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Nûba d'or et de lumière, de Izza Génini
Musiques sur un fil
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 30/09/2007

Nûba d'or et de lumière
LM Documentaire de Izza Genini, Maroc / France, 2007
Sortie Maroc, France, festivals 2007

L'art de capter la musique est peut-être plus rare au cinéma, que celui de capter la lumière. Malgré la richesse de la production musicale en Afrique, peu de cinéastes ont encore réussi à en perpétuer l'esprit dans les films. Des portraits d'artistes connus émergent tel Wendo, père de la rumba zaïroise de Roger Kwami Zinga et Mirko Popovitch, 1992, RDC, ou Iso Lo de Mansour Sora Wade, 1994, Sénégal. Les regards sur des courants musicaux sont rares en Afrique de l'Ouest et peut-être plus visibles dans le nord. En Tunisie, Mahmoud Ben Mahmoud s'intéresse épisodiquement aux pratiques musicales venues d'Orient. Au Maroc, Izza Genini entreprend en 1987, un travail d'approche et de découverte des expressions musicales avec sa série Maroc, corps et âmes. Au ton ethnographique de ses premiers documentaires, se substitue peu à peu un mode d'approche plus poétique qui illumine son nouveau film.
Nûba d'or et de lumière, conçu comme un voyage au fil des mélodies arabo-andalouses, est une production indépendante. Elle s'égrène comme un chapelet de chants et de rencontres signifiantes. Maîtres de musique, compositeurs, interprètes d'aujourd'hui témoignent de la profondeur de l'histoire de la musique arabo-andalouse. La réalisatrice épouse leurs propos avec une caméra vagabonde. Elle respire les courbes musicales héritées d'Espagne ou de Tunisie, qui convergent et circulent vers des villes phares du Maroc. A Fès, à Casablanca qui l'a vue naître, Izza Genini cherche les influences, écoute les praticiens et surtout donne à entendre des mélodies pénétrantes dans des concerts le plus souvent mis en scène pour la circonstance.

En soulignant les liens de l'art du tissage et celui de la composition qui s'effectue sur les lignes tendues d'une portée, Nûba d'or et de lumière marie les arts avec pertinence. La célébration des rites musicaux vibre comme une exaltation de la tolérance en rappelant les combinaisons des cultures chrétiennes occidentales avec l'islam oriental dans des chants et des danses ouverts. Glorifiant les sens, le vin, l'extase sensuelle pour accéder à une extase mystique, les musiques arabo-andalouses apparaissent comme des sources motrices de communication religieuses et sociales.
Nûba d'or et de lumière peut ouvrir des portes d'accès aux profanes et ravir les initiés qui apprécient les références musicales documentées. "Il m'aura fallu une fréquentation plus suivie et une connaissance plus intime de la musique arabo-andalouse, pour comprendre que le sentiment de monotonie et d'immobilité que les musiciens des orchestres d'el Ala marocaine, sagement alignés, inspirent aux profanes, est ignorance ou simple indifférence", commente Izza Genini. "La ferveur de ses mélomanes et de ses défenseurs passionnés ont excité ma curiosité et me conduisent aujourd'hui au désir de partager la beauté, le raffinement et le plaisir de cette musique en la filmant." La concentration des artistes, les rires de jeunes chanteuses en marge des concerts, la ferveur des amateurs éclatent au fil des mélodies. Les paysages marocains sublimés, les pauses aux jets des fontaines, les couchers de soleil, levers de lune ponctuent l'organisation réfléchie des compositions musicales. Car Izza Genini prolonge ses observations avec une poésie personnelle rafraîchissante.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

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