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Le personnage cinématographique au féminin
critique
rédigé par Bouchta Farqzaid
publié le 03/09/2007
Les douze réalisatrices du festival de Salé 2006
Les douze réalisatrices du festival de Salé 2006
Remise des Prix
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Photogramme
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Attribution Prix
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0. Pour introduire :

Du 05 au 09 septembre 20006, la ville de salé, à travers Le Festival International du Film de Femme, était fidèle aux mordus du septième art en leur donnant encore une fois l'occasion de prendre énormément plaisir par la projection d'un certain nombre de films venant des quatre coins du monde, dont douze (12) en compétition officielle. Voici leur liste accompagnée des Prix qui ont été discernés à certains d'entre eux.

- Play, Alicia Scherson (Chili-Argentine, Grand prix)
- Sous le Toit, Nidal Addibs (Syrie, Prix du Jury)
- Juanita de Tanger, Farida Benlyazid (Maroc, Prix du scénario)
- Hi-Bi, Takhaschi Banmei (Japon, Prix de la meilleure interprétation féminine)
- Roi et écriture, Chadia abou Dikri (Egypte, Prix de la meilleure interprétation masculine : Mahmoud Himida)
- Quant les poissons tombent amoureux, Ali Raffi (Iran)
- Graines de doute, Samir Nassr (Allemagne)
- Sœurs, Julia Salomonoff (Argentine - États-Unis)
- Marie pleine de grâce, Jostua Marston (Colombie - Etats-Unis)
- Maroa, Solveig Hoogsteijn (Venezuela - Espagne)
- Mama's last call, François Bouvier (Canada)
- Para que ne me olvidades, Patricia Ferreira (Espagne)


Notre essai se veut une approche comparative des films en compétition (hormis le dernier film qui n'a pas été visionné en séance publique !!??) selon un axe fédérateur à savoir le traitement cinématographique du personnage féminin. En effet, ce corpus invite à interroger le personnage de la femme aussi bien sur les différences que les ressemblances qui le sous-tendent.



I. Un portrait protéiforme :

A. Le statut familial :
À dire vrai, les films en compétition mettent en scène "la" femme dans toutes ses composantes allant de la fille (Marie, Maroa) jusqu'à l'épouse (Hi-Bi, Quand les poissons tombent amoureux…) en passant par la période du célibat (Roi et écriture, Sœurs, Play…).

B. Le statut social :
Les femmes représentées dans ces films exercent des métiers divers, qui se présentent comme suit :


a) Activité intellectuelle :
- Professeur de musique (Roi et écriture)
- Enseignante (Graines de doute)
- Etudiante et actrice (Roi et écriture)
- Secrétaire (Mama's last call)

b) Activité manuelle :
- Potière (Hi-Bi)
- Cuisinière (Quand les poissons tombent amoureux)
- Ouvrière (Marie pleine de grâce)

c) Activité louche :
- Trafic de drogue (Marie pleine de grâce)
- Vol (Maroa)
- Oisiveté (Sous le Toit)
- Prostitution (Sous le Toit)


C. Un statut moral :
Cette diversité familiale et sociale se trouve renforcée par une variété de portraits moraux assez controversés. À cet égard, le personnage féminin s'inscrit tantôt dans la négativité tantôt dans la positivité. À la fidélité dans Hi-Bi et Quand les poissons tombent amoureux entre autres, fait écho la trahison dans Sous le Toit et Roi et écriture. En outre, l'oisiveté qui entraîne certains personnages dans des situations d'impasse (solitude : Juanita de Tanger, prostitution, vol, drogue) rappelle son dissemblable qui se traduit dans l'amour acharné du travail comme c'est le cas dans Hi-Bi et Quand les poissons tombent amoureux.
Par ailleurs, les personnages féminins de ces derniers films réussissent à pleinement concilier l'activité manuelle et l'activité intellectuelle en donnant forme aux mets et/ou aux vases.
C'est dire que nous assistons à une mise en scène du féminin dans ce qu'il a de fort et de faible, de positif et de négatif.



II. Le personnage féminin au singulier :

Il est vrai que les personnages féminins qui sont mis en scène sont ancrés dans des contextes linguistique, historique et culturel fort différents, mais l'intrigue de la plupart d'entre eux tourne autour de certaines problématiques communes comme la fatalité sociale, la tension affective et le sacrifice.

A. La fatalité sociale :
Certains réalisateurs et réalisatrices procèdent par décrire la situation de la femme au sein de la société qui est, semble-t-il, l'origine de sa marginalisation et de sa souffrance. Orpheline du père, victime d'une mère alcoolique, Maroa, âgée de 11 ans, par exemple, est une fille qui se trouve, malgré elle, impliquée dans le vol et le crime. Ainsi, elle va purger une peine de prison, alors qu'elle est encore une jeune fille en fleur. Licenciée de son travail, Marie se trouve, elle aussi, dans l'obligation d'être au service des trafiquants en transportant la drogue, à l'instar des autres filles qui courent un tel risque en vue de subvenir aux besoins de leurs familles. Cette pratique n'est pas sans conséquences fâcheuses sur les personnages puisque certains d'entre eux finissent par tomber dans les pièges des monstres : ou bien la mort - comme c'est le cas de cette jeune fille que l'on a éventrée - ou l'exil (Marie).
En plus, tout se passe comme si c'est de ce sentiment d'exil que souffre Juanita. C'est dire que tout le destin du personnage est déjà inscrit dans le titre du film. En effet, du père anglais et d'une mère espagnole, Juanita a vu le jour sur un territoire marocain. Loin d'être un facteur de richesse identitaire, cette pluralité socio-culturelle fonctionne comme un handicap à l'épanouissement de sa personnalité, et, de ce fait, participe à sa marginalisation et au repli sur elle-même.
Abandonnée des hommes, cette femme mène une vie trop difficile. Elle rejoint par là les personnages de Hi-Bi, de Quand les poissons tombent amoureux, Juanita de Tanger et de Sous le Toit, entre autres. Et si les épouses dans les premiers films finissent par donner sens à leur vie en se suffisant à elles-mêmes (en quelque sorte), il faut rappeler cependant que la sœur de Marwan n'arrive pas à supporter le délaissement et s'adonne à la prostitution, et que, en raison de cela, Juanita se trouve condamnée à la stagnation.

Par ailleurs, c'est la présence du personnage masculin (mari) qui est à l'origine de tous les calvaires qu'une femme peut endurer. Pour s'en convaincre, il faut citer l'exemple de "Graines de doute" où l'épouse est livrée à une tension psychologique qui la pousse à rompre d'avec son mari en doutant - ou même en étant presque persuadée - qu'il fait partie d'un groupe terroriste.

Nonobstant cette touche dysphorique, les films en question optent, dieu merci, pour des fins aussi variées que leurs intrigues : heureuse (Happy End : Graines de doute, Roi et écriture, Maroa, Sœurs), malheureuse (Juanita de Tanger), et ouverte (Play, Hi-Bi, Sous le toit, Quand les poissons tombent amoureux, Marie pleine de grâce).


B. Une image pleine de grâce :

Si certain contexte social et historique s'inscrit dans une négativité nette, certains personnages au féminin réussissent à s'en démarquer et à s'imposer comme maîtres de leurs propres destins. A cet égard, "Hi-Bi", "Quand les poissons tombent amoureux", "Maroa", " Sœurs", "Play" brossent en gros une image assez valorisante du personnage féminin, en ce sens que certaines femmes ont un sens du sacrifice en assistant Autrui, qui est la famille (Marie pleine de grâce), le fils (Hi-Bi), le père (Sœurs), un ex-mari (Quand les poissons tombent amoureux), un étranger (Play), un professeur (Roi et écriture). A ce propos, il est possible de parler des "films de famille" dans la mesure où les héroïnes s'ingénient à combler des hiatus au niveau de la structure générale de la famille. Crise de famille et crise d'amour (Mama's last call, Sous le toit….), telles sont les caractéristiques fondamentales de certains films.
D'autres personnages sont beaucoup plus positifs en ce qu'ils participent à la transformation de la vie des personnages au masculin. En cela, Hind et Christina sont des exemples incontournables.
Pleins de grâce, ces personnages au féminin comportent certaines qualités qui sont à même de les rehausser au rang des personnages divins (Marie, Hi-Bi, Hind).



C. Le personnage féminin entre l' "Etre" et le " Faire" :

La notion du sacrifice est trop problématique dans la mesure où elle met en scène un personnage qui oscille entre la notion de l' "être" et la notion du "faire". Qu'est-ce-à-dire ?
Le fait est que le personnage de la femme est valorisé non seulement en tant que tel (ce qu'il est), mais en tant que actant (ce qu'il fait). Deux films sont fort illustratifs à ce propos à savoir "Hi-Bi ou Days of fair" et "Quand les poissons tombent amoureux". En effet, ils présentent deux femmes - l'une veuve ; l'autre séparée de son mari - qui à force de faire la poterie et la cuisine finissent par s'affirmer comme artistes et, partant, maîtres du temps et de l'espace. Ainsi, la variété des vases japonais correspond la variété des plats perses. Si les ingrédients diffèrent d'un art à un autre, il n'en reste pas moins qu'ils subissent l'effet d'un même élément à savoir le Feu. Ce dernier vient confirmer le travail si intelligemment accompli par des mains qui ont pour fonction de façonner l'aliment et la terre. Or, le plaisir auquel prend part le consommateur des musées ou des restaurants donne à lire - c'est-à-dire à deviner - tout le processus de la création antérieur. Outre la fonction utilitaire de ces objets artistiques, c'est une fin esthétique que ces femmes cherchent à communiquer.
En somme, la cuisine et la poterie sont un hymne à la femme artiste.



III. En guise de conclusion :

En somme, outre les divergences, qui concernent le personnage féminin - des onze films projetés lors de la deuxième édition du Festival International du film de la femme de Salé -, il y'a lieu de relever également certaines similarités euphoriques et dysphoriques qui font, entre autres, la force de cette expression cinématographique du et au féminin. C'est dire que ces films, par une mise en scène des thèmes distincts, contribuent à contourner un imaginaire au féminin, qui s'inscrit amplement dans une interrogation universelle de l'Etre.

Bouchta FARQZAID (MAROC)

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