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De l'utopie au réalisme
Sango Malo, de Bassek ba Kobhio (Cameroun)
critique
rédigé par Yohanès Akoli
publié le 23/07/2007

Comment l'école africaine doit savoir tirer profit de l'immense potentiel humain et naturel dont dispose le continent ? C'est à cette question que le film de Bassek ba Kobhio se propose de résoudre à sa manière. Film dont l'intrigue est contruite autour de malo Bernard, jeune enseignant révolutionnaire. Cet opus est le fruit d'un véritable travail d'un travail d'adaptation du roman Sango Malo, le maître du canton.
Au début du film, la caméra de Bassek nous conduit devant un tableau d'affichage, où un groupuscule d'étudiants sont venus consulter leur résultat. Dans la foulée, Malo a été mis en évidence avec des tas de bouquins à la main, ce qui a priori force l'attention de quelques collègues dont N'gor qu'il finira par épouser plus tard. Affecté à Lebampzi, un village où il est appelé à transmettre ses savoirs et à faire valoir son savoir-faire, Malo s'est assigné une mission tout à fait délicate en mettant en rude péril l'ordre social établi. Ce qui de facto n'a pas tardé de dégénérer en conflit entre lui et les habitants de ce village ; en particulier le directeur, l'inspecteur, le chef du village… Bassek, traite un sujet social, celui du clivage entre les vieux et les jeunes ; de la résistance de la tradition face à la modernité gage du développement de toute société. La trame de l'intrigue subtilement tissée, les faits suggérés servent à la compréhension du dénouement qui prend un angle politique. N'est-ce-pas là une dénonciation du comportement de l'élite africaine d'après idempotences qui, dans la précipitation de vouloir tout changer au même moment, ont poussé l'Afrique dans le gouffre du sous-développement ?
À travers ce film, le réalisateur nous expose deux personnages qui n'ont pas la même vision de l'éducation ; le modèle d'enseignement convenable dans un village où il y a les terres propices aux agricultures. Bref où la pluie n'est pas une denrée rare. Il s'agit du directeur d'école et de l'enseignant Malo.
D'abord, le directeur d'école. Toujours habillé en veste, il symbolise la rigueur, et la discipline. Comme une caisse de résonance, ses savoirs livresques sont et demeurent l'unique voie d'éducation des élèves et tout hors la loi se trouve sévèrement puni. C'est l'exemple de la scène montrant un élève dans la salle de classe mis en position de punition pendant que les autres suivent le cours. Conservera-t-il ce cliché que Bassek a choisi détruire ses ambitions lorsqu'il refusa de participer à l'arrestation de Malo.
Ensuite, Malo Bernard. Jeune enseignant intelligent mais subversif. Son attitude montre la dichotomie entre utopie, rêve et réalité. Ses ambitions a priori bonnes suscitent l'adhésion du public, mais donnent lieu après à des contestations. Son échec, c'est qu'il n'a pas pu associer tout le monde à son projet, en plus le "je" dominant dans son vocabulaire l'érige en leader égoïste et totalitaire. Voulant tout décider de lui-même, balayer la tradition ; où les élèves passeront plus de temps dans les champs qu'à l'école ! Sa façon condescendante d'agir fera dresser toute la communauté contre lui, et le seul ami qu'il finira par avoir serait Voit tout. Pourquoi donc cette amitié avec Voit tout, qui a perdu toute sa famille et qui tout le temps noie ses soucis dans l'alcool ? Que suggère ce contraste entre un militant combatif et un saoulard qui sera le premier témoin à annoncer son retour de prison ? Bassek, ne se contente pas seulement de montrer une réalité celle du modèle d'éducation adapté en Afrique mais il propose sa vision sur les facteurs qui avaient poussé l'élite africaine à l'échec au moment où ils devraient prendre la destiné du continent. Son film invite et interpelle à une profonde interrogation sur la manière de gouverner l'Afrique par des contemporains en doivent s'inspirer des déboires du passé. Le réalisateur clôt son film, sur une note qu'il veut optimiste, pour insérer l'espoir dans une réalité lugubre. L'annonce faite par Voit tout aux villageois : il sera là lorsque les envahisseurs auront disparu. Peut-être, c'est le retour que l'Afrique attend jusqu'à ce jour pour son décollage économique. Voici l'enjeu du film, son mérite aussi.

Yohanès Akoli
Togo

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