idées (dont relève Making Of) en particulier ne se réduisent pas à du bavardage, à des discours ou, davantage encore, à des plaidoyers fussent ils des plus intelligents...
Auteur-réalisateur, Bouzid prend grand soin de la construction de ses personnages. Ceux-ci sont loin loin d'être des "créations" de l'esprit. Ils sont là, bel et bien vivants, ils ont leurs racines, leur histoire, leur passé. Ce passé réémerge par petits pans, par petits bouts tout au long du film chaque fois que cela s'impsoe.... Une fois leur premier contour tracé, Bouzid donne vie à ses personnages en les mettant en relation avec d'autres personnages, tous s'éclairant les uns les autres, mutuellement.
Bouzid développe ensuite les actions spécifiques qui vont nous permettre de voir ces personnages, vivre, évoluer et se révéler à nous dans leur plénitude.
Ces personnages sont mis en situation, dans une alternance de moments forts, intenses et de moments plus légers, ce qui donne aux personnages du répit et au film le rythme recherché. De rebondissement en rebondissement, Bouzid nous tient en haleine jusqu'à la fin du film.
Nous venons là de passer en revue le "savoir-faire" de Nouri Bouzid lequel demeure fidèle aux constantes qu'il s'est fixées dans ses films.
Comme nous venons de le voir, les personnages de Bouzid sont dotés d'un passé, leur destinée est dans la défaite, ceux-ci évoluent dans une société où prédomine le patriarcat et le machisme et que le cinéaste ne cesse de dénoncer. Nous avons en outre affaire à un père toujours absent et si des fois celui-ci est présent, il est toujours hostile. Ces personnages souffrent. La douleur en tant qu'émotion est dans le cinéma de Bouzid prédominante. Dernière constante, le cinéaste opère constamment par "dévoilement", il donne à montrer en enlevant le voile, au sens propre et figuré, ici il va au-delà, là il va jusqu'à "démasquer"...
Olivier Barlet (cité plus haut) suggérait en tant qu'observateur une direction aux cinéastes tunisiens : il leur recommandait de s'élever vers de nouvelles formes métaphoriques qui renouvellent le langage du corps. Il avait cité le travail de Bouzid en la matière. En effet pour Bouzid, comme nous l'avons vu, les personnages sont "dotés" d'un corps, mais mieux encore, le corps y est présent en tant que vecteur de la dramaurgie et des conflits...

Un cinéma qui s'inscrit au présent

Mais il est une qualité propre à Nouri Bouzid et qu'il convient de souligner, c'est son constant désir d'aller au front, pour attaquer de front les choses, de parler de front des problèmes, d'être dans "l'ici et le maintenant". Il n'a pas peur de prendre des risques, des risques réels. En ce sens Making Of est un film courageux.
Bouzid parle de la Tunisie actuelle, il situe les événements de Making Of juste aux lendemains du déclenchement de la guerre contre l'Irak, soit en 2003. Il ne se réfugie pas dans le passé pour parler des problèmes de la Tunisie d'aujourd'hui. En rejetant toute "nostalgie", Bouzid semble avoir anticipé les attentes exprimées par Kmar Ben Dana (NOTE 3) qui émet les réflexions suivantes quant à la voie à suivre par le cinéma tunisien :
"… Il serait sans doute plus efficace aujourd'hui de parler autrement des sociétés arabes et musulmanes…[autrement que ne le fait Selma Baccar (NOTE 4)], le souci d'éviter les ingrédients attendus de la nostalgie permettrait de donner plus de réalité aux problèmes de ces sociétés, d'en souligner davantage l'actualité.
Certes, la narration exige de situer l'histoire, de tenir compte des traits apparents, des différences de modes de vie, d'insister sur des détails qui caractérisent une société, individualisent une époque mais la reproduction permanente (volontaire ou involontaire) des mêmes cadres historiques débouche uniquement sur des lieux communx, et le choix du pittoresque sur le renforcement des clichés. (C'est nous qui soulignons)…
… Parler d'aujourd'hui, entrer dans la "contemporanéité", exigerait de la production esthétique tunisienne qu'elle réfléchisse à ses canons et se hisse à la hauteur de cinématographies prises dans les complexités du présent. Prendre le présent pour objet consisterait ainsi à se mettre au diapason du monde plutôt que raconter assidûment un passé qui conforte le décalage et l'irréalité. Ce cinéma au présent gagnerait en force de propos et surtout contribuerait à faire admettre l'idée que le monde arabe et musulman fait aujourd'hui partie intégrante du monde et peut se dire sans le voile du passé, se raconter sans les atours d'un romanesque déjà éculé. Les images d'antan, fussent-elles bien faites, estompent la force de ces nouveaux regards de cinéastes, banalisent en l'occurrence ce passage audacieux de la femme, de personnage raconté à celui de sujet qui fait part - par le prisme de la caméra - de ce qu'il pense, regarde et ressent."

