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Festival de cinéma d'animation africain de Ouagadougou (25 - 31 octobre)
critique
rédigé par Emmanuel Sama
publié le 02/12/2007

La 2ème édition du Festival de cinéma d'animation, "Les toiles animées", s'est déroulée du 25 au 31 octobre, au Centre culturel français de Ouagadougou. Sa tenue cadre, cette année, avec la célébration le 28 octobre de la journée mondiale du cinéma d'animation.

Le Burkina Faso est devenu, avec la présente édition du festival "Les Toiles animées", le 50ème pays à célébrer la journée du 28 octobre, lancée en 2004 par l'Association Internationale du Film d'Animation (ASIFA).
Elle commémore la date de la grande première de ce qui est considéré comme le premier dessin animé, "le Théâtre optique" de Emile Reynaud, en 1892, au Musée Grévin de Paris.

Le Festival prend son envol

Le cinéma d'animation, convenu comme étant le 8ème art, sur le continent africain est encore au stade des premiers balbutiements.
Le 8ème art ne fait toujours pas l'objet d'un grand intérêt des réalisateurs malgré son immense public. Ils sont seulement une poignée à s'y adonner dont l'un des non moins doyens du 7ème art, le Nigérien Moustapha Alassane, pionner du cinema d'animation en Afrique subsaharienne.
Le Festival international du cinéma d'animation d'Annecy (France) considéré comme le plus prestigieux du monde lui a rendu hommage en 1993.
Les dessins animés de Moustapha (Adieu Sim, Agaïssa Soolo) ainsi qu'une bonne partie de son équipe technique dont son fils Razak étaient à Ouagadougou.
Venus du Togo et de la Guinée, Parfait Koffi et Mariama Camara, l'un jeune producteur qui veut se lancer dans le dessin animé et l'autre en quête de films d'animation pour les 1ères Rencontres Cinématographiques de Guinée (RECIG) prévues courant novembre.
Le festival a accueilli des invités de marque à cette édition. De ceux-là étaient : Gaston Kaboré, passé au 8ème art sur les œuvres de la Canado-burkinabèe, Cilia Sawadogo, coproduites par Cinécom, Enzo D'Alo, l'une des grandes figures du dessin animé italien, et l'écrivain-scénariste Pierdominico Baccalario, Jean Pierre Tardivel, un vétéran du cinéma d'animation français à la découverte des "mystères" de l'Afrique.
Ces réalisateurs concoctent un projet de développement du cinéma d'animation africain.

La directrice artistique des "Toiles animées", Monica Blanc Gomez et son équipe de "Veenem films" composée de jeunes réalisateurs burkinabès formés, pour la plupart, par l'Atelier Graphoui de Bruxelles, encouragés par ces présences et surtout par l'afflux du public, sont optimistes quant à l'avenir du festival.

Un cocktail de plaisirs
Le Cru 2007 des "Toiles animées" était à l'honneur des cinémas d'animation de l'Est (Russie, Hongrie) et d'Italie. Les programmes de courts métrages, de clips et de bandes-annonces africains ont apporté leur touche à ce festin de plaisirs exquis que seul peut offrir le film d'animation. Toutes les parties du continent étaient représentées. L'Afrique du Nord, plus avancée dans le domaine de l'animation (Algérie, Maroc, Tunisie), l'Afrique de l'Ouest (Bénin, Burkina Faso, Niger), l'Afrique centrale et de l'Est (Ouganda, RDC, Kenya, Tanzanie) et Australe (Afrique du Sud). Les longs métrages européens ont prolongé ces moments de détente amusée.
La soixantaine de films dévorés par un public friand de tous les âges a embrassé tous les genres et les techniques variées du cinéma d'animation: dessins, peinture, papiers collés, marionnettes, ombres chinoises, pâtes à modeler, le 2D, le 3D.
Le temps du festival aura été une école d'initiation et de découverte du monde magique des contes et légendes des deux hémisphères réunis par l'art d'enchanter. À côté des films destinés au jeune public figuraient des œuvres beaucoup plus philosophiques, des satires quelque peu violentes ou coquines, compréhensibles à un deuxième niveau par des spectateurs mâtures.
Le fossé est grand entre les techniques employées dans les œuvres du Maghreb et d'Europe et la débrouillardise avec les matériaux locaux des jeunes réalisateurs burkinabès. Ils représentent - avec leur compatriote de l'école canadienne, Cilia Sawadogo, dont les œuvres coproduites par CINECOM sont plus achevées - la génération des précurseurs du 8ème art burkinabé naissant.

ETATS DES LIEUX ET PERSPECTIVES
Après le déclin du cinéma égyptien, qui en était le plus grand producteur, le 8ème art africain connaît un essor silencieux sous l'ombrage du 7ème. L'Afrique du Nord a une production régulière et en constant progrès technique grâce aux structures qui se créent et à des écoles de formation spécialisée, (ISCA, INBA, Art'Com au Maroc).
Au Burkina Faso, l'Atelier Graphoui de Bruxelles, en partenariat avec la Direction de la cinématographie nationale (DCN), a formé, à partir de 1997, une dizaine de jeunes.
Aujourd'hui, regroupés dans "Veenem Films" de Monica Blanc Gomez, certains d'entre eux se battent pour produire, après l'échec de leur expérience associative au sein de "Yelboundi".
En Côte d'Ivoire, des formations de courte durée sont dispensées depuis 2004, au CICA et à l'INSAAC d'Abidjan. Au Ghana, le National Film and Television Institute (NAFTI) dispose de modules dans le domaine de l'animation. En Afrique de l'Est, les ateliers de Africa animated à Naïrobi, au Kenya, se déroulent chaque année durant six semaines. La création des studios "Pictoon" à Dakar vers la fin des années 90 avait donné l'espoir d'un décollage du grand dessin animé en Afrique subsaharienne. En rupture avec cette société, de jeunes réalisateurs sénégalais, venus de la peinture, tentent de relever le défi de la production avec des œuvres présentes à ce festival.
Une grande rétrospective du cinéma d'animation africain tenue au Festival d'Annecy en 1993 avait permis d'évaluer à une centaine le nombre de réalisateurs, à 163 le nombre de films et à 7 celui des séries réalisées sur le continent. En 2003, plus de 1000 films ont été recensés sans pour autant qu'ils entrent dans les grilles des télévisions nationales.
Le bond quantitatif doit aller de pair avec l'amélioration technique pour ouvrir les grilles des programmes TV au cinéma d'animation Made in Africa.
Jean Pierre Tardivel, tout en étant séduit par le talent des jeunes réalisateurs burkinabès, constate que "malheureusement leur cinéma d'animation n'est pas développé d'une manière suffisamment professionnelle, mais grande est leur volonté de se perfectionner".
Un ambitieux projet de formation d'une quarantaine de dessinateurs coordonné par l'institut Imagine suit son cours. Le festival "Les Toiles animées" 2007 a permis à ses acteurs de se retrouver et de travailler à son aboutissement courant 2008.

Emmanuel SAMA
Journaliste-critique de cinéma
CNC-BF

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