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Tendresse du loup, de Jilani Saadi
Les hurlements du désir
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 22/10/2007

LM Fiction de Jilani Saadi, Tunisie, 2006
Sortie France : 14 novembre 2007

Les films tunisiens ont du mal à se faire une place sur les écrans français. Malgré l'audience des fictions de Nouri Bouzid et le succès d'histoires comme Halfaouine dans les années 1990, le cinéma tunisien peine à imprimer sa marque au sein de la production mondiale. La diffusion de Tendresse du loup de Jilani Saadi, s'annonce ainsi comme "la sortie tunisienne" de l'année 2007. Ce privilège est revenu en 2006 à Bab Aziz de Nacer Khemir, en 2005 à Le prince de Mohamed Zran, en 2004 à Khorma, Enfant du cimetière de Jilani Saadi tandis que 2003 pouvait paraître une année faste avec la sortie de La boite magique de Rida Behi et Bedwin Hacker de Nadia El Fani.
La situation de la distribution dans l'Hexagone, encombrée par l'abondance des produits commerciaux venant de France ou des États Unis, la réduction des salles indépendantes, ne permet guère de laisser une place suffisante pour les pays du Maghreb qui produisent peu. Dans ce contexte, il est logique que les films qui arrivent en France soient surtout ceux qui sont financés directement ou en participation, avec des fonds français. La diffusion de Tendresse du loup repose ainsi sur le volontarisme de son auteur, installé en France pour y développer des histoires qu'il tourne en Tunisie. Car Jilani Saadi est aussi le scénariste et le producteur de sa fiction, une histoire passionnelle, réalisée avec un budget modeste en toute indépendance.

Les personnages secoués de Tendresse du loup se distinguent alors des héros conventionnels du cinéma tunisien. Les rues de la périphérie de Tunis sont baignées d'une nuit persistante qui colore les humeurs et altère les esprits. C'est à l'heure où les chiens hurlent avec les loups que Jilani Saadi entrechoque les destins de jeunes traînards. Parmi eux, Stoufa est fréquemment raillé et humilié par la bande de copains qu'il fréquente. Avec sa grande carcasse, ses yeux rêveurs et acharnés, il ne peut empêcher que la bande de désoeuvrés viole, par un enchaînement de gestes fatals, une jeune prostituée en transit de client. Mais la belle a la dent longue et c'est sur Stoufa qu'elle décide d'abord de se venger. La vengeance vire au duel. La course-poursuite entre le souffre douleur et la séductrice frôle le duo. Ils se provoquent, ils s'attirent. Ils se fuient, ils se désirent. Ils se jouent, ils se vengent.
Les étincelles de l'amour allument chez Stoufa des espoirs d'émancipation insensés tandis qu'autour du couple improbable, les intérêts s'aiguisent. Dans les rues noires, les bars nocturnes, les courses improvisées, c'est la fièvre, la frustration, la misère qui s'impriment en négatif. La caméra cadre les mouvements désordonnés des protagonistes comme pour souligner le désordre affectif des jeunes Tunisiens. Quelques envolées lyriques surgissent aux sons des accents de Cesaria Evora dont les chansons font rêver le héros. Ce personnage singulier, peu attachant et presque pathétique, est interprété par l'acteur principal de Khorma, Enfant du cimetière, premier long métrage de Jilani Saadi en 2002. À ses côtés, le réalisateur emploie avec profit la belle Anissa Daoud qui trace son chemin dans le cinéma tunisien. Le montage sensible de Nadia Ben Rachid, experte sur nombre de fictions locales, permet à l'action de couler inexorablement ou de se heurter au rythme des passions des héros. Tendresse du loup résonne alors comme une fable sur la férocité des désirs.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

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