AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 377 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Caramel, de Nadine Labaki (Liban)
Elle à Beyrouth
critique
rédigé par Meriam Azizi
publié le 11/09/2007
Meriam Azizi
Meriam Azizi
Nadine Labaki
Nadine Labaki
Caramel
Caramel
Caramel
Caramel
Caramel
Caramel
Caramel
Caramel
Caramel
Caramel
Caramel
Caramel
Caramel
Caramel
Caramel
Caramel
Caramel
Caramel
Nadine Labaki, 2007
Nadine Labaki, 2007

Pour son premier long-métrage, la réalisatrice et comédienne Nadine Labaki a choisi de mettre à l'écran la complexité du dispositif féminin au sein d'une société en apparence moderne mais qui demeure, malgré tout, profondément traditionnelle. L'histoire se déroule dans un lieu on ne peut plus féminin : un salon de beauté où se croisent les destins de cinq femmes représentatives de la condition sociale de la femme orientale. Du point de vue de l'intertextualité filmique, Caramel est chargé de citations. L'héritage cinématographique qui permettra d'établir un lien polyphonique est entériné par trois films : Vénus beauté (institut) de Tonie Marshall sans oublier la présence d'un esprit typiquement almodovarien qui nous renvoie plus précisément à Kika et à Femmes au bord d'une crise de nerfs.

Dès le générique, le film donne son ton. Des images d'une lumière éblouissante défilent avec un mouvement d'une fluidité sensuelle mimant ainsi les ondulations et la malléabilité de la pâte magique, métaphore plastique du désir dans la douleur.
Le spectacle de cette pâte en train de se préparer - les personnages restant en hors-champ, la matière devient elle-même personnage à part entière complice de la présence féminine - se transforme en une cérémonie.

Le lieu, salon de beauté dont le nom Si Belle lui manque (par ironie probablement ?) le B, est un temple sacré où l'intrusion masculine (bien que souhaitée, du gendarme) est un événement si rare qu'il a le pouvoir de figer l'ébullition quotidienne des dames.

L'atmosphère est détendue grâce à un jeu d'acteurs réussi. La position double d'actrice principale et de réalisatrice, a ouvert le champ à un travail de direction approfondi sur une équipe de comédiennes amatrices. Spontanéité et naturel marquent au sceau le dialogue.
La caméra s'attarde sur Jamale, insatisfaite de sa coiffure qu'elle trouve horrible pour un casting très important. Nous comprenons alors que derrière ce personnage d'une quarantaine d'années souffre de la phobie de vieillir. Ce mal-être explose trois fois au long du film. Elle décharge sa hargne sur ses enfants après avoir eu son ex-époux au téléphone.
Au plan suivant de l'épreuve du casting, Jamale s'écroule en pleurs sous les recommandations insistances du directeur. À cet instant, on mesure le poids du malheur qu'elle intériorise. Et finalement, vient la scène à la fois la plus grave et la plus pathétique puisque cette fois, le personnage se ment à lui même en se faisant croire encore jeune pour ne pas avoir peur du spectre de la ménopause : Jamale, passe devant une file de femmes et entre aux toilettes. Dans ce lieu exigu, elle trempe une serviette dans du liquide rouge et la jette à la poubelle.

Un peu moins pathétique, l'histoire de la patronne du salon. Layale, la trentaine d'années, de confession chrétienne, vivant encore sous le toit de sa famille et amoureuse d'un homme marié, gère mal sa situation inaboutie.

Son employée Nisrine, musulmane est fiancée à un homme qu'elle aime mais à qui elle a peur d'avouer qu'elle n'est plus vierge.
La tante Rose, la soixantaine passée, laisse échapper l'homme qui aurait pu combler son vide d'amour.
La question de l'homosexualité est posée à travers le personnage de Rima qui refuse les avances du livreur de produits cosmétiques pour abandonner ses doigts le temps de la coupure d'électricité dans la chevelure soyeuse d'une cliente.

Dans ce microcosme intime, on nous montre de Beyrouth que ce que laisse entrevoir les stores du salon.
Le multiconfessionnalisme religieux du Liban est connoté par la croix que porte Layale puis spectaculairement amené au salon par le passage de la procession chrétienne pour apporter sa bénédiction. Ici, la statue de la Vierge Marie n'est aucunement gratuite. Cette même bénédiction, Nisrine la reçoit, dans la version musulmane de sa mère, une femme voilée mais dont la fibre maternelle déborde jusqu'à la scène émouvante des larmes que versent chacune d'elle.

L'extérieur, contrairement à l'intérieur où les langues se délient et les esprits se libèrent, représente la répression qu'incarne la scène où Nesrine et son fiancé dans la voiture garée devant la maison, subissent l'interrogatoire d'un gendarme, soit-disant défenseur de la morale qui interdit à l'homme et à la femme de s'isoler à défaut d'un contrat de mariage.

Le film, sans le prétendre, verse dans la métaphore idéologique. Le politique semble inévitable dans un pays qui tombera sous les bombes une semaine après la fin du tournage. Mais Caramel par l'image du dernier plan qui fixe un sourire féminin est avant tout un hommage à ELLE.

Meriam Azizi

Films liés
Artistes liés
Structures liées