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Le Festival International du Film Amazigh (FIFA) est né
Prochaine escale : Sidi Bel Abbés
critique
rédigé par Mohamed Bensalah
publié le 11/01/2008

La classification internationale vient d'être accordée par Le Ministère de la Culture au FESTIVAL CULTUREL NATIONAL ANNUEL DU FILM AMAZIGH, qui désormais, prend comme nouvelle appellation : "FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM AMAZIGH" (FIFA).
Après des décennies d'efforts et de persévérance, la cinématographie algérienne dessine ses contours dans le nouveau paysage culturel qui se met en place.

Aux structures de gestion et d'animation cinématographiques (Centre National du Cinéma et de l'Audiovisuel, Institut Supérieur des Métiers des Arts et du Spectacle, relance des ciné-clubs…), sont venus s'ajouter de nouveaux projets de festivals dédiés au 7ème art (Tlemcen, Oran "capitale du cinéma arabe"…), des rencontres prestigieuses (telle "Alger capitale de la culture arabe"…) et diverses activités culturelles à travers l'Algérie… Tout cela, offrant une impulsion au cinéma et à l'audiovisuel algérien. 2007 s'inscrira dans le calendrier cinématographique comme une année exceptionnellement faste (avec environ une soixantaine de films et de téléfilms). Espérons que, de ces frémissements passionnés, renaîtra le phénix de ses cendres.
Au lieu de se lamenter au chevet d'une cinématographie nationale malade, au lieu de se perdre en conjectures sur les raisons de la désaffection du secteur audiovisuel, au lieu de cultiver regret et nostalgie sur les heures de gloire passées, certains cinéphiles téméraires ont préféré aller de l'avant, tracer des pistes et redonner au cinéma amazigh en particulier, et à la culture cinéphilique nationale en général, leurs lettres de noblesse. Considérant que le 7ème art, produit d'une création artistique spécifique, instrument de pédagogie culturelle et moyen d'éducation de la sensibilité et du goût dans le domaine artistique, pouvait être aussi un puissant vecteur d'information, de conscientisation et de communication, les promoteurs de l'idée de rencontres autour d'un cinéma d'expression spécifique, sous l'égide du Haut Commissariat à l'Amazighité, étaient loin de se douter que leur obstination allait être un jour récompensée. Après Alger (Juin 1999), Tizi-Ouzou (Octobre 2000), Oran (Septembre 2002), Bobigny (Octobre 2003), Annaba (Juin 2004), Ghardaïa (Décembre 2005), Tlemcen (Janvier 2007), et Sétif cette année, le Festival Culturel National Annuel du Cinéma Amazigh (FCNAFA) a fini par s'imposer.
Difficile de parler de ces rencontres, tant elles sont magiques. Elles ne se racontent pas. Elles se vivent. Tel un feu clair, comme le cinéma sait en provoquer, ce 8ème rendez-vous du 7ème art va, en plein centre de l'agora sétifienne, autour de l'emblématique fontaine magique d'Ain Fougara, transformer le froid glacial en un buisson ardent où fraternité sans faille, connivence et complicité se lieront inextricablement. La capitale des Hauts Plateaux a tenu son pari. Dans cette ville si attachante, si accueillante, l'expression cinématographique amazighe va se frayer un chemin royal.
Encouragé par le succès très relatif des premières éditions, le petit groupe de battants autour du cicérone, Si El Hachemi Assad, dont la puissance de travail ne cesse d'impressionner, est résolu à aller de l'avant, en cessant de faire croire que le cinéma et ceux qui l'exercent sont maudits dans notre pays, et que tout effort ne peut être que vain. Allant donc à contre courant du pessimisme ambiant, quelques téméraires s'engagèrent avec ardeur dans l'action pour la promotion de la culture amazighe véhiculée par le film. La qualité des films d'expression amazigh en compétition venus de tout le Maghreb, la notoriété des membres du jury cette année international, les diverses activités parallèles aux projections, prouvent, à l'évidence, que le cinéma national est à même de sortir du sous développement. D'une édition à l'autre, la preuve est donnée qu'il est possible de trouver en Algérie, toute proportion gardée, un certain nombre de talents qui ne demandent qu'à se perfectionner et à s'épanouir. La promotion de la diversité linguistique, composante essentielle de sa diversité culturelle, passe par le partage des valeurs communes, au premier rang desquelles se trouvent l'ouverture et le respect des autres langues et des autres cultures.

La chance de l'Algérie : être, tout à la fois, multiple et diverse

Son amazighité - est-il besoin de le rappeler - ne se résume pas à l'usage de la langue amazighe, à travers toutes ses variantes (mozabite, tergui, chaoui, kabyle, chleuh etc.). Aujourd'hui, si l'émergence d'une expression cinématographique amazighe spécifique ne fait plus de doute, il reste cependant à souligner que la réhabilitation de l'identité amazighe, langue, culture et traditions, exige encore des efforts soutenus. Elle implique tout à la fois, que la production littéraire et artistique puisse se diversifier, s'étoffer et se multiplier, et également que le public ait accès à toutes les œuvres culturelles dans ses langues nationales. Cela, pour l'heure, n'est guère évident en ce qui concerne l'art cinématographique. La production reste très limitée et la diffusion relève du miracle. Enfin, ce qui semble également important parallèlement à la production, à la diffusion et à la circulation des œuvres culturelles sous tout support, c'est la préservation, donc l'assurance de la pérennité de ce capital culturel.
"L'objectif du festival est de présenter la production filmique nationale et internationale sous une optique culturelle, artistique et sociologique. Il se veut aussi le reflet des expressions nationales dans leur diversité de mosaïques et le signe visible de notre attachement à toutes les expressions qui composent notre personnalité, notre mémoire et notre histoire", dira en substance la ministre de la culture, Khalida Toumi. Un premier grand pas a été franchi: l'institutionnalisation du Festival Culturel National Annuel du film amazigh (FCNAFA) a été salvatrice. La culture cinématographique constitue, qu'on le veuille ou non, l'une des actions phare pour la promotion de la diversité linguistique et culturelle. Les cinéastes amazighophones, qui la promeuvent et qui la mettent en œuvre dans leur travail, disposent aujourd'hui de créneaux de création et d'expression spécifique qui, jusqu'à lors, faisait cruellement défaut. Le Fcnafa a aujourd'hui pignon sur rue. Le Siège permanent obtenu au sein de la BNA (Bibliothèque Nationale d'Alger), et cela grâce au soutien actif de son DG, constitue le cadre idoine de débats, tout en permettant l'organisation de rencontres, séminaires et autres tables rondes qui prolongeront les activités engagées durant le festival.
Conçues au départ dans les limites strictes des missions imparties au HCA, dans le principe de la promotion et de la réhabilitation de l'Amazighité dans toutes ses dimensions, les premières rencontres n'avaient suscité que peu d'engouement. Redoublant d'efforts, les organisateurs poursuivirent leur mission sans trop se soucier des critiques acerbes et des jugements sévères qui ont failli faire chavirer leur projet. C'est finalement à Annaba que l'acte de naissance du "Festival" fut confirmé. L'actrice et réalisatrice, Djamila Amzal, fut la première à se voir décerner le premier grand prix pour son film intitulé : "Le tuteur de madame la ministre". Depuis, on peut, sans risque de se tromper, dire que la rampe a été franchie.
Avec Taggara L Ejnun (La Fin des Djins), Chérif Aggoun, Cri de pierre et La Colline oubliée de Abderrahmane Bouguermouh, La montagne de Baya de Azzedine Meddour, Machaho de Belkacem Hadjadj, M'hand U M'hand de Rachid Benallal et Yazid Khodja, premiers jalons, le cinéma d'expression amazigh commençait à tracer sa voie. Depuis lors, il ne cesse de s'étoffer et de s'améliorer, non seulement du point de vue thématique et linguistique, mais également du point de vue technique, narratif et esthétique. Trop longtemps ignorée, l'amazighité à l'écran a fini par émerger au grand jour. Son incursion, remarquable et remarquée ces dernières années sur la scène nationale et internationale, ne peut que constituer un plus pour la cinématographie nationale.

L'amazighité à l'écran : une invitation au voyage

Si à Tlemcen, le cinéma d'expression amazigh a réussi à prouver son professionnalisme, à Sétif la barre a été encore relevée de quelques crans. Les films (long-métrages, court-métrages et documentaires) programmés durant cette 8ème édition sont de haute facture. Nul doute que le Jury [NOTE 1] qui doit décerner l'"Olivier d'Or" n'aura pas la tâche facile pour distinguer les lauréats.
Parallèlement aux projections de films en, ou hors, compétition, sont chaque année, mises en place plusieurs activités connexes, dont des ateliers de sensibilisation et d'initiation à l'image fixe et animée, ouverts aux enfants, aux adolescents, des formations aux métiers du cinéma, destinées aux étudiants, aux amateurs du 7ème art et au grand public sans exclusive, des conférences-débats autour de "La Critique cinématographique", destinées à la presse nationale et des colloques internationaux. L'an dernier, le séminaire national portait sur "Les rapports littérature/cinéma", encadrés par des nationaux et des partenaires professionnels étrangers. Cette année est prévu, durant deux journées, un colloque international ayant pour thème : "Images, imaginaire et histoire. Procédés d'écriture et représentations idéologiques" [NOTE 2]

Dès la 1ère édition, le FCNAFA s'est fixé pour objectif de faire connaître les autres cinémas du monde. Après les cinémas libanais (en présence d'Eliane Raheb, de Cynthia et de Dimitri Khodr) et irlandais (en présence d'Edith Pieperhoff, de Tony Langlois, de Desi Wilkinson et de Sean Corcoran…) qui étaient à l'honneur les années précédentes, cette année un hommage particulier sera rendu au cinéma suisse (en présence d'une quinzaine de cinéastes et d'acteurs invités) et au cinéma marocain (représenté par une dizaines de réalisateurs).

Les citoyens des périphéries de la ville ne seront pas oubliés puisque le cinéma va aller vers eux, grâce au Ciné Bus mis à leur disposition par le CNCA. Parmi les 400 participants attendus, des jeunes stagiaires (écoliers et étudiants) vont participer aux divers ateliers, tables rondes et activités de formation. La revue de cinéma, "Asaru-Cinéma", présentera à cette occasion ses derniers exemplaires. Le Crasc (Centre de Recherche en Anthropologie Sociale et Culturelle) animera une exposition vente de ses ouvrages en relation avec les thèmes du colloque.
Le rythme d'évolution très rapide et l'ampleur grandissante de la manifestation nécessitent davantage de moyens humains, matériels et financiers. L'évènement culturel cinématographique phare, aujourd'hui autonome, a besoin d'une plus grande implication des autorités départementales et locales pour maintenir son itinérance à travers le territoire national. Son institutionnalisation, cette année, lui a permis de prendre son envol. Reste aux pouvoirs publics et à la société civile de s'impliquer un peu plus afin que le Festival du film amazigh algérien puisse se mouvoir dans la cour des grands.

Mohamed Bensalah

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