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Révolution et émotion
Thomas Sankara, l'homme intègre, de Robin Shuffield (France)
critique
rédigé par Dieudonné Motchosso Kodolakina
publié le 28/10/2007

Le vingtième anniversaire de la tuerie de l'ex-chef d'Etat Burkinabé, Thomas Sankara, suscite moult réactions et manifestations. À cette occasion, le film Thomas Sankara, l'homme intègre fait davantage, plus qu'à sa sortie, objet d'attention. Funeste 15 octobre. Quatre années seulement passées au pouvoir, ont suffit à faire du "camarade Sankara" une légende. Sans doute du fait de ses idées consacrées uniquement, et peut-être trop, à l'égalité entre tous les hommes, à la parité du genre, aux droits pour tous à l'éducation, à la promotion de grands travaux et des sports de masse…Au fil de ce documentaire, l'on est séduit par un chef d'Etat qui se distingue à peine de ses proches comme du peuple, si ce n'est par ses propos chargés d'une verve forte accompagnée souvent de grands mouvements de bras et d'une convaincante expression du regard. Le message est souvent bien perçu. Manches retroussées, les populations font entendre les bruits des truelles, des pelles, … et de leurs gros bras très valides. L'appel de "Tom Sank" à "… produire, transformer et consommer en Afrique…", rencontre et remporte très souvent des suffrages très favorables au-delà des frontières de son pays. En témoigne par exemple la salve d'applaudissements qui a rythmé et accompagné son intervention à un sommet des chefs d'Etat de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) aujourd'hui Union Africaine. Nous sommes entre 1983 et 1987, en pleine guerre froide, avec un monde à double visage. Les influences directes ou inconscientes d'un chef d'État Africain pour tel ou tel autre bloc sont certaines. L'idéal communiste est bien celui par lequel jurait le jeune chef d'Etat. Son admiration, en outre pour Che Guevara ne se démentait pas.
Jean Ziegler, rapporteur auprès de l'ONU, en parle dans ce film, évoquant presque la prémonition de Thomas Sankara de mourir comme le Ché. Curieux. Comme deux atomes crochus, les deux sont décédés en la fleur de la vie presque au même âge. Leurs disparitions tragiques, se célèbrent dans le même sillage temporel.
La révolution de Sankara vite tournée en émotion d'un décès surprenant, traverse les années et se dissémine jusqu'à la décennie actuelle. La révolution n'est pas terminée avant sa mort, c'est sûr, mais le film de Robin Shuffield peut résister à l'usure habituelle du documentaire, pour donner des atouts à l'entretien et à la survie des idées de cet homme qui continue par hanter les débats. La poussière de Ouagadougou qui se soulève et décore ce film d'image en image, confie une beauté diaprée à ce documentaire. Du fait du personnage de Sankara ici très dominé par son destin, la réalisation de Shuffield fait disparaître les frontières entre le vrai et l'imaginaire. L'on est loin d'oublier ces belles images d'un ciel ouagalais rougi et du paysage désertique qui s'étend à perte de vue. Enfin ce film double le regard de consternation et d'interrogations, puisque Blaise Compaoré, remplaçant et successeur de Thomas Sankara, que des bruits accusent à tort ou à raison, de ce meurtre, intervient dans ce film, le visage candide et blanc d'émotion en disant "j'ai perdu un ami…". La question de la vérité se pose. Qui a tué Sankara alors ?

Dieudonné Korolakina

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