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Amiens, véritable maillon entre l'Afrique, l'Amérique latine et l'Europe
La 27ème édition du FIFA se termine sous le signe de l'ouverture
critique
rédigé par Mohamed Bensalah
publié le 27/12/2007

Encore une fois, l'Algérie se taille la part du lion dans une manifestation cinématographique d'envergure internationale, aux côtés de l'Afrique sub-saharienne, de l'Amérique latine et de l'Asie : pas moins de dix films au programme (1), pour la plupart des inédits, accueillis chaleureusement par un public curieux et enthousiaste.

L'Algérie invitée de marque au 27ème FIFA (Festival International du film d'Amiens) : une participation à la hauteur de l'événement. Une programmation riche et diversifiée. Des témoignages bouleversants, des films élégants et bien réalisés qui donnent le désir de vivre des émotions et des plaisirs esthétiques, tout l'apanage du cinéma. Le mérite revient à un passionné de cinéma, natif d'Algérie, Jean Pierre Garcia, président du Fifa qui, chaque année, ne cesse de prôner " L'ouverture aux autres" non comme un leitmotiv, mais comme un véritable cordon ombilical qui se combine avec une attention toute particulière en direction d'un public diversifié, qui n'a que rarement accès au cinéma mondial de qualité, et encore moins aux cinémas du Sud, de l'Est et de l'ouest, marginalisés à outrance.
Créé en 1980, le FIFA d'Amiens (très jolie petite ville ancrée au cœur de la Picardie, une région au prestigieux passé historique et culturel) est aujourd'hui l'espace privilégié consacré au 7ème art, le carrefour des échanges culturels internationaux. L'objectif des organisateurs de cette manifestation qui souffle cette année sa 27ème bougie, est de rendre visible en Europe, les cinémas d'ailleurs, du Sud, de l'Est, de l'Ouest et notamment, des pays arabes, africains, latino-américains et asiatiques afin de contribuer à leur promotion. Véritables découvreurs de talents, les organisateurs du Fifa ont à cœur de faire partager leur engouement pour les films rares et de qualité. En donnant un coup de pouce à cette cinématographie particulière, le Fifa essaie d'assurer la diffusion d'œuvres intéressantes, à même d'émouvoir et de séduire un public pour qui, très souvent, un festival est l'unique occasion de contact avec ces cinématographies lointaines.
En 27 années, combien de cinéastes du Maghreb, d'Afrique sub-saharienne, d'Afrique du Sud, des Afro-américains et d'Européens d'origine africaine, résidant à l'étranger ont, grâce à ce festival, pu montrer leurs films et se faire connaître. Malgré l'offre étonnante et foisonnante de films réalisés cette année, rares sont les productions qui arrivent à franchir les salles de spectacles européennes. Et pourtant, et tous les participants à ce 27ème rendez-vous peuvent le confirmer, les films issus des quatre coins du monde, d'une pertinence rare et d'une qualité irréprochable, constituent une fenêtre authentique sur le monde qui va à l'encontre de tous les stéréotypes véhiculés par nombres de films opportunistes et rétrogrades.
Foisonnement de films, moisson d'idées
Une moisson de projections de films, des œuvres riches et passionnantes, des hommages aux cinéastes, aux réalisateurs, aux acteurs, aux auteurs, des projections et des ateliers de formation pour les jeunes, une bourse d'aide à l'écriture, bref, une excellente cuvée, beaucoup d'émotions et des projets en gestation. Samuel Benchétrit, Djamel Bensalah, Enrique Fernandez, Michael Wilson et d'autres n'ont pas hésité à faire le déplacement vers Amiens. Étaient également de la grande fête du cinéma, parmi les 300 invités, artistes et journalistes venus, du monde entier, couvrir l'événement, de grandes stars, telles Betsy Blair, épouse de Gene Kelly, Isabel Sarli, la diva des Latino-Américains. D'autres vedettes de l'écran comme Richard Bohringer, dont on connaît la verve, l'engagement et la générosité pour les causes justes aux côtés des peuples d'Afrique, Danny Glover, venu des États-Unis et Sotigui Kouyaté, du Burkina Faso, sont venus de loin rendre hommage au pionnier du cinéma africain, Sembène Ousmane, dont la plupart des films furent programmés.