Kmar Ben Dana demande aux cinéastes tunisiens qui préfèrent situer leur thème dans le passé plutôt que dans l'actualité : Pourquoi fuyez vous le présent au cinéma? Pourquoi ne traitez-vous pas des problèmes que vivent nos pays aujourd'hui? Pourquoi cette polarisation sur le passé? Pourquoi cette overdose de nostalgie? Ne serait il pas intéressant de voir de plus près la dynamique sociale que peut vivre le pays?
Le thème de Making Of de Bouzid est un thème tout à fait actuel : Qu'on en juge ! "Nous sommes en plein tournage d'un film. L'action du film se passe entre Rades et La GouÏette au début du printemps 2003, au moment de l'invasion de l'Irak par l'armée américaine. Tous les personnages se sentent humiliés, blessés, atteints jusqu'au fond d'eux même, par cette guerre... Le spectre du 11 septembre plane sur eux. Pour Youssef (le réalisateur) le seul moyen de s'en sortir c'est de l'exorciser dans une fiction…
Le comédien Dali y incarne un personnage (Bahta). Il a accepté au départ le principe d'ignorer ce que ce personnage va devenir. Dali se sent toutefois manipulé quand il découvre que Bahta, petit danseur de quartier, évolue vers un intégriste en devenir. Il a peur du film et des enjeux qu'il porte, et va jusqu'à refuser de le finir. Enfin, le personnage de Bahta, dévalorisé par les siens, malmené par les voisins du quartier, voit son projet de partir en Europe, pour devenir danseur, tomber à l'eau, à cause de la dernière guerre en Irak. Il échoue chez un prédicateur plutôt louche, qui va le manipuler, et lui faire un lavage de cerveau.

Quelques mots pour conclure

L'accueil fait au film de Nouri Bouzid pendant les dernières JCC augure peut être d'une nouvelle ère pour le cinéma tunisien. Mais un film aussi important soit-il ne peut à lui seul faire évoluer le cinéma tunisien et le sortir de sa léthargie et de son ronron.
Il est tout d'abord à souhaiter que Making Of connaisse une affluence publique aussi grande que celle que nous avons vue pour L'Homme de Cendres, et ce, lors de sa prochaine sortie en salle, ce serait là la meilleure manière de confirmer le Prix Obtenu dans le Festival et de permettre au cinéma tunisien de renouer avec le public local.
Un cinéma au présent, traitant d'un thème d'actualité, un cinéma en prise directe avec le réel, osant exposer les problèmes réels du pays sans détours ni faux semblant, faisant place à l'humour et à la poésie, a toutes les chances de plaire au public C'est le pari que nous faisons pour Making Of. Ce sera peut être la preuve qu'un cinéma de qualité a des chances de revoir le jour chez nous.
Bouzid, et c'est peut être l'une des clefs du succès de Making Of, semble s'être mis davantage à l'écoute du public tunisien lequel a commencé à se lasser de certains thèmes fortement récurrents abordés dans le cinéma tunisien.
Comme l'écrit de manière franche, fine et subtile Hédi Khelil dans un ouvrage, appelé à devenir - mine de rien - un ouvrage de référence (oui, nous disons bien un ouvrage de référence) (NOTE 5) : "Le cinéma tunisien est un cinéma trop consensuel :"…On dirait que la plupart des cinéastes tunisiens se sont donnés le mot pour parler des mêmes sujets et assez souvent avec les mêmes manières.
La tendance générale dans les films tunisiens est à l'occultation des vrais problèmes de la société. La plupart des cinéastes tunisiens ne parlent actuellement que de ce qui est permis. Traiter de la femme tunisienne ne fait peur à personne. Evoquer ses souvenirs d'enfant et d'adolescent, broder dans la nostalgie d'une époque éteinte, tout cela laisse penser que beaucoup de Tunisiens sont plus sûrs de leur passé que de leur présent. Les contradictions dans lesquelles se débat notre pays, les mutations et dérives sociales auxquelles il est confronté, les multiples blocages qui entravent son hygiène culturelle et intellectuelle, la démission et l'indifférence qui s'enracinent dans les mœurs de ses citoyens et de sa prétendue intelligentsia, on ne les voit guère à l'écran…".
Nous pourrions sans complaisance aucune reproduire toutes les pages que l'auteur consacre au "bilan du cinéma tunisien" dans le livre que nous venons de citer et ce, sous le titre "Quoi"?
Rien n y est laissé au hasard : Khelil écrit en substance que l'état du cinéma tunisien devrait interpeller tout le monde : cinéastes, producteurs, exploitants de salle, public, cinéphiles, critiques, simples journalistes, intellectuels, autorités responsables du secteur cinéma. Il s'adresse à tous les intervenants et leur demande - tout en avançant quelques propositions pour redresser la situation - pourquoi on en est arrivé là ?
Pour ne pas nous cantonner dans le seul espace tunisien, étendons la réflexion au cinéma maghrébin : "Si le cinéma maghrébin continue à être confronté à des défis structurels (le rétrécissement du parc des salles, le tournant numérique, la désaffection du public) il n'en demeure pas moins marqué par une réelle dynamique. C'est un cinéma qui sort d'une période où les films portaient les stigmates des conditions de leur production et entame une phase prometteuse que confirment l'engouement pour le court métrage, l'arrivée de nouvelles générations de cinéastes" (NOTE 6). Il nous faut y croire.

Abdelfatteh FAKHFAKH

Récapitulatif de la Présence tunisienne aux JCC 2006 (11-18 novembre 20006)

COMPETITION OFFICIELLE

Longs métrages (3 films):
▪ Making of de Nouri Bouzid,
▪ Tendresse du Loup de Jilani Saâdi,
▪ Bab'Aziz de Naceur Khemir

Courts métrages : (4 films) :
▪ Mme Bahja de Walid Taya,
▪ Nesma wa rih Tunisie de Lassad Dkhil,
▪ Ordure de Lotfi Achour),
▪ Le rendez-vous de Sarra Abidi


SECTION VIDEO

Longs métrages : (2 films)
J'en ai vu des étoiles de Hichem Ben Ammar
Margaret Garner de Mustapha Hasnaoui

Courts métrages : (2 films)
Ruse par ruse de Mongi Sancho
Sacrées bouteilles de Fitouri Belhiba


SECTION PANORAMA

Longs métrages :(7 films)
▪ Bin el-Widien de Khaled Barsaoui,
▪ Elle et lui de Elyess Baccar,
▪ Fleur d'oubli de Selma Baccar,
▪ Junun de Fadhel Jaibi,
▪ Naufragés de Carthage (Les) de Abdelkader Belhédi)
▪ La Télé arrive de Moncef Dhouib
▪ VHS-Kahloucha de Néjib Belkadhi

Courts métrages : (18 films)
▪ Après l'orage…le beau temps de Afef Ben Mahmoud, Le Bonheur de Med Ben Béchir, Comme les autres de Med Ben Atia, Contretemps de Amine Chiboub, Conversations de Med Kais Zayed, Il faut que je leur dise de Amel Smaoui, Illusion de Mzedih Belaid, Je vous ai à l'œil de Ibrahim Ltaief, Kouttab de Med Ikbal Chakcham, Le lit de Hammadi Arafa, Moi, ma sœur et la chose de Kawthar ben Hnia, la moisson magique de Anis Lassoued, Perversions de Wissam Tlili, Qui a tué le Prince charmant de Farès Naanaa, Sabah al-Khir de Walid Mattar & Leila Bouzid, T'sawer de Néjib Belkadhi, Train-train de Taoufik Behi, Zapping de Jalel Bessaed


SECTION INFORMATION

Longs métrages (3 films)
▪ Etoile filante de Radhia Zouioueche, Nahr Al Barid de Chaker Ayadi, Histoire de femmes de Feriel Ben Mahmoud

Courts métrages : (3films)
▪ La Citerne de Lassad Wislati, Kalila wa Dimna de Yousri Bouassida, Nacer Khemir, Cinéaste de l'utopie de Fathi Doghri

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