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Au-delà des stéréotypes, dans la vie
Dans la vie, de Philippe Faucon (France)
critique
rédigé par Meriam Azizi
publié le 26/03/2008

Le sujet demeure fidèle à la nature des préoccupations du réalisateur. Après La Trahison, film émouvant, sur la guerre en Algérie, Dans la vie relève une autre question relative aux conflits humains et communautaires : l'impact des médias sur les tensions qui minent les rapports entre juifs et arabes sur fond du conflit israélo-palestinien. Grâce à des choix narratifs et esthétiques bien déterminés, l'idée s'avère bien originale. Le traitement, quant à lui, ne souffre que d'un manque de crédibilité du côté des comédiens, choisis intentionnellement non professionnels. L'histoire comme ses personnages, frappe par sa complexe simplicité.

Sélima joué par Sabrina Ben Abdallah, appartient à la deuxième génération des immigrés algériens. Complètement libérale (elle fume, mène une vie de couple sans contrat ni religieux, ni civil, ses confidentes sont aussi bien immigrées que françaises de souche), exerce le métier d'infirmière. Dès l'ouverture, la problématique du film se pose : à sa première visite, Sélima s'entend dire par le patient à qui elle vient administrer une piqûre : "Je n'aime pas les gens comme vous." Chez ses parents, la question de l'hostilité et de l'inimitié émerge dans le salon, devant le JT, à travers un fond sonore que diffuse une source télévisuelle, sitôt arrachée au hors-champ pour laisser les images du conflit israélo-palestinien parler d'elles-mêmes. Ces images faisant partie du quotidien de tout individu arabe et qui ne manquent pas d'attiser sa hargne ni de lui rappeler sa dignité bafouée, Faucon choisit significativement de les ponctuer par le dialogue de Halima qui déclare sa décision d'aider sa fille à s'occuper de Madame Esther, une juive pied noir, paraplégique.

Dans la vie nous met devant un fait réel conditionné par la conjoncture actuelle : d'un côté, un discours sur les clichés et les préjugés représentés par l'emportement des fils de Halima dans leur opposition catégorique à aider une juive et sa mise au ban progressive à cause des commérages du voisinage, de l'autre, un discours sur les possibilités d'une co-existence dans l'entente, une alternative aussi authentique et véridique que l'on nous montre pas à la télé mais qui existe dans la vie.

La quête de cette autre possibilité a amené la caméra de Faucon à la peinture de deux portraits de femmes nées dans le même pays. Toutefois, partageant la même culture, elles sont de confessions religieuses antagonistes. Le processus filmique suit le schéma des trois étapes canoniques sur lesquelles repose tout récit. 1° équilibre, 2° conflit/déséquilibre, 3° rétablissement de l'équilibre (initial ou nouveau).

L'équilibre initial, c'est le préjugé raciste que tout le monde connaît : l'Arabe n'est pas apprécié. Le déséquilibre est né de l'introduction du personnage d'Ester, figure de l'ennemi et source de tracas pour Halima, c'est l'opposant par excellence. Cependant, la confrontation des deux identités, malgré les obstacles s'achemine vers l'installation d'un terrain d'entente, déjà pressenti grâce à la tolérance qu'incarne le personnage de Sélima, l'espoir d'une nouvelle génération baignant dans le métissage socio-culturel. Les querelles entre les deux dames, occasionnées par des moments de culpabilité, ou de surdiffusion médiatique qui semble délaisser le rôle d'informer pour celui de creuser davantage la discorde, cèdent progressivement la place à une complicité naissante qui prend tout son sens à la fin du film. Le plan final nous montre Esther incapable de détacher son regard de Halima qui, dans la frénésie ambiante de son départ pour la Mecque, ne parvient pas non plus à admettre le départ de sa copine. Un plan sublime où la douleur intime et si discrètement exprimée, de la séparation, parce que soi-disant illégitime et mal vue, jure avec l'exaltation et l'exubérance de la fierté musulmane des habitants du quartier dans leur escorte de la future hajja (1). Dans la vie nous emporte dans l'histoire d'une relation pure, loin des partis pris imposés par les différences ethniques, religieuses ou sociales. Une hymne à l'humanisme, valeur aujourd'hui agonisante. Une ode à la paix.

Mériam AZIZI

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