Aujourd'hui, le rendez-vous a pris fin. Les salles ont baissé leurs rideaux. La plus importante des manifestations culturelles en Picardie (par le nombre de spectateurs - plus de 70 000 -, mais aussi par le nombre de films proposés - près d'une centaine, dans dix salles de cinéma dont 14 en compétition - s'achève. Les hôtes prestigieux, tels René Vautier, le "Papa" du cinéma algérien, venu présenter le premier film anti-colonial du monde Afrique 50, réalisé en 1950. La rencontre inoubliable cette année avec cette personnalité marquante du 7ème art, ce véritable militant au passionnant parcours fut un des moments forts du festival. L'autre moment fort fut l'hommage, unique dans le monde, rendu au plus illustre des cinéastes africains, Sembène Ousmane. Mahama Johnson Traoré, Thérèse Mbissine Diop, Abderrahmane Sissako et combien d'autres sont venus saluer le plus grand des cinéastes d'Afrique. Tous ces invités de J P Garcia sont repartis en laissant de bons souvenirs derrière eux.
Amiens, devenu le temps d'un festival, le carrefour mondial du 7ème art, grâce à ses écrans magiques sur lesquels se sont reflétées les images issues des quatre coins du monde, a su faire partager son plaisir au plus grand nombre. Les Picards ne sont pas prêts d'oublier ces merveilleuses journées consacrées au cinéma. Si l'essentiel de l'activité du festival a eu pour cadre la maison de la culture, les organisateurs ont tenu également à associer à cette grande fête du cinéma, la périphérie de la ville ainsi que les villes et villages avoisinants pour qui "l'aventure" va se poursuivre.
Programme exceptionnel et invités de marque
Le programme exceptionnel proposé, qui ne correspondait pas toujours aux critères habituels des manifestations cinématographiques, tant du point de vue genre, que du point de vue forme, ou provenance géographique, a permis de rassembler des auteurs avec leurs films et de mettre en lumière des œuvres significatives, qui avaient le mérite d'attirer l'attention du grand public, lequel n'a pas hésité à faire chaque jour le déplacement vers les salles de projection. Véritable invite donc au dialogue avec des hommes et des femmes qui font le cinéma, le festival aura permis aux auteurs des douze films en compétition de présenter et de débattre de leurs films. Le jury présidé par le réalisateur italien Mario Brenta n'a pas eu la tâche facile pour décerner la Licorne d'Or (2), prix doté d'une aide à la distribution de 7 500 euros, d'une campagne promotionnelle d'une valeur de 25 000 euros sur les chaînes Ciné Cinéma et d'une aide au sous titrage d'une valeur de 2 500 euros. A côté de ce prix prestigieux, d'autres distinctions ont également été accordées, par l'école de cinéma, La FEMIS, par Signis, par la maison d'arrêt d'Amiens, par des enfants et par le public(2).
Aux côtés des professionnels, le 12ème fonds d'aide au développement du scénario, créé par le festival et soutenu par le MAEE, le CNC, le CCM, la Fondation Groupama Gan pour le cinéma et le Conseil régional de Picardie, a distingué cette année, parmi 110 candidats, cinq bourses d'un montant de 7 500 euros chacune(3). Durant le festival s'est tenue la 18ème rencontre professionnelle sur le droit d'auteur et les financements des cinémas et de l'audiovisuel du Sud. Cette table ronde a réuni cette année les partenaires institutionnels (UE-ACP, CNC, MAE, OIE…) et les professionnels du Sud. Autre rendez-vous d'importance, en collaboration avec le festival del Ciné Africano de Tarifa (Espagne), le Cinéma en mouvement. Ce rendez-vous d'importance permet aux cinéastes du Maghreb, du Moyen Orient et de l'Afrique Lusophone de concrétiser des projets de longs-métrages en fin de tournage ou en phase de postproduction. Il nous faut enfin signaler le projet Babylon en gestation, un nouveau mécanisme, avec comme but d'apporter une aide aux créateurs européens.
