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Promotion entre amateurisme et originalité
Dossier n°3 Cinéma - télévision
critique
rédigé par Francis Mbagna
publié le 05/03/2008

La volonté d'attiser le désir de regarder des images pousse souvent à explorer des pistes originales qui s'émancipent des solutions classiques.

Grandes affiches de 4x3, placardées devant les salles, banderoles flottant au vent fixées sur des mâts, voitures émettrices ou allo allo, captivant l'attention des personnes conviées aux projections et pour lesquelles un public hétéroclite était garantie. Des salles de fortunes ou des espaces étaient expressément aménagés à l'occasion. Les salles conventionnelles s'avéraient alors étroites. Tout ce ramdam garantissait l'affluence. Le bouche à oreille et autre téléphone arabe ayant fait le reste. C'est en gros les différents supports et moyens que l'on pourrait qualifier de classique, mis à contribution en vue de communiquer sur les productions des années soixante.

Le cinéma de ces années-là était porté à bout de bras par un fonds de développement de l'industrie cinématographique (Fodic). Ainsi fut assuré, l'instant d'une décennie, la production chaque année d'un long métrage, au moins, après Muna Moto de Jean Pierre Dikongué Pipa (1974), Pousse Pousse de Daniel Kamwa (1975). Si Muna Moto fit sortir le cinéma camerounais de ses frontières, en récoltant des récompenses dans des festivals internationaux, notamment en 1976 avec l'étalon d'or du Yennenga au Fespaco. Ainsi que le souligne Guy Jérémie Ngansop in le cinéma camerounais en crise paru chez l'harmattan en 1988, le film a une carrière commerciale à la limite de la réussite, victime de l'avant-gardisme du réalisateur. En fait, remarque Guy Jérémie Ngansop, "le public ne comprend rien aux flash back et aux séquences oniriques, le tout aggravé par une mauvaise qualité du son" .

Pousse Pousse fait une carrière inverse, mais heureuse par rapport à celle de Muna Moto. Pas de palmes festivalières. Par contre une carrière commerciale à faire rêver les réalisateurs africains : plus d'un million d'entrées. Brusquement, les projecteurs s'éteignirent. Les bobines tournèrent court. La machine se grippa. L'élan de production fit place au vide local, substitué par une production de la diaspora.

On entendit parler, à défaut d'avoir vu des nouveaux noms comme Jean Claude Tchuilen, dont le film Suicides (1983) fut censuré à sa sortie. Jules Takam, L'Appât du gain, Alphonse Beni avec Cameroon Connections, Dance my love, la première comédie musicale camerounaise ou Anna Makossa (1979) et Saint Voyou (1980), Arthur si Bita Les Coopérants, en passant par d'autres productions comme Le Prix de la liberté de Jean Pierre Dikongue Pipa (1978), et Canon Kpa Kum , Notre fille (1980) de Daniel Kamwa, Ribo ou le soleil sauvage (1978) de Henri Joseph Nama. Rythmes du Cameroun et l'Etat unitaire du ministère de l'information et de la culture et La brûlure de Urbain Dia Moukouri.

Si la marque distinctive des lieux de diffusion des films a été longtemps matérialisé par les posters géants des acteurs au cours des années 80 (envahies par les productions hollywoodiennes), dans un univers où le western et le film hindou avaient façonné la consommation, la production locale dut s'adapter et même se diversifier. D'où l'intrusion de l'audio que les années 90 auront révolutionné. En fait, si la page culturelle des journaux parlés de l'unique et puissante Radio Cameroun le mentionnait déjà, Cameroon tribune la très officielle presse de l'État, ne manquait pas, dans un élan de soutien avéré, d'annoncer les programmes des grandes productions et surtout des avis de censure de film dont la décence, très sévère à l'époque, laissait libre cours aux talents ou au zèle très discutables de quelques fonctionnaires commis à la tâche de Dame Anastasie.

L'arrivée des radios en modulation de fréquence, d'abord timide, a relancé la publicité des films en rivalisant de créativité et de doigté pour accrocher l'auditoire. À Yaoundé, qui ne se souvient des dictées de Comos, sur le cinéma théâtre Abbia devenu, à l'occasion de ses sorties très ampoulées "le temple du cinéma mondial", le temps de la magie de son verbe, aiguisé pour appâter le plus irréductible des indécis de la culture. Le cinéma le Capitole lui adressait la réplique, via un autre communicateur, dont le talent n'avait d'égal que les intérêts charriés par la grosse concurrence que se livraient ces derniers vestiges de ce que Yaoundé comptait comme espaces conventionnels de diffusion.

Il faut dire que ce qui marque les années quatre vingt dix, c'est aussi la fermeture des salles de projection. La grande crise que traversent les pays africains, doublée plus tard de la dévaluation pour ceux de la zone franc, à laquelle appartient le Cameroun, marque également la rareté des productions nationales. Le maigre espace concédé désormais aux productions saisonnières sera désormais disputé par la télévision qui prend son départ en 1985.

Au déficit d'images cinématographique se conjuguera dès lors, au fil des années, la saturation d'images de télévision d'abord hésitantes, ensuite inconsistantes, faute de projet intelligent pour proposer aux téléspectateurs des images d'eux-mêmes.

Comme dans un mariage polygamique, la deuxième épouse, à savoir la télévision, gagnera les faveurs de l'État d'autant facilement que l'on se remet à peine des dissensions nées de la gestion du FODIC où d'importantes sommes ont été englouties. La création de la télévision, projet ambitieux, exigera pas moins 80 milliards de francs aux contribuables camerounais. Pour contribuer à l'accroissement de la circulation des œuvres cinématographiques, tous ces faisceaux de moyens doivent se conjuguer. Car, laissée à la seule logique du marché, l'industrie du cinéma encore balbutiante, ne peut proposer sa production. C'est pourquoi la nécessité d'encourager ou renforcer par des mécanismes incitatifs et si nécessaires, contraignants, doit être mise en place pour stimuler la demande.

À la naissance de la télévision, la promotion du cinéma se positionne comme un vecteur supplémentaire d'annonce et d'invite à la consommation du spectacle du concurrent film.

Francis Mbagna
Cinépress Cameroun

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