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La revanche de Selma
Zaïna, cavalière de l'atlas, de Bourlem Guerjou (Maroc)
critique
rédigé par Sitou Ayité
publié le 08/03/2008

Le destin le plus difficile à accomplir est celui dont on est le seul à y croire. C'est ce destin que Selma, la mère de Zaïna a essayé d'accomplir douze ans avant la naissance de sa fille. Mais était-ce seulement son destin à elle ? N'était ce pas plutôt le défi de toutes les femmes de son temps qu'elle a voulu relever ? Participer à l'Agdal, une célèbre course de chevaux de pur sang réservée uniquement à la gente masculine à Marrakech au nom de la femme lui a coûté tout son honneur de femme : la répudiation.



L'histoire de Selma se termine dans la première scène du film où tout son combat disparaît avec elle sous des monceaux de pierres, devant le regard vengeur de sa fille Zaïna, interprétée par Aziza Nadir. Tout n'est alors pas totalement enfoui sous terre avec Selma puisque Zaïna, ce bout de femme, semble bien déterminée par son regard à prendre la revanche de sa mère.

L'histoire de Zaïna dont parle ce film n'est que la répétition de celle de Selma que le réalisateur Bourlem Guerdjou a pris soin de raconter artistiquement en commentaire. La responsabilité imputée à Zaïna lui laisse l'action plus que la parole pour s'exprimer. Tous ces non dits rendent la jeune fille plus secrète et plus mystérieuse. La revanche dont il est question s'étend sur le plan idéologique et physique. Si Selma a perdu le souffle en se battant pour son idéal dans un monde adulte auquel elle appartient, comment une orpheline adolescente pourrait-elle sortir d'un cercle où il faut à la fois venger la mort de sa mère et en plus défendre en même temps l'idéal bafoué de cette même mère? Voilà les défis de cette jeune fille.

Zaïna est engagée dans un combat aussi universel que personnel, parce qu'en défendant l'idéal de sa mère elle le fait tout simplement pour la femme et en vengeant la mort de Selma, elle le fait pour elle. La violence pourra t-elle être l'arme de Zaïna ? En la contenant dans son regard, on déduit bien que la jeune fille est consciente que ce n'est pas la violence qui sera sa meilleure arme. Elle préfère utiliser son regard pour combattre. Zaïna passe d'un regard éloquent à un autre : parfois accusateur, parfois méfiant et même haineux.
Toutes ces expressions de regard de la jeune fille à Moustapha son père qu'elle connaît à peine et Omar, l'assassin de sa mère qui veut la récupérer expose l'impuissance d'une adolescente face au monde adulte et son inflexible détermination à gagner.
La seule question est de savoir si le moyen d'action de Zaïna pourra atteindre son but. Devant deux hommes dont l'un a répudié sa mère et l'autre l'a tuée, la jeune fille devra pourtant pardonner et faire un choix. Cruel dilemme !

Sera-ce Moustapha qui veut tout à coup jouer son rôle de père ou plutôt Omar qui promet d'offrir à Zaïna ce qu'il n'a pas pu donner à Selma ? Dans ces conflits de regards où chacun veut gagner son cœur, la jeune fille saura choisir quel regard est le plus sincère.
Dans un mélange de "mille et une nuits" et de western dans les montagnes de l'Atlas, on trouve tous les ingrédients de ces deux genres : attaques armées, poursuites, règlement de compte, décor sahélien et costume d'Aladin … le réalisateur joue beaucoup sur le plan de l'éloignement et sur le symbolisme : le voile de Zaïna qui tombe et qui est foulé aux pieds des chevaux de pur sang pendant l'Agdal, l'herbier toujours en main de l'orpheline même quand elle dort.

Toutes ces scènes montrent la position du réalisateur par rapport à la femme ; le symbole de l'herbier pour dire que le travail est la clé de la liberté de la femme, le voile qui tombe pour signifier qu'une femme est prête à tout pour avoir ce qu'elle veut. Dans ce film où la confrontation des deux gentes intervient régulièrement, on remarque quand même ce soutien indicible du réalisateur à la femme.

Sitou Ayité

Zaïna, cavalière de l'atlas
De : Bourlem Guerjou
Avec : Aziza Nadir
Costumes : Anaïs Romand
Pays : Maroc
Durée : 90 min
Format : 35mm

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