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Absence de critiques, le maillon faible du 7e art africain, selon Sembène
critique
rédigé par Fatou Kiné Sène
publié le 17/06/2007

En suscitant le débat autour de la critique cinématographique en Afrique, feu Sembène Ousmane avait voulu mettre en évidence le véritable maillon faible du septième art dans le continent. Une sortie diversement appréciée à l'époque par les acteurs du milieu.

"Le septième art africain souffre d'un manque de critiques". Cette déclaration servie à nos confrères de l'Agence de presse sénégalaise au mois de juillet-août 2006, par "l'aîné des anciens" du cinéma africain Sembène Ousmane, avait fait l'effet d'une douche froide chez de nombreux acteurs de la critique africaine. "L'absence de critiques constitue le maillon faible du 7e art africain qui doit être le reflet du présent et le miroir du passé", avait dit Sembène. Avant de poursuivre : "nous avons des cinéastes, avec leur sens de l'esthétique et leur sensibilité, mais pas de critiques de cinéma. Or cela fait partie de l'évolution du cinéma. C'est là notre maillon faible", avait-il soutenu.
Sembène Ousmane, qui a tiré sa révérence samedi dernier, s'en est allé sans pour autant être informé des évolutions faites par la critique africaine.
Cette problématique de l'existence de la critique africaine est le dernier débat soulevé par le cinéaste. La sortie n'était pas du tout appréciée par bon nombre de critiques africains. Et c'est parce qu'ils venaient de réaliser un grand exploit lors du vingtième Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) avec le bulletin quotidien de la critique avec Africiné, publié durant le Fespaco 2007.
"La formation des jeunes critiques africains ainsi réalisée montre que les choses bougent maintenant", avaient remarqué certains critiques. À leur avis, le doyen Sembène n'était pas au diapason de ce qui se passait dans ce milieu du cinéma africain. Ainsi, de vives réactions venant de tous les pays avaient animé pendant plusieurs semaines le forum d'Africiné, le site de la Fédération africaine de la critique cinématographique (Facc).
Pour le Tunisien Ben Khélifa Lotfi, "profondément déçu par les propos de Sembène tenus à l'égard de la critique africaine", "le doyen des cinéastes africains, ne serait pas là, si la critique n'avait pas suivi la sortie de tous ses films". "Je rejette cette position "pied de nez" contre les critiques africains", avait écrit le Tunisien. Selon lui, la critique est aisée... "Il faut éviter de cracher dans la soupe et de sous-estimer les critiques africains", avait-il soutenu.
L'Ivoirien Yacouba Sangaré avait estimé pour sa part que la Facc devait réagir, car "je trouve les propos de Sembène Ousmane, en dépit du respect que je lui témoigne, blessants et humiliants", préconisait notre confrère.
Aussi, "je suis d'autant plus choqué", a-t-il souligné, "que "le vieux" ignore royalement les efforts fournis par la Facc récemment à Ouagadougou où son travail critique, à travers le bulletin Africiné, a été salué par plus d'un festivalier".
Certains critiques comme le Burkinabé Cyr Ouédraogo, avaient par contre perçu les propos du doyen Sembène non pas comme une humiliation mais plutôt comme une invite à renforcer le volet critique de cinéma. "Après tout, note Cyr Ouédraogo, les cinéastes de son âge n'ont pas connu une critique africaine". Selon lui, le doyen offre aux critiques africains une belle opportunité d'informer. Ainsi, s'interroge le journaliste sénégalais Massamba Mbaye, directeur de publication du quotidien Le Matin "est-ce que la critique a besoin d'être reconnue par les cinéastes pour exister réellement ?".
Les propos de Sembène, soutient notre confrère, soulèvent également le problème de la présence de critique cinématographique dans l'espace médiatique. Le trésorier de la Facc, Olivier Barlet insiste à nouveau sur un conseil de Sembène qui exhortait toujours les réalisateurs à lire des livres du cinéma et notamment des cinémas d'Afrique.
Président de la Facc, Clément Tapsoba trouve dans ces débats la preuve qu'une dynamique est en train de s'instaurer réellement autour des problématiques liées au cinéma africain. "Que le doyen nous amène à nous exprimer sur la question de la critique n'est que fort louable", se réjouit-il. 'Que souhaiter de plus s'il y a bien un cinéaste qui a toujours exprimé son désir à voir naître une critique africaine pour accompagner les cinéastes africains, c'est bien Sembène', rappelle le président de la Facc.
Aussi, poursuit-il, "au décès du doyen des critiques du cinéma africain, Paulin Soumana Vieyra, Sembène a été de ceux qui ont encouragé la création du prix de la critique africaine, Paulin Soumanou Vieyra, pour stimuler la critique africaine".
Suite à ce débat, soulevé par le doyen, la Fédération africaine de la critique cinématographie, avait décidé de rencontrer Sembène pour lui expliquer ses nouvelles orientations et présenter les différents bulletins produits lors de l'édition 2007 du Fespaco.

Fatou K. Sène

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