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AFRICAMANIA. La Cinémathèque française se penche sur la distribution
Promotion du cinéma africain
critique
rédigé par Moussa Bolly
publié le 04/02/2008

Pendant deux mois (du 17 janvier au 17 mars 2008) le cinéma africain, dans toute sa splendeur, sera à l'affiche à la Cinémathèque française (Paris). Dénommé Africamania, cet évènement marque la première rétrospective de 50 ans de cinéma africain en France.

Essayer de comprendre pour quelle raison historique le cinéma africain a été délaissé par les grands festivals ! Voilà l'un des nobles objectifs visés par Africamania. Une initiative d'autant pertinente que le cinéma africain n'a pas toujours la place qu'il mérite sur les écrans et dans les festivals d'aujourd'hui. Ainsi, pendant deux mois (du 17 janvier au 17 mars 2008), d'illustres invités (cinéastes, acteurs, producteurs, distributeurs, diffuseurs, responsables d'institutions publiques) vont se pencher sur l'avenir du cinéma africain, notamment son financement et sa distribution internationale, à travers des tables rondes, des leçons de cinéma, des présentations de films suivies de débats.
Il s'agira, à travers plus de 80 films (76 longs métrages et 32 courts-métrages) en provenance de 25 pays, de retracer l'histoire du cinéma africain depuis la décolonisation, d'identifier ou d'en redécouvrir les grands auteurs (Sembène Ousmane, Désiré Ecaré, Djibril Diop Mambéty, Souleymane Cissé, Cheick Oumar Sissoko, Gaston Kaboré…) et d'affirmer l'originalité et la puissance d'un continent cinématographique.
La rétrospective sera dédiée au célèbre Ousmane Sembene, arraché à notre affection le 9 juin 2007. Elle s'articulera surtout autour d'avant-premières, de table-rondes, d'une leçon de cinéma de Gaston Kaboré, d'un concert de Ray Lema, de séances spéciales, d'une programmation pour le jeune public et d'ateliers pédagogiques. A côté des monstres sacrés qui ne sont plus à présenter, Africamania fait également place à de jeunes réalisateurs comme Salif Traoré (Mali), Cheick Fantamady Camara (Guinée), Newton Aduaka, (Nigeria), Dani Kouyaté (Burkina Faso)… dont les œuvres récentes vont meubler le programme des avant-premières.

Des débats pour un autre visage du cinéma africain
Les deux table-rondes (le 26 janvier et le 15 février 2008), de nombreux invités débattront sur les thématiques comme "Histoire du cinéma africain des années 60 à nos jours". Un débat qui a comme invités Souleymane Cissé, Abderrahmane Sissako, Andrée Davanture, Elizabeth Lequeret, Jacques Bidou, Cheick Fantamady Camara. Il s'agit surtout de lever le voile sur le 7e art africain, de mettre en exergue ses avancées, ses difficultés afin de mieux baliser les pistes de son développement. Le second débat aura comme thème "Et aujourd'hui, quelle création ?" avec Newton I. Aduaka, Samba Félix Ndiaye, François Belorgey, Babakar Diallo, Jean-Pierre Garcia et François Margolin.
Ces thèmes auront le mérite d'attirer un regard plus critique sur le cinéma africain, de faire le diagnostic de ses difficultés. Chaque acteur doit alors se sentir interpeler par l'avenir d'un secteur qui a valu au continent de nombreuses distinctions jusqu'aux années 80. Mais, depuis, on constate que le cinéma du continent perd du terrain. Comment en est ont arrivé là ? Quelle est la part de responsabilité de chaque acteur ? Que faut-il attendre des politiques ?
Selon de nombreux observateurs, l'un des principaux handicaps du cinéma africain est sa sous distribution aux niveaux national et international. En effet, ces dernières années, peu de films africains, ont bénéficié de la distribution digne de leur qualité, y compris en Afrique où les cinéphiles sont pourtant friands des œuvres réalisées par les africains.
En conséquence, comme le déplore Elizabeth Lequeret, "le continent a progressivement disparu des festivals, cédant le pas à des zones géographiques plus dynamiques (l'Iran, la Chine, l'Argentine) : aucune présence africaine en compétition officielle à Cannes depuis Kini et Adams, du Burkinabè Idrissa Ouedraogo, en 1993".

L'Afrique, "un angle mort" du cinéma mondial ?
Pour Elizabeth Lequeret, "aujourd'hui l'Afrique semble à tous points de vue devenue un angle mort cinéphilique, et les quelques films admirables produits ces dernières années (Bamako, d'Abderrahmane Sissako, Daratt du Tchadien Mahamat-Saleh Haroun ou encore le magnifique Mooladé du Sénégalais Ousmane Sembene) masquent difficilement l'absence quasi-totale de projets de grande ampleur".
Difficile de ne pas lui donner raison si l'on sait qu'un cinéaste émérite comme le Malien Souleymane Cissé, n'a réalisé aucun long métrage depuis Waati, sorti il y a quatorze… ans ! Les Gaston Kaboré, Idrissa Ouédraogo, Cheick Oumar Sissoko… sont également très timides sur le front de la création.
Les décès de Djibril Mambéty Diop et de Sembène Ousmane ne sont pas de nature à relancer la production cinématographique. Cela est d'autan vrai que le doyen Sembène était presque le seul qui a réussi "à tourner, à intervalles réguliers, une dizaine de films qui, esthétiquement et thématiquement, ont marqué quarante ans de cinéma africain. De fait, Sembène est l'un des rares à avoir su trouver un équilibre entre apports de sponsors locaux et les financements européens auquel le cinéma africain semble assujetti depuis ses origines", souligne Elizabeth Lequeret.
Certes la jeune génération (Abderrahmane Sissako, Cheick Fantamady Camara, Newton I. Aduaka, Babakar Diallo, Salif Traoré, etc.) ne cache plus sa farouche volonté de sortir des sentiers battus des problèmes de financement et de la distribution. Mais, pour le moment, on voit mal comment le cinéma d'Afrique noire peut se soustraire du "parrainage ambigu de la coopération française". Surtout que l'implication des politiques est encore timide voire démagogique. Sur l'ensemble du continent, le Burkina Faso (ex-Haute Volta) est presque le seul pays qui a réellement pris à bras le corps le développement de l'industrie cinématographique.
En effet, la Révolution (politique, culturelle et socioéconomique) amorcée par le Capitaine Thomas Sankara (assassiné le 15 octobre 1987), a permis à ce pays d'entreprendre une véritable politique d'aide au cinéma national à travers des financements publics, la construction de salles, la création d'un festival panafricain du cinéma biennal (l'incontournable Fespaco). Ce qui fait que, de nos jours, le Burkina est "l'une des têtes de pont cinématographiques de l'Afrique".

Un tremplin pour les jeunes cinéastes
La programmation d'Africamania fait une large place aux jeunes cinéastes africains. C'est par exemple le cas Newton Aduaka avec Ezra (Etalon du Yennega du Fespaco 2007) qui sera projeté le 8 Février 2008 en avant-première en présence du réalisateur. Une semaine plus tard, 15 février 2008, ce sera le tour du jeune réalisateur malien, Salif Traoré de présenter son chef d'œuvre, Faro, la Reine des Eaux. Ce long-métrage sera également présenté en avant-première en présence du réalisateur.
Tout comme Il va pleuvoir sur Conakry du Guinéen Cheick Fantamady Camara, Prix Rfi du Public à l'édition 2007 du Fespaco. Kinshasa Palace de Zeka Laplaine, L'Ombre de Liberty d'Imunga Ivanga, Le Silence de la forêt de Bassek Ba Kobhio, Ouaga Saga de Dani Kouyaté, Questions à la terre natale de Samba Félix Ndiaye… sont également à l'affiche de cette fantastique rétrospective des 50 ans du cinéma africain en France. Une opportunité pour les jeunes créateurs africains de se distinguer et de s'ouvrir le circuit international de la distribution.

Gageons que les débats organisés dans le cadre d'Africamania permettront de baliser les pistes d'une réellement implication des Etats africains dans le développement du 7e art du continent. Il est en tout cas utopique de vouloir résoudre les équations de financement et de distribution des œuvres cinématographique africaines tant que les dirigeants politiques ne les inscrivent pas en priorité dans leurs programmes de développement.

Moussa Bolly

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