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Identification d'une femme
Yasmine et les hommes, de Abdelkader Lagtaâ (Maroc)
critique
rédigé par Mohammed Bakrim
publié le 20/07/2007

Abdelkader Lagtaâ est de retour ; une bonne nouvelle pour le paysage cinématographique marocain dans le sens de l'enrichissement de sa diversité, dans les regards et les approches. Pour cette saison riche en sortie, c'est indéniablement un plus. Son nouveau film, Yasmine et les hommes, ne déçoit pas ; il est d'emblée sous le signe de la confirmation d'un projet ; projet esthétique et éthique ; celui d'un réalisateur habité par le cinéma.

Mercredi 30 mai 2007, la salle Septièmart de Rabat a abrité la première du film Yasmine et les hommes dans une sortie exceptionnelle, pré-commerciale en quelque sorte. Abdelkader Lagtaâ, en accord avec son distributeur, un autre revenant, Najib Benkirane, a choisi de programmer la sortie de son film en deux temps, à Rabat en juin et la sortie nationale à la prochaine rentrée. Il nous en donne une première explication : "La raison de privilégier cette salle est justifiée par son caractère de salle d'art et d'essai, ce qui donne à cette sortie une dimension culturelle et en fait en même temps une forme de soutien à ce lieu cinématographique unique au Maroc. Quant à la sortie à l'échelle nationale, et notamment à Casa, elle aura lieu au mois d'octobre, juste après le Ramadan".
Yasmine et les hommes est le sixième long métrage de Abdelkader Lagtaâ ; il prolonge en jouant sur d'autres registres dramatiques les grandes interrogations qui hantent ce qui constitue désormais un univers diégétique aux repères tangibles : au cœur de ces interrogations, la question centrale du sujet. Un sujet forcément urbain, casablancais en l'occurrence, confronté à la question du rapport à l'autre d'un point de vue sentimental et subjectif. L'altérité avec sa figure emblématique radicale, la femme, est fondatrice du projet cinématographique de Lagtaâ. Ses films sont très ancrés sociologiquement avec des indices récurrents constitutifs d'une matrice narrative autour du couple petit bourgeois casablancais. Yasmine est employée de bureau ; on imagine que c'est une secrétaire de direction ; mariée, avec une fille, Sarra. Elle subit un harcèlement de la part de son patron. Elle décide de réagir et le repousse violemment. Elle est victime d'un accident en sortant précipitamment de son travail. Dans son lit d'hôpital, on la connaît davantage ; on découvre son mari qui l'accuse de vouloir briser sa carrière car il doit sa situation au patron de sa femme. Mais cette hospitalisation est l'occasion pour Yasmine de repasser le film de sa vie avec une image qui hante ses rêves et ses souvenirs d'enfance, celle d'une ombre qui se faufile dans sa chambre de fillette… les prémisses d'un trauma originel qui bloque l'accès à l'épanouissement du désir… C'est là où le scénario de Lagtaâ prend une autre tournure. La question du couple Yasmine / Saïd se double en effet de la question de la famille originelle de Yasmine avec un père colonel aux mœurs douteuses, une sœur, Amal et une mère divorcée, absente et démissionnaire. Nous retrouvons une filiation thématique et existentielle avec Un amour à Casablanca, et La porte close, les deux premiers longs métrages de Lagtaâ.
Ce schéma complexe permet l'émergence de la volonté d'un sujet porté par un autre désir ; le désir de construire une nouvelle identité en transcendant le passif accumulé durant des années. C'est le nouveau parcours initiatique de Yasmine qui mène un combat contre les fantômes du passé au bénéfice d'un espoir métaphorisé par sa sœur Amal (!) qui refuse de revivre le déchirement de sa sœur aînée et décide de suivre la logique de l'amour jusqu bout. A l'instar de son amant qui change de religion pour elle.

Mohammed Bakrim

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