Originalités formelles et narratives
Le programme de films, mis sur pied cette année par les organisateurs, a connu un gros succès. L'intérêt du public, heureux de découvrir le monde lointain par les images et les sons, était manifeste. Aux côtés des longs et courts métrages en compétition, les diverses sélections ont offert une occasion exceptionnelle de se rendre compte de la valeur du documentaire, genre riche, inventif, et diversifié. Autour de quelques coups de cœur et regards marquants, le programme quelque peu éclectique venant d'Argentine, du Mexique et du Chili, n'a pas laissé indifférent. Regards acerbes de cinéastes sur leur société, les films latino-américains présentés à Amiens ont donné à voir un continent en pleine renaissance, bien différent de celui que l'on a connu à ce jour.
Toutes les originalités formelles et narratives ont trouvé leur place à Amiens. La thématique des œuvres proposées se déclinait sous toutes les formes. On était loin des cliches éculés désuets. La sélection se voulait être une fenêtre ouverte sur le monde, et plus particulièrement sur les cinéastes africains dont les œuvres marquantes franchissent difficilement la rampe des circuits commerciaux. L'ensemble des films choisis par le jury de sélection est révélateur de cette diversité et de cette originalité. En l'espace d'une dizaine de jours, le festival a fait de la Maison de la culture un lieu de rencontres privilégiées, tant pour le public d'Amiens que pour les professionnels du 7ème art qui ont pu découvrir, dans un climat particulièrement convivial une moisson extraordinaire de films de tous horizons, pour la plupart inédits, ainsi que des hommages, des rétrospectives, des expositions, des activités pédagogiques, et bien sûr, des fêtes multiculturelles qui font la couleur du festival.
Parallèlement aux projections, les débats furent nombreux avec le public, animés par des spécialistes du 7ème art. En présence de Betsy Blair, Gilles Laprévette et Michel Ciment (Revue Positif), l'œuvre de Karel Reisz fut décortiquée. Catherine Ruelle, journaliste à RFI, grande spécialiste des cinémas d'Afrique a présenté l'œuvre de Sembène Ousmane (l'homme révolté, l'écrivain et le cinéaste) en présence de nombreux amis du défunt. Enfin, Jean Louis Comolli, le critique et cinéaste a, en collaboration avec la Société française d'Anthropologie Visuelle, animé une série de rencontres et de projections de films. S'ils montrent qu'ils s'intéressent prioritairement aux anciens, les organisateurs ont bel et bien donné la preuve qu'ils étaient à l'écoute des nouvelles générations d'artistes du cinéma.

Une correspondance d'Amiens de Mohamed Bensalah

(1) L'Algérie, son cinéma et moi, de Larbi Benchiha, Algérie, tours et détours de Leïla Morouche et Oriane Brun-Moschetti, Ca tourne à Alger de Salim Aggar, Ils ont choisi l'Algérie de Jean Asselmeyer, Lifet met de Nadia Bouberkas et Mehhmet Arikan, Messali Hadj de Benny Malapa, Portraits d'union de Rachid Mérabet et Manu Richard, L'Autre moitié de Rolando et enfin, en compétition (LM), Algérie, histoires à ne pas dire, de Jean Pierre Lledo, ancien titre Ne reste dans l'oued que ses galets.
(2) Voir Palmarès.
(3) Sur la planche de Leïla Kilani (Maroc), L'œil du cyclone de Luis Marquès et Sékou Traoré (Burkina Faso), Et il y eut un matin de TewfiK Abu Wael (Palestine), De l'huile d'Olive, de Ammar Al Beik (Syrie) et enfin L'exil et le Royaume de Andreï Schtakleff et Jonathan Le Foum (France).

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