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Plaidoyer pour une réelle promotion du cinéma au Togo
critique
rédigé par Charles Ayetan
publié le 01/08/2007

Le Togo est-il un pays du cinéma ? En d'autres termes, y a-t-il une tradition cinématographique au Togo ? Ce pays a pourtant connu l'ancêtre du cinéma, lit-on, sous la plume du journaliste et cinéphile togolais, Amévi Dabla, suite à une enquête [NOTE 1] sur le cinéma au Togo. Ainsi, à partir de 1920, les Togolais ont-ils vu les projections des fameuses lanternes magiques qui consistent à projeter sur une toile blanche de percale, des dessins ou photographies…
Il est donc clair que le cinéma est arrivé très tôt au Togo. En effet, l'histoire nous apprend que la question culturelle était déjà prise en compte dans le contexte colonial. Ainsi dans le volet culturel, le cinéma a-t-il été évoqué comme un héritage de l'époque coloniale allemande [NOTE 2].
Progressivement, le public togolais s'est alors familiarisé avec ce nouveau médium, le cinéma, qu'il a aimé. D'où la naissance et l'accroissement d'une première génération de cinéphiles nourris au gré des exploitants d'un nombre important de salles de cinéma. Des cinéastes en sont issus à l'instar de Jacques Do Kokou, Blaise Abalo Kilizou et Batita Talakena… (sans oublier les professionnels de l'audiovisuel qui les ont précédés) qui ont donné naissance au cinéma togolais, un cinéma qui malheureusement cherche aujourd'hui encore un visage plus probant grâce à l'émergence d'une nouvelle génération de cinéastes.

Épisodes d'un service du cinéma
Le secteur du septième art faisait partie des priorités des gouvernants du Togo et un service était créé en conséquence pour sa promotion, ou du moins pour la production audiovisuelle et cinématographique. Le Centre National de Production Audiovisuelle (CNPA) est la dernière appellation sous laquelle a trouvé refuge le Service du Cinéma et des Actualités Audiovisuelles du Togo (CINEATO) à l'issue des états généraux de la communication et de la culture tenus à Lomé du 15 au 23 juin 1992.
Le CINEATO devenu CNPA est un service d'État créé officiellement par décret présidentiel en date du 21 mars 1975. C'était (pour les observateurs du monde culturel d'alors) une belle aubaine, "un espoir né". À ce propos en effet, Amévi Dabla semblait décrypter à travers cet événement, l'avènement d'un cinéma togolais : "C'était prévisible, la naissance d'un cinéma togolais. Des têtes l'ont pensé, des mains l'ont écrit...". Il est à noter que le CINEATO qui était un service rattaché au département ministériel de l'information avait pour ancêtre le Service de l'Information. Ce dernier service existait depuis 1958 et à partir de 1963, il sera chargé de la production hebdomadaire de films d'actualités audiovisuelles togolaises. Les contenus audiovisuels togolais étaient alors produits avec la coopération du Consortium Audiovisuel International (C.A.I.), à l'exception des éditions spéciales qui étaient entièrement prises en charge par le gouvernement togolais.
Aujourd'hui, plus de trois décennies plus tard, ce service qui était l'un des mieux équipés de la sous région en matériels comme en techniciens traverse visiblement une crise existentielle. Le CNPA va-t-il disparaître, s'interroge-t-on déjà ? L'état physique et structurel des locaux et des installations techniques de ce qu'il est officiellement convenu d'appeler aujourd'hui CNPA en dit long.
Et que dire des nombreuses épaves de bandes filmées qui croupissent dans la poussière sur les étagères de la filmothèque du CINEATO. "Je pleure quand je vois nos archives audiovisuelles pourrir", confie, visiblement accablé, un réalisateur togolais lors d'une table ronde autour du cinéma au Togo, organisé récemment à Lomé. C'est bien le cœur pincé, que les cinéastes de notre pays regrettent ces images filmées (reportages et documentaires notamment) aujourd'hui perdues par manque d'entretien. Ce sont là des "images de chez nous" à jamais perdues. Les nostalgiques regrettent encore "les Kaolo, Bella Bellow…", bref les images des célébrités du monde sportif, culturel…du Togo qui sont quasiment perdues dans les ruines de notre filmothèque.
Le directeur du CNPA est à la retraite depuis un certain temps, mais il n'est pas encore remplacé. Il fait néanmoins de gros efforts, nous confie-t-on, pour venir de temps en temps assumer quelques tâches. La question est sérieuse. Au point que certains se demandent déjà si ce service ne va pas disparaître d'un jour à l'autre.

À qui la faute ?
Un observateur de la scène cinématographique au Togo a remarqué tout récemment que "les cinéphiles ont déserté les salles de cinéma au profit du petit écran tout simplement parce que le grand écran est vide de productions nationales". Cette position est sujette à caution.
En effet, la désertion des salles de cinéma ne peut s'expliquer par le seul vide de productions ou même de projections cinématographiques nationales, voire africaines. Sans négliger les intérêts des exploitants en jeu, cette situation proviendrait plutôt de l'absence d'une véritable politique cinématographique de la part du gouvernement togolais et d'un manque de solidarité réelle entre les cinéastes togolais qui n'ont pas su créer un climat de confiance et de coopération via le partage d'expériences au sein d'une association.

Cri de cœur du monde culturel

Tout compte fait, il est temps que le Togo retrouve sa place dans le monde du cinéma. C'est le cri de cœur d'une nouvelle génération de cinéphiles et de réalisateurs confirmés ou en devenir. Le gouvernement est ainsi interpellé par plus d'un. "Si le Togo ne met pas un volet culturel dans son budget, le pays n'aura pas de financement", déclare un réalisateur togolais. Ce langage est employé par plusieurs cinéastes de notre pays qui reconnaissent toutefois que le développement du cinéma ne saurait reposer uniquement sur le gouvernement, mais également sur l'effort de chaque cinéaste ou de chaque aspirant aux métiers du cinéma de s'investir au préalable dans la formation.
Le ministère de la culture a donc sa partition, sans doute essentielle, à jouer : un réelle promotion du cinéma. Les professionnels de l'audiovisuel ont également leur part : le professionnalisme et la spécialisation dans leur domaine respectif, de même que le partage des expériences à travers les co-productions et la vie associative.
"Le cinéma, dit-on, est une affaire de gros sous". Mais alors, qu'en est-il de la sempiternelle question du financement des films ?

Halte à la strangulation du cinéma togolais

Le prétexte qui étouffe aujourd'hui le cinéma togolais tient en peu de mots : "Le cinéma togolais n'existe pas". Par les temps qui courent, c'est décidément le seul film sur le Togo qui gagne par l'affluence virtuelle des "hypothétiques entrées en salle", entendre la seule image qui est projetée dans les arcanes ou les coulisses des bailleurs du nord. Les aînés confirment cette réalité aux plus jeunes réalisateurs : "le cinéma togolais connaît des déboires avec les bailleurs du nord".
La négation du cinéma togolais par certains partenaires culturels européens est l'une des positions qui défavorisent le développement du 7ème art au Togo. Certes, ce secteur n'est pas promu. Le cinéma togolais est embryonnaire, observent certains. Mais le "bébé cinématographique togolais" ne pourrait jamais naître si les secouristes potentiels veulent d'abord attendre sa naissance pour venir en aide à l'embryon en état de détresse. Autant entamer toute de suite le secours.
Par ailleurs, ce bébé de cinéma ne pourrait non plus jamais naître si l'on accuse son papa, du moins le géniteur, de mauvaise gestion d'une cagnotte, historique ou non, à lui allouée en guise de financement d'un film ou d'un événement cinématographique. En ce sens, la Bible nous dit par la bouche du prophète Jérémie : "En ces jours-là on ne dira plus : Les pères ont mangé des raisins verts, et les dents des fils sont agacées. Mais chacun mourra pour sa propre faute. Tout homme qui aura mangé des raisins verts, ses propres dents seront agacées" (Jérémie 31, 29-30).
L'heure sonne enfin où l'on doit changer de scénario sur le Togo pour ne plus condamner un cinéma qui se débat encore, et aujourd'hui de plus en plus, pour voir le jour. En clair, les jeunes réalisateurs togolais ont besoin de soutiens financier, matériel et technique pour produire des films, du moins pour se former ou se performer afin d'être capables de faire des films de qualité.

Charles Ayetan
Togo

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