AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 926 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Le cinéma à Ouarzazate
Une stratégie et une commission de suivi
critique
rédigé par Mohammed Bakrim
publié le 27/03/2008

Ouarzazate, une oasis au sud-est marocain sortie de l'anonymat grâce aux dizaines de productions internationales qui s'y tournent chaque année. Studio gigantesque à ciel ouvert, Ouarzazate a longtemps donné ses décors naturels aux œuvres de fiction reconstituant la Grèce antique ou l'Égypte biblique et pharaonique. Elle s'apprête à devenir l'Afghanistan et l'Irak du cinéma. Pour la région comme pour le pays c'est désormais un enjeu économique d'envergure…

Un ancien journaliste devenu un agent de la CIA mène une enquête contre des éléments d'Al qaida en Jordanie… C'est l'argument narratif du dernier film en post production du cinéaste américain Ridley Scott, The body of lies. Le décor choisi pour retrouver les paysages du moyen orient n'est autre que le Maroc. Pour cette super production américaine avec des megastars comme Leonardo di Caprio dans le rôle de l'ancien journaliste ou encore Russell Crowe dans le rôle d'un chef de la CIA, Ouarzazate a été un plateau de choix. C'est d'ailleurs une destination privilégiée de Ridley Scott. Il y a déjà tourné une bonne partie de son film Gladiator… ou encore The kingdom of heaven… Ouarzazate réussit là une nouvelle fois un formidable coup médiatique venant renforcer une véritable tendance historique, devenue depuis quelques années un atout d'une stratégie de développement régional.

C'est en effet une tradition historique dont toute la ville et la région portent l'empreinte. Le cinéma a très tôt découvert cette oasis située à quelques 500 kilomètres de Rabat ; dotée de sites naturels merveilleux avec des paysages désertiques quasi lunaires, Ouarzazate bénéficie aussi d'une double proximité qui augmente et varie son offre touristique: elle est à moins de trois heures des plages d'Agadir et moins d'une heure des cîmes enneigées du haut Atlas. Elle est aussi la voisine berbère de Marrakech que l'on peut joindre par une route offrant une grande diversité de paysages et de décors. Autant d'atouts qui font que Ouarzazate soit la destination de grandes productions internationales, américaines bien sûr, mais aussi françaises, allemandes et italiennes…

Le Maroc a vu l'arrivée des premiers opérateurs Lumière juste après la grande première parisienne de ce qu'on appelait alors le cinématographe en décembre 1895, il voit se développer sur son sol plusieurs tournages qui vont donner naissance pratiquement à un genre cinématographique, le cinéma colonial. Le premier film de fiction est ainsi tourné en 1919 avec un titre prémonitoire Mektoub de Jean Pinchon. D'autres films cultes seront produits dans un esprit qui exalte l'exotisme et prolonge l'engouement oriental des peintres romantiques. Des titres emblématiques comme Itto (1934), Le Grand jeu (1933) Noces de sable (1948) du cinéaste Zwoboda ou encore le maître Orson Welles qui choisira le Maroc pour tourner son film Othello. Fasciné par cette expérience, il présente le film à Cannes en 1952 sous les couleurs du Maroc…et finit par décrocher la Palme d'or…Ouarzazate va prendre le relais et Jacques Becker va ouvrir la voie avec Ali Baba et les quarante voleurs (1954). D'autres productions vont suivre dont certaines font partie des champions du box office. On peut citer par exemple Le Joyau du Nil de Lewis Teague avec Michael Douglas. L'avion de la séquence célèbre de l'évasion du couple est encore présent offert au regard des visiteurs et des touristes dans les studios Atlas. On peut citer aussi Astérix et Cléopâtre d'Alain Chaba avec Gérard Depardieu et Djamel Debbouze… Kundun de Martin Scorsese, film qui l'a fait tomber dans le charme du Maroc et de la musique du groupe populaire Nass Alghiwan. Parmi les tournages célèbres dans la région on peut citer aussi la célèbre série télévisuelle La Bible, une coproduction européenne qui a fait appel à des moyens hollywoodiens comme le cinéaste Paul Young et la star Ben Kingsley…

Des studios et une volonté politique

Certes, l'attrait principal qui pousse ces productions à venir travailler dans la région est d'abord un don de la nature: une lumière qui met en valeur les couleurs, un climat stable, la diversité ethnique et culturelle des populations de la région, une main-d'œuvre disponible et peu coûteuse. Mais cela n'est pas suffisant pour affronter la concurrence de plus en plus forte de certaines régions proches : on peut citer l'Espagne qui accorde des primes d'aide à l'investissement dans le secteur, la Tunisie, demain l'Algérie et surtout les pays du Golfe qui mettent les bouchées doubles pour devenir une plate-forme cinématographique de l'industrie cinématographique. Consciente de cela, la région Souss-Massa-Draa, a diligenté une étude stratégique pour offrir aux décideurs la feuille de route d'une politique pour sauvegarder cet outil formidable de développement. Le cinéma génère à Ouarzazate un chiffre d'affaires de cent millions de dollars et des milliers d'emplois saisonniers et permanents. Cette étude stratégique a mis le doigt sur les lacunes à combler. Ouarzazate dispose de trois studios d'envergure internationale : le studio Atlas (crée en 1983) ; le studio Kanzaman sur une superficie de 60 ha, abrite également un centre de formations ; le studio CLA dont le promoteur n'est autre que Dino de Laurentis a été inauguré par S.M. Le Roi Mohammed VI, signe de l'existence d'une volonté politique de défendre ce secteur. Le Centre Cinématographique Marocain est également partenaire de cette démarche d'ensemble par les facilités administratives octroyées, les conseils, le contrôle de l'emploi des ressources humaines, et les initiatives internationales qu'il mène auprès des producteurs internationaux. La formation fait figure également de priorité dans cette stratégie; les techniciens marocains font preuve de savoir faire mais il y a des postes qui font défaut. La figuration (Ouarzazate en compte près de six mille) est un secteur qui appelle une structuration et un encadrement. La Région a mis les moyens, plus de 4 millions d'Euros sont débloqués pour un projet visant à parvenir à une moyenne de 40 films par an dans la perspective de l'an 2016. Une Film commission, présidée par M. Nour Eddine Saïl, a été créée pour assurer le suivi et la réalisation de ce vaste programme.

Mohammed Bakrim

Films liés
Artistes liés
Structures liées