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Sitakili, sous le poids de la dictature
Guimba, de Cheick Oumar Sissoko (Mali)
critique
rédigé par Sitou Ayité
publié le 26/10/2007

L'abus de pouvoir est un phénomène aussi vieux que le monde dans plusieurs pays d'Afrique. Chacun a sa manière de le dénoncer mais le cinéaste Cheick Oumar Sissoko a choisi de s'exprimer à travers son chef d'œuvre Guimba. Guimba qui donne en même temps son titre au film est le grand tyran de la ville de Sitakili. Quoique le spectateur soit tiré vers l'idée du mariage forcé qui est aussi un grand thème d'actualité en Afrique, le contexte choisi par Cheick Omar Sissoko se centre plutôt sur l'injustice qui émane de la dictature. Ce n'est pas pour rien que le réalisateur précise au début de cette fiction que son film est destiné à l'Afrique vu que l'autocratie n'y a pas encore trouvé une voie de sortie.
Guimba incarne chaque dictateur africain. Comme un voile qui couvre le visage et empêche de voir, Guimba s'est couvert les yeux pour plus de la moitié du film. Ce style du réalisateur à montrer comment les tyrans se cachent derrière "le masque" du pouvoir et l'utilise comme ils veulent est très réfléchi. Guimba s'est refusé de voir le "soleil de la démocratie". Aucun autre moyen que la force n'est capable de venir à bout d'un dictateur. Il est vrai qu'un griot détient aussi une sorte d'autorité en Afrique, mais le pouvoir attribué par le cinéaste au griot Samboo (interprété par Habib Dembélé) est déficient. On le retrouve dans Macadam Tribu dans un rôle similaire avec plus d'autorité. Dans Guimba, la délivrance se passe hors de Sitakili et sans bain de sang. Tout le monde aurait voulu que l'hégémonie qu'endurent la plupart des pays africains soit solutionnée par la méthode qui épargne la population d'une hécatombe. Le cinéaste en tout cas a trouvé sa méthode et c'est ce qui fait la différence avec les autres films qui traitent du même sujet.
"Les choses grandioses effrayent les rivaux" dit promptement Guimba à son fils. Méya (la mère) et Kani (la fille) interprétée par Mouneïssa Maïga sont les fruits défendus convoités par Guimba et son fils Janginé. C'est cette convoitise qui pousse le tyran à mettre en exil Mambi (père de Kani et époux de Méya) qui refuse de céder au chantage. Cette fiction se joint à la vague des œuvres artistiques qui dénoncent plusieurs aspects de la dictature. Le réalisateur utilise souvent la métaphore pour véhiculer son message. La scène de coups de fouet dans le dos nu des esclaves qui confirment la tyrannie africaine face à ses victimes démunies en est un bel exemple.
Guimba non seulement est un tyran mais a aussi le rôle de maître du temps. Cette force, il la doit au "bilikinti", son fétiche. Bien que ce soit un fétiche mis au service des forces du mal, on tombe quand même sous le charme des effets spéciaux quand on voit Guimba faire tomber la nuit en plein jour pour embrouiller ses ennemis.
Le bien finit toujours par triompher du mal, dit on souvent ! La preuve est que le "bilikinti" de Guimba a été impuissant devant les tours du vieux chasseur Siriman choisi par Mambi dans la confrérie des chasseurs pour délivrer Sitakili.
Un autre aspect qui fait la force de ce film (à part l'histoire mise en scène) est le décor et le costume. Dans ce cocktail on trouve la main du costumier Kandjoura Coulibaly. On se laisse entraîner par la beauté de l'image. Le réalisateur s'est totalement démarqué d'une quelconque acculturation.C'est un film où il n'y a aucune colonisation culturelle. Il a eu d'ailleurs l'Étalon d'or de Yennenga en 1995.

Sitou Ayité

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