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Hya wa Houwa (Elle et lui), de Elyes Baccar (Tunisie)
Un film de jeunesse qui promet
critique
rédigé par Hassouna Mansouri
publié le 05/02/2008

Hya wa Houwa (Elle et lui) de Elyes Baccar est un film qui interpelle à plusieurs titres. Sa sortie en ce début de 2008 est un peu tardive, le film étant prêt depuis 2006. Mais il vient confirmer l'intérêt que le public tunisien accorde au cinéma national depuis quelque temps. Après Making of de Nouri Bouzid, Tendresse du loup de Jilani Saadi, voici qu'il vient juste devancer Junun de Fadhel Jaaibi qui sort une semaine plus tard.

Si le film sort maintenant c'est que le moment est propice à son exploitation. Pourtant Elyes Baccar n'est pas un réalisateur aussi bien connu comme ses aînés susmentionnés. Du moins il ne l'est pas auprès du public large. Il a plutôt le profil d'un "touche à tout". Ce jeune réalisateur vient de la télévision où il avait fait ses armes et s'est familiarisé avec la manipulation de l'image. Il monte aussi des spectacles pour le théâtre et les grandes manifestations. Mais, ce qui est sûr, le film témoigne d'un désir de faire quelque chose de différent.

Certes, Hya wa Houwa ne naît pas à la suite d'un processus classique de production, ni de conception. Produit au départ avec les moyens personnels de son metteur en scène (qui s'établit du coup comme producteur), le film devait s'adapter aux contraintes budgétaires : casting, figuration, décors, tournage en vidéo etc. Tout cela a donné lieu à un produit curieux, le moins que l'on puisse dire.

Autant on apprécie certains aspects de cette oeuvre, autant on regrette des disgrâces qui auraient pu être facilement évincées. Le travail de groupe qui est, à l'évidence, à la recherche d'une voie, d'une image qui lui serve de reflet : le film est presque une oeuvre collective de Elyes Baccar et de ses deux acteurs : Mohamed Ali ben Jemaâ et Anissa Daoud. C'est peut-être tout cela qui explique les indécisions, les hésitations au sens de choix qui permettent de présenter une oeuvre qui se tienne.

Sur le plan purement dramaturgique, le film est sauvé par une structure minimale. À celle-ci correspond le huis clos dans lequel l'action du film se passe. Ce choix est heureux parce qu'il est cohérent avec le sujet du rêve et du fantasme chez le personnage principal. À cela s'ajoute un travail excellent sur la dimension plastique de l'image. Tout contribue à créer l'atmosphère du fantasme : éclairage, décors et composition des plans, sur cadrage.

Tout est au service de la recherche des limites, et des moments de tension entre soi et l'autre, entrer l'un et le multiple. Cela se traduit surtout au niveau de la performance extraordinaire des deux acteurs. Ils arrivent, avec un naturel surprenant, à rendre palpable la tension entre les deux personnages. Mais surtout ils lui donnent un arrière plan d'une telle profondeur qu'il laisse entendre le prolongement de celle-ci sur un niveau plus général.

C'est là justement où le bât blesse. L'élan que le film porte vers le nouveau, le différent ne peut pas suffire pour faire œuvre. De même, il n'est que facile de jouer à l'iconoclaste, en tournant en dérision ou en bafouant les grandes idées. On a beau se lancer dans un exercice de style qui montre la maîtrise parfaite de la fabrication de l'image, cela ne remplace en rien une idée, une façon de voir et de concevoir son rapport au monde et au cinéma. Or, en cela le film laisse beaucoup de zones d'ombre. Peut-être sont-elles les marques d'une jeunesse qui se cherche et dont la maturité artistique donnera lieu à des œuvres mieux abouties.

Hassouna Mansouri

Hya wa Houwa,
De Elyes Baccar
Avec Mohamed Ali Ben Jemaâ, Anissa Daoud, Abdelahmid Gayes,...

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