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Un homme peut en cacher un autre
Un homme perdu, de Danielle Arbid, Liban / France, 2007
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 11/09/2007

Les ondes du cinéma libanais se propagent malgré les conflits qui saignent le pays. L'attrait des œuvres récentes incite à se laisser gagner par les valeurs orientales qui courent au-delà des frontières. Car ce sont des cinéastes nomades, souvent posés en France ou au Canada, qui expurgent les traumatismes du pays par des coproductions sérieuses. Sur les traces de Randa Chahal Sabbag (Le cerf volant, 2003), Jocelyne Saab (Dunia, 2005), de Ghassan Salhab (Le dernier homme, 2006),de Ziad Doueiri (Lila dit ça, 2005), Joana Hadjithomas et Khalil Joreige imposent des road movie comme A perfect day, 2005, où Beyrouth se dissout pour mieux se dessiner.
C'est cette reconnaissance d'un pays dévasté, en proie à sa reconstruction, qui inspire les premiers documentaires de Danielle Arbid. Après Seule avec la guerre, 2000, Aux frontières, 2002, la réalisatrice basée en France, s'oriente vers la fiction avec Dans les champs de bataille, 2004. Une fille de 12 ans y pénètre le monde des adultes. Sa famille en pleine tourmente, au cœur de Beyrouth, est frappée par la guerre. Douleurs, chocs, sensations charnelles, mémoires brisées, exils… Ces thèmes hantent Un homme perdu, la nouvelle fiction de Danielle Arbid.

Dans un prologue elliptique, un homme court et s'échappe de Beyrouth où éclatent des affrontements. On le retrouve plus tard en Syrie, en Jordanie. Visage fermé, oeil dur, il croise une femme, la suit. Leurs gestes rapprochés attirent le regard d'un photographe français en vadrouille. Ce qui attire la police. Expulsions, croisements. Le Libanais trop blessé, et le Français trop curieux, vont s'approcher, s'affronter, confronter plus loin leurs histoires en fuite. Les provocations fusent.
Le Français, en quête de photos de femmes nues, faisant l'amour avec lui dans des chambres d'hôtel, engage le Libanais à le suivre dans ses nuits. Il le paye pour mieux le gagner, cherchant à percer son secret. Un secret comme le sien. D'identité française délitée, ambiguë, provocante, en identité libanaise meurtrie, hantée, agressive, Un homme perdu se compose en fragments sur les routes de ses héros. Seuls, exilés, ils (se) parlent peu, se regardent, s'échappent sans cesse comme pour s'affirmer absents.

La fuite a des allures de road movie. Et la fiction de Danielle Arbid a des airs de faux portraits intimistes. Car les douleurs personnelles des hommes émanent des sociétés dont ils tentent de s'affranchir. En Occident, leurs relations masculines conflictuelles peuvent troubler comme des révélations de mal être. En Orient, les désirs de transgression des corps masculins, la volonté d'acheter des femmes pour les consommer, peuvent indisposer comme des tabous exhibés. C'est dire que la caméra de Danielle Arbid ne s'embarrasse pas de scrupules pour filmer ses sujets, éperdus de sexe, d'amour, d'identité.
Le Français Melvil Poupaud, échappé des rôles d'adolescent lisses qui ont marqué sa jeunesse, campe un photographe roublard et fuyant. Alexander Siddig incarne le Libanais amnésique, en rupture, pressé de forcer sa mémoire violente. Leurs duos et leurs duels sont perméables à la présence d'actrices orientales qui savent jouer du corps à corps. Entre eux, la caméra de Danielle Arbid se glisse avec subtilité, comme pour éprouver la perte, combler un manque. Une manière de se construire autrement pour survivre à un pays dont le cœur est dévasté par la guerre.

Michel AMARGER